Bon! naturellement le sexe aime à se plaindre. Or, comme enfin l'amour se change en amitié... C'est justement de quoi se fàcha ma moitié. Elle ne savoit pas, ni vous non plus, madame, Que sans amour on peut très bien aimer sa femme. Elle crut perdre au change; elle dissimula Peut-être près d'un mois: après cet effort-là Il survint entre nous un terrible grabuge; Madame se plaignit, et mon pere en fut juge. Le bon-homme autrefois fut dans le même cas. Mon fils a tort, dit-il, je ne l'excuse pas:
Puisqu'il ne veut pas prendre un autre train de vie, Je vois bien qu'il faudra que je me remarie... Je répondrois de même, et j'irois en avant.
Quand on croit deviner on se trompe souvent.
La contradiction me ravit et m'enchante...
Eh bien! madame, soit; vous êtes très contente... Oui... très heureuse... très...
Monsieur, en doutez-vous?
Et vous dites partout du bien de votre époux...
Ma niece est votre amie, et je lui sers de pere.
Elle mérite bien de nous être aussi chere.
Oui ; mais on a pris soin de lui gâter l'esprit. Damon et votre époux en sont dans un dépit... Qui peut donc avoir mis dans son cœur trop crédule Cet effroi mal fondé, ce dégoût ridicule,
Cette aversion folle, et ces airs de mépris Qu'elle a pour l'hyménée? où les a-t-elle pris? A son âge on n'a point de chimeres pareilles A celles dont elle a fatigué mes oreilles; Au contraire une Agnès se fait illusion, Et savoure à longs traits la douce impression Que son cœur enchanté reçoit de la nature; Elle ne voit l'hymen que sous une figure Qui, loin de l'effrayer, irrite ses desirs; Et ce portrait est fait par la main des Plaisirs : Mais toutefois Sophie en est intimidée. Madame, si ma niece en prend une autre idée, C'est l'effet des sujets de chagrin et d'ennui Que vous lui débitez contre votre mari.
Mon malheur ne m'épargne aucune circonstance.
Apprenez donc, monsieur, la façon dont je pense, Et vous persisterez après, si vous l'osez, Dans l'accusation que vous me supposez. Je n'ai qu'à me louer d'un heureux hyménée; Je ne méritois pas d'être si fortunée:
Mais enfin si mon sort cessoit d'être aussi doux, Si j'avois à pleurer le cœur de mon époux, Je cacherois ma honte, en me rendant justice, Et je me garderois d'augmenter mon supplice. Un éclat indiscret ne fait qu'aliéner
Un cœur que la douceur auroit pu ramener. Si quelque occasion peut faire mieux connoître Et sentir de quel prix une épouse peut être, Si quelque épreuve sert à le mieux découvrir, C'est lorsqu'elle est à plaindre, et qu'elle sait souffrir. Voilà mes sentimens; tirez la conséquence.
On n'agit pas toujours aussi bien que l'on pense; Un beau raisonnement ne détruit pas un fait. Enfin, si vous voulez me convaincre en effet, Concourez avec moi pour marier ma niece; Otez-lui de l'esprit ce travers qui me blesse ; Et que bientôt Damon...
CONSTANCE.
C'est justement de quoi
CONSTANCE.
Du moins je m'en défie.
Oui, je crois qu'en secret elle y prend intérêt.
Pourquoi refuse-t-elle un homme qui lui plaît?
Ce n'est point un refus; c'est de l'incertitude. On ne s'engage point sans quelque inquiétude: En cela j'aurois tort de la désapprouver. Peut-être auparavant elle veut s'éprouver, Peut-être qu'elle cherche autant qu'il est possible A s'assurer du cœur qu'elle a rendu sensible.
Voilà bien des façons qui ne servent à rien. (Sophie parolt.)
Bon! la voici: je vais commencer l'entretien.
SOPHIE, CONSTANCE, ARGANT.
Ma niece, comment donc entendez-vous la chose? SOPHIE, en regardant Constance.
Mais, ma foi, je le suppose.
Après ce que madame a dû vous confier, Votre dessein n'est plus de me sacrifier.
Moi, te sacrifier ! quand je veux au contraire Te donner pour époux quelqu'un qui t'a su plaire, Damon?
Qui vous a fait ces confidences-là?
Eh! c'est apparemment madame que voilà, Qui t'approuve, et qui croit qu'une fille à ton âge Doit commencer d'abord par un bon mariage.
Parbleu! c'est pour ton bien,
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