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THÉODON.

Mes soins vous sont acquis.

MÉLANIDE.

Si Darviane étoit ici, je vous supplie,

Daignez me l'envoyer.

THÉODON.

Vous serez obéie.

SCENE IV.

MELANIDE.

Je tremble que déja son aveugle fureur
Ne l'ait précipité dans la derniere horreur.
Peut-être en ce moment que chacun d'eux conspire...
Mon cœur s'ouvre, mon sein doublement se déchire;
J'y reçois tous les coups qu'ils peuvent se porter...
Cette attente est pour moi trop rude à supporter;
Il faut...

SCENE V.

DARVIANE, MELANIDE.

MÉLANIDE.

Qu'avez-vous fait? Vous n'avez qu'à poursuivre,

Et bientôt avec vous on n'osera plus vivre.

DARVIAN E.

Quoi donc?

MÉLANIDE.

Tenez, voyez, lisez ce qu'on m'écrit.

C'est bien à vous, monsieur, à céder au dépit! Voilà donc la douceur que vous m'aviez promise?

DARVIANE.

La sensibilité ne m'est donc pas permise?

MÉLANIDE.

Non, quand elle s'exhale avec trop de chaleur. Monsieur, il faut apprendre à souffrir un malheur. Quand on ne le fait pas, on s'en attire un autre.

DARVIANE.

Pour un moment d'oubli, quel courroux est le vôtre?
MÉLANIDE.

Un moment d'imprudence a souvent fait verser
Des larmes que le tems n'a pu faire cesser.

DARVIANE.

Dans l'état où je suis, pouvois-je me contraindre?
Mais de vous-même aussi n'oserois-je me plaindre?
Si vous m'aimez encore, au nom de cet amour,
Dites-moi donc pourquoi je perds tout en ce jour.
Vous aviez dans vos mains le bonheur de ma vie;
Je pouvois être heureux; vous m'ôtez Rosalie.
Par quelle cruauté faut-il que ce Marquis
Vous doive tout le bien que je m'étois acquis?
Car il le tient de vous. Dans cette concurrence,
Cet homme devoit-il avoir la préférence?

MÉLANIDE.

Envers votre rival soyez plus circonspect,

Et ne sortez jamais du plus profond respect
Que vous devez avoir pour lui; je vous l'ordonne.

DARVIANE.

Et par quelle raison?... Mais votre ordre m'étonne. Qui! moi! le respecter? Ah! retranchez ce point.

Je l'exige de vous.

MÉLANIDE.

DARVIANE.

Et ne faudra-t-il point

Que je lui fasse aussi des excuses?

MÉLANIDE.

Sans doute:

Il faut vous y résoudre; oui, quoi qu'il vous en coûte,
Croyez que mon conseil n'est pas indifférent.
Obéissez enfin ; ce n'est qu'en réparant
Qu'on peut tirer parti des fautes qu'on a faites.

DARVIANE.

Madame, y pensez-vous?

MÉLANIDE.

Je sais ce que vous êtes.

DARVIANE.

Ah! c'en est un peu trop. Ne m'abaissez pas tant. Mon rival, si l'on veut, est un homme important. Eh!

que me fait, à moi, si sa fortune est grande? Parcequ'il est heureux, faut-il que j'en dépende? Les procédés reçus entre gens tels que nous Ne souffrent pas que j'aille embrasser ses genoux. S'il se croit offensé, nous avons notre usage.

Je ne suis pas encore à mon apprentissage.
(en mettant la main sur son épée.)

S'il veut, nous nous verrons. Ceci nous rend égaux.

MELANIDE.

Je gémis de vous voir des sentimens si faux;
Et pour qui! Mais je cede; il vaut mieux vous apprendre
Les causes d'un refus qui vous a dû surprendre.
J'ai prévu dès long-tems ce qui vient d'éclater:
J'ai combattu vos feux, bien loin de vous flatter;
Je vous ai toujours dit que jamais l'hyménée
N'uniroit Rosalie à votre destinée;

Que même son amour vous seroit superflu.

DARVIANE.

Madame, cependant si vous aviez voulu !...

MÉLANIDE.

Si j'avois pu détruire un obstacle invincible,
Qui rend ce mariage entre vous impossible,
Je n'aurois pas été moins heureuse que vous.

DARVIAN E.

Quel obstacle s'oppose à des liens si doux?

Votre état.

MÉLANIDE.

DARVIANE.

Mon état, dites-vous? J'en fais gloire.

Je sers avec honneur; du moins j'ose le croire:
Et si quelque revers n'arrête point mes pas,
Je ferai mon chemin.

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Seroit-ce ma fortune? Elle est assez bornée;

J'en conviens avec vous. Mais quoi donc! l'hyménée N'a-t-il jamais été l'ouvrage de l'amour?

Serois-je le premier?... On en voit chaque jour...

MÉLANIDE.

Mais ils sont assortis, du moins par la naissance.

DARVIANE.

De la mienne, il est vrai, j'ai peu de connoissance.
Depuis que le hasard a pu nous réunir,
Vous avez évité de m'en entretenir.

Mais je vous appartiens; ce titre me rassure.
Oui, j'ai quelque naissance; elle n'est point obscure.

MÉLANIDE.

Ah! bien loin d'en avoir, gémissez d'être né.

Je frémis.

DARVIANE.

MÉLANIDE.

Et voilà l'obstacle infortuné

Que j'avois toujours craint de vous faire connoître.

DARVIAN E.

Moi! j'aurois à rougir de ceux qui m'ont fait naître! Quel est donc le néant où j'ai puisé le jour?

MÉLANIDE.

Que voulez-vous savoir?

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