DAMON. Aux pieds d'une épouse adorable Ne vas-tu pas reprendre une chaîne durable? DURVAL. Au contraire. DAMON. Quoi donc? DURVAL. Je vais me dérober Au danger évident où j'allois succomber. DAMON. Mais songe donc aux biens où tu vas renoncer. DURVAL, d'un ton pénétré. Hélas! il faut se rendre, et lui sauver la vie. C'en est fait, pour jamais ma honte est asservie... Sois content, mon cœur cede, et se rend à l'amour. (il veut s'en aller, Damon le retient.) SCENE II. CONSTANCE, DURVAL, DAMON. DURVAL, après quelque résistance, se rapproche avec Damon. Je retenois Damon qui vouloit s'en aller: CONSTANCE. Il n'est jamais de trop. DURVAL. On vous a demandée. DAMON. L'on a dit que madame étoit incommodée. CONSTANCE, à Durval. Je l'ai feint, et je viens vous en rendre raison. Vous ne m'en devez rendre en aucune façon. CONSTANCE. Hélas! j'avois besoin d'un peu de solitude. DURVAL. Est-ce pour ces présens? On saura vos refus. CONSTANCE. Ah! j'étois respectée, et je ne le suis plus. Rassurez-vous, c'est moi... qui... me charge du blâme. CONSTANCE. J'en mourrai de douleur. DURVAL, avec trouble. Cela suffit, madame... (à Damon.) Je ne sais où j'en suis. DAMON, bas, à Durval. Il faut t'aider un peu. DURVAL, bas et vivement. Cher ami, n'en fais rien, ou crains mon désaveu. Qu'avez-vous? CONSTANCE. DURVAL. Ce n'est rien. J'ai peine à le réduire... C'est à votre sujet... il faut vous en instruire... Sachez donc un secret... vous ne le croirez pas... Vous voyez devant vous... CONSTANCE. Eh bien? DURVAL. Notre embarras... Oui, vous voyez... quelqu'un qui n'ose plus attendre... Qui craint de compromettre un amour aussi tendre... Mais... que ne pouvez-vous lire au fond de son cœur?... CONSTANCE. Vous parlez de Damon? DURVAL, vivement. Justement. DAMON. Quelle erreur! En vérité, madame, il parle de lui-même. DURVAL. Non,il me fait parler... Voyez son trouble extrême... Ah! vous me ravissez: prêtez-lui votre appui. CONSTANCE. Damon peut y compter. DURVAL. Moi, je réponds pour lui; Je me rends le garant d'une flamme si belle. DAMON, bas, à Durval. Morbleu! parlez pour vous. CONSTANCE, bas. Quel garant infidele! DURVAL. Otez donc à Sophie un préjugé fatal Qu'elle a contre l'hymen. Ah! qu'elle en juge mal! Je sens que ce portrait devroit être fidele. DURVAL, en la regardant de méme. Madame, on en pourroit trouver plus d'un modele. |