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SOPHIE.

Je ne puis rien comprendre à cette indifférence. Se peut-il qu'un époux ait tant de tolérance?

CONSTANCE.

Eh! n'empoisonnez pas encore mes douleurs. Hélas! je sens assez le poids de mes malheurs. Daignez au moins cacher ma nouvelle disgrace. (à Sophie.)

Je vais me renfermer... Allez, suivez la chasse.

SOPHIE. - -.

Je ne vous quitte point.

CONSTANCE.

Vous prenez trop de part

A l'état où je suis... Laissez-moi par égard.-Profitez du plaisir que l'on offre à vos charmes; Je n'ai plus que celui de répandre des larmes.

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(elle sont.): SOPHIE, en la regardant aller..

Quel etat! Et l'on veut que je prenne un époux! Qu'on ne m'en parle plus; ils se ressemblent tous.

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ACTE II.

SCENE PREMIERE.

DURVAL, DAMON.

DURVAL, parott réveur.:

NOTRE cerf n'a pas fait assez de résistance.

DAMON.

Il est vrai: mais entrons un moment chez Constance.

DURVAL, toujours distrait.

Mon équipage est bon: j'imagine qu'ailleurs
Il seroit malaisé d'en trouver de meilleurs.

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Constance en devoit être; elle n'est point venue.

DURVAL.

Je devine à-peu-près ce qui l'a retenue.

DAMON.

Entrons chez elle... Allons, c'est une attention
Dont elle vous aura de l'obligation.

DURVAL.

Oui; mais je ne vais guere en visite chez elle.

On y peut envoyer.

DAMON.

Quelle excuse cruelle!

Du sort de ton épouse adoucis la rigueur;
L'esprit doit réparer les caprices du cœur!
C'est trop d'y joindre encore un mépris manifeste;
Souvent les procédés font excuser le reste.

DURVAL, après avoir regardé partout.
Je crois tous nos chasseurs dans son appartement...
Pour nous entretenir choisissons ce moment.

il soupire.)

Cher ami, qu'envers toi je me trouve coupable!
Je t'ai fait un secret dont la charge m'accable:
Je t'ai craint; j'ai prévu tes conseils, des discours
Que ma foible raison me rappelle toujours.
Quand j'ai voulu parler, la honte m'a fait taire,
Et je crains qu'entre nous l'amitié ne s'altere.

DAMON.

Durval, j'ai des défauts, et même des plus grands; Mais je n'ai pas celui d'être de ces tyrans

Qui font de leurs amis de malheureux esclaves;
Leur pénible amitié n'est que fers et qu'entraves;
Toujours jaloux, et prêts à se formaliser,

Il leur faut des sujets qu'ils puissent maîtriser.
Mais la vraie amitié n'est point impérieuse;
C'est une liaison libre et délicieuse,

Dont le cœur et l'esprit, la raison et le tems,

Ont ensemble formé les noeuds toujours charmans;

Et sa chaîne au besoin, plus souple et plus liante,
Doit prêter de concert, sans qu'on la violente.
Voilà ce qu'avec vous jusqu'ici j'ai trouvé,
Et qu'avec moi, je crois, vous avez éprouvé.
DURVAL, d'un air pénétré.

Eh bien ! sois donc enfin le seul dépositaire
D'un secret dont je vais t'avouer le mystere;
Que du fond de mon cœur il passe au fond du tien;
Qu'il y reste caché comme il l'est dans le mien.
Mes inclinations, ami, sont bien changées;
Mes infidélités vont être bien vengées...

J'aime... Hélas! que ce terme exprime foiblement
Un feu... qui n'est pourtant qu'un renouvellement,
Qu'un retour de tendresse imprévue, inouïe,
Mais qui va décider du reste de ma vie!

DAMON, avec étonnement.

Quoi! ton volage cœur se livrera toujours
A des feux étrangers, à de folles amours!
Ces ardeurs autrefois si pures et si tendres
Ne pourront-elles plus renaître de leurs cendres?
Tu perds tous les plaisirs que tu cherches ailleurs:
L'inconstance est souvent un des plus grands malheurs.

DURVAL.

Apprends quel est l'objet qui cause mon supplice.

DAMON.

Non; je suis ton ami, mais non pas ton complice.

DURVAL.

Ne m'abandonne pas dans mes plus grands besoins;

Permets-moi d'achever: je compte sur tes soins.

DAMON, en s'éloignant.

Je ne veux point entrer dans cette confidence.
DURVAL, en le ramenant.

Je puis t'en informer sans aucune imprudence.
Cet objet si charmant dont je reprends les lois,
Mais que je crois aimer pour la premiere fois ;
Cette femme adorable à qui je rends les armes,

Qui du moins à mes yeux a repris tant de charmes...
C'est la mienne.

DAMON.

Constance?

DURVAL.

Elle-même.

DAMON.

Ah! Durval,

A mon ravissement rien ne peut être égal...
N'est-ce point un dépit, un goût foible et volage,
Un accès peu durable, un retour de passage?

DURVAL.

Tu le crains, et Constance en pourra craindre autant.
Qu'il est triste d'avoir été trop inconstant!...
Le véritable amour se prouve de lui-même.
Déja, pour l'assurer de ma tendresse extrême,
J'ai, par
mille moyens qu'invente mon amour,
Rassemblé les plaisirs dans cet heureux séjour.
Apprends donc que je suis cet amant qu'on ignore,
Qui procure sans cesse à l'objet que j'adore

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