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Or, comme je la vois, de bonne qu'elle étoit, N'avoir qu'un ton méchant, ton qu'elle détestoit, Je conclus que Cléon est assez bien chez elle. Autre conclusion tout aussi naturelle:

Elle en prendra conseil; vous en croirez le sien
Pour notre mariage, et nous ne tenons rien.
GÉRONTE.

Ah! je voudrois le voir! Corbleu! tu vas connoître
Si je ne suis qu'un sot, ou si je suis le maître.
J'en vais dire deux mots à ma très-chère sœur,
Et la faire expliquer. J'ai déjà sur le cœur
Qu'elle s'est peu prêtée à bien traiter Ariste;
Tu m'y fais réfléchir : outre un accueil fort triste,
Elle m'avoit tout l'air de se moquer de lui,
Et ne lui répondoit qu'avec un ton d'ennui.
Oh! par exemple, ici tu ne peux pas me dire
Que Cléon ait montré le moindre goût de nuire,
Ni de choquer Ariste, ou de contrarier

Un projet dont ma sœur paroissoit s'ennuyer,
Car il ne disoit mot.

LISETTE.

Non, mais à la sourdine,
Quand Ariste parloit, Cléon faisoit la mine;
Il animoit madame en l'approuvant tout bas :
Son air, des demi-mots que vous n'entendiez pas,
Certain ricanement, un silence perfide;

Voilà comme il parloit, et tout cela décide.
Vraiment il n'ira pas se montrer tel qu'il est
Vous présent : il entend trop bien son intérêt;
se sert de Florise, et sait se satisfaire

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Du mal qu'il ne fait point, par le mal qu'il fait faire.

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Enfin, à me prêcher vous perdez votre temps:
Je ne l'aimerai pas, j'abhorre les méchans:
Leur esprit me déplaît comme leur caractère,
Et les bons cœurs ont seuls le talent de me plaire.
Vous, Monsieur, par exemple, à parler sans façon,
Je vous aime: pourquoi? c'est
que vous êtes bon.
GÉRONTE.

Moi! je ne suis pas bon. Et c'est une sottise
Que pour un compliment...

LISETTE.

Oui, bonté c'est bêtise, Selon ce beau docteur : mais vous en reviendrez. En attendant, en vain vous vous en défendrez, Vous n'êtes pas méchant, et vous ne pouvez l'être. Quelquefois, je le sais, vous voulez le paroître; Vous êtes, comme un autre, emporté, violent, Et vous vous fâchez même assez honnêtement: Mais au fond la bonté fait votre caractère, Vous aimez qu'on vous aime, et je vous en révère. GÉRONTE.

Ma sœur vient: tu vas voir si j'ai tant de douceur, Et si je suis si bon.

LISETTE.

Voyons.

SCÈNE III.

GÉRONTE, FLORISE, LISETTE.

GÉRONTE, d'un ton brusque.

BONJOUR, ma sœur.

FLORISE.

Ah! dieux! parlez plus bas, mon frère, je vous prie.

GÉRONTE.

Eh! pourquoi, s'il vous plaît ?

FLORISE.

Je suis anéantie:

Je n'ai pas fermé l'œil; et vous criez si fort...

GÉRONTE, bas, à Lisette.

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Si l'on peut voir Cléon... Faut-il que je répète ?

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Je ne sais ce que j'ai, tout m'excède aujourd'hui: Aussi c'est vous... hier...

GÉRONTE.

Quoi donc?

FLORISE.

Oui, tout l'ennui

Que vous m'avez causé sur ce beau mariage
Dont je ne vois pas bien l'important avantage,
Tous vos propos sans fin m'ont occupé l'esprit,/
Au point que j'ai passé la plus mauvaise nuit.

GÉRONTE.

Mais, ma sœur, ce parti...

FLORISE.

Finissons là, de grâce :

Allez-vous m'en parler? je vous cède la place.

GÉRONTE.

Un moment: je ne veux...

FLORIS E.

Tenez, j'ai de l'humeur,

Et je vous répondrois peut-être avec aigreur.
Vous savez que je n'ai de désirs que les vôtres :
Mais, s'il faut quelquefois prendre l'avis des autres,
Je crois que c'est surtout dans cette occasion.
Eh bien! sur cette affaire entretenez Cléon :
C'est un ami sensé, qui voit bien, qui vous aime.
S'il approuve ce choix, j'y souscrirai moi-même.
Mais je ne pense pas, à parler sans détours,
Qu'il soit de votre avis, comme il en est toujours.
D'ailleurs, qui vous a fait hâter cette promesse?
Tout bien considéré, je ne vois rien qui presse.
Oh! mais, me dites-vous, on nous chicanera;
Ce seront des procès! Eh bien! on plaidera.
Faut-il qu'un intérêt d'argent, une misère,
Nous fasse ainsi brusquer une importante affaire?
Cessez de m'en parler, cela m'excède.

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La mère de Valère est maussade, ennuyeuse,
Sans usage du monde, une femme odieuse :
Que voulez-vous qu'on dise à de pareils oisons?
GÉRONTE.

C'est une femme simple et sans prétentions,
Qui, veillant sur ses biens...

FLORIS E.

La belle emplette encore

Que ce Valère ! un fat qui s'aime et qui s'adore.
GÉRONTE.

L'agrément de cet âge en couvre les défauts:
Eh!qui donc n'est pas fat? tout l'est, jusques aux sots.
Mais le temps remédie aux torts de la jeunesse.

:

FLORISE.

Non il peut rester fat; n'en voit-on pas sans cesse
Qui jusqu'à cinquante ans gardent l'air éventé,
Et sont les vétérans de la fatuité?

GÉRONTE.

Laissons cela. Cléon sera donc notre arbitre.
Je veux vous demander sur un autre chapitre
Un peu de complaisance; et j'espère, ma sœur...

FLORISE.

Ah! vous savez trop bien tous vos droits sur mon cœur.

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C'est, je vous l'avoûrai, le plus plat honnête honime...

THE

MAR 18 19.5
ANN ARBOR A

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