Pour te faire jouir d'un sort pareil au sien. SOPHIE. Quoi! vous me souhaitez un semblable partage! (en montrant Constance.) Madame est donc heureuse? Voilà des nouveautés qu'on ne peut prévenir : Les plaisirs d'un amour permis et mutuel. De passer de la honte à l'infidélité. ARGANT. Où peut-elle avoir pris une idée aussi creuse? Sur tout ce que je vois. Avec tant de douceur, de charmes, et de graces, Deviez-vous éprouver de pareilles disgraces? Elle a dit mon secret; je vais dire le sien. CONSTANCE. Me suis-je jamais plainte? SOPHIE. En rien, et je vous blâme. CONSTANCE. M'avez-vous jamais vue?... SOPHIE. Oui, malgré vous, madame, J'ai vu... j'ai reconnu les traces de vos pleurs; ARGANT. L'une se dit heureuse, et l'autre la dément: Constance... Mais qui diable y pourroit rien comprendre? SCENE V. CONSTANCE, SOPHIE. CONSTANCE, à Sophie. Qu'avez-vous fait? SOPHIE, en révant. Damon n'osera s'en aller. CONSTANCE. Ah! Sophie, on croira que je vous fais parler. Une épouse plaintive est encor moins aimable; Je le disois. En quoi suis-je donc si coupable? Oui, ma chere Constance, il est vrai, je n'ai pu' Me contraindre. Quel tort fais-je à votre vertu? Vous êtes à vous-même un peu trop rigoureuse; Tant de délicatesse est fausse ou dangereuse, Quoi! parcequ'un perfide aura le nom d'époux, Il pourra me porter les plus sensibles coups, Violer tous les jours le serment qui nous lie, M'ôter impunément le bonheur de ma vie, Sans qu'il me soit permis de réclamer des droits Qui devroient être égaux!... Mais ils ont fait les lois. Il faut que je ménage un cruel qui me brave! Sa femme est sa compagne, et non pas son esclave. Je vais dire encor plus: tant de tranquillité Peut vous faire accuser d'insensibilité. CONSTANCE, tendrement. M'en soupçonneriez-vous? SOPHIE. Non, je vous rends justice: Je sais que vous souffrez le plus cruel supplice; On peut interprêter d'une étrange façon CONSTANCE. Ah! Sophie, épargnez du moins votre victime. SOPHIE. On peut aller plus loin. CONSTANCE. · Non, mon époux m'estime. SOPHIE. Vous vous contentez là d'un bien foible retour; L'estime d'un époux doit être de l'amour: Oui, ce sentiment-là renferme tous les autres. |