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Tz voilà de bonne heure, et toujours plus jolie.

LISETTE.

Je n'en suis pas plus gaie.

FRONTIN.

Eh! pourquoi, je te prie?

LISETTE.

Oh! pour bien des raisons.

FRONTIN.

Es-tu folle? Comment!

On prépare une noce, une fête...

LISETTE.

Qui vraiment,

Crois cela; mais pour moi j'en suis bien convaincue, Nos affaires vont mal, et la noce est rompue.

Pourquoi donc ?

FRONTIN.

LISETTE.

Oh! pourquoi? dans toute la maison

Il règne un air d'aigreur et de division

Qui ne le dit que trop. Au lieu de cette aisance
Qu'établissoit ici l'entière confiance,

On se boude, on s'évite, on baille, on parle bas;
Et je crains que demain on ne se parle pas.

Va, la noce est bien loin, et j'en sais trop la cause:
Ton maître sourdement...

FRONTIN.

Lui! bien loin qu'il s'oppose

Au choix qui doit unir Valère avec Chloé,
Je puis te protester qu'il l'a fort appuyé,
Et qu'au bon-homme d'oncle il répète sans cesse
Que c'est le seul parti qui convienne à sa nièce.

LISETTE.

S'il s'en mêle, tant pis; car, s'il fait quelque bien,
C'est que, pour faire mal, il lui sert de moyen.
Je sais ce que je sais ; et je ne puis comprendre
Que, connoissant Cléon, tu veuilles le défendre.
Droit, franc comme tu l'es, comment estimes-tu
Un fourbe, un homme faux, déshonoré, perdu,
Qui nuit à tout le monde, et croit tout légitime?

FRONTIN.

Oh! quand on est fripon, je rabats de l'estime.

Mais autant qu'on peut voir, et que je m'y connois, Mon maître est honnête homme, à quelque chose près.

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La première vertu qu'en lui je considère,
C'est qu'il est libéral; excellent caractère !
Un maître, avec cela, n'a jamais de défaut;
Et de sa probité c'est tout ce qu'il me faut.
Il me donne beaucoup, outre de fort bons gages.

LISETTE.

Il faut, puisqu'il te fait de si grands avantages,
Que de ton savoir-faire il ait souvent besoin.
Maistiens, parle-moi vrai, nous sommes sans témoin:
Cette chanson qui fit une si belle histoire...

FRONTIN.

Je ne me pique pas d'avoir de la mémoire.
Les rapports font toujours plus de mal que de bien;
Et de tout le passé je ne sais jamais rien.

LISETTE.

Cette méthode est bonne, et j'en veux faire usage. Adieu, monsieur Frontin.

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As-tu donc oublié, pour me traiter ainsi,
Que je t'aime toujours, et que tu dois m'en croire?

LISETTE.

Je ne me pique pas d'avoir de la mémoire.

FRONTIN.

Mais que veux-tu ?

LISETTE.

Je veux que, sans autre façon,

Si tu veux m'épouser, tu laisses là Cléon.

FRONTIN.

Oh! le quitter ainsi, c'est de l'ingratitude;
Et puis, d'ailleurs, je suis animal d'habitude.
Où trouverois-je mieux?

LISETTE.

Ce n'est pas l'embarras. Si, malgré ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, La noce en question parvenoit à se faire, Je pourrois, par Chloé, te placer chez Valère. Mais à propos de lui, j'apprends avec douleur Qu'il connoît fort ton maître, et c'est un grand malheur. Valère, à ce qu'on dit, est aimable, sincère, Plein d'honneur, annonçant le meilleur caractère : Mais, séduit par l'esprit ou la fatuité, Croyant qu'on réussit par la méchanceté, Il a choisi, dit-on, Cléon pour son modèle; Il est son complaisant, son copiste fidèle...

FRONTIN.

Mais tu fais des malheurs et des monstres de tout.
Mon maître a de l'esprit, des lumières, du goût,
L'air et le ton du monde; et le bien qu'il peut faire
Est au-dessus du mal que tu crains pour Valère.

LISETTE.

Si pourtant il ressemble à ce qu'on dit de lui,
Il changera de guide. Il arrive aujourd'hui :
Tu verras; les méchans nous apprennent à l'être;
Par d'autres, ou par moi, je lui peindrai ton maître.

Au reste, arrange-toi, fais tes réflexions:

Je t'ai dit ma pensée et mes conditions :
J'attends une réponse et positive et prompte.
Quelqu'un vient, laisse-moi... Je crois que c'est Géronte.
Comment! il parle seul!

SCÈNE II.

GÉRONTE, LISETTE.

GÉRONTE, sans voir Lisette.

MA foi, je tiendrai bon.

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Quand on est bien instruit, bien sûr d'avoir raison,
Il ne faut pas céder. Elle suit son caprice :
Mais moi, je veux la paix, le bien et la justice:
Valère aura Chloé.

LISETTE.

Quoi! sérieusement?
GÉRONTE.

Comment! tu m'écoutois?

LISETTE.

Tout naturellement.

Mais n'est-ce point un rêve, une plaisanterie?

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Comment, Monsieur! j'aurois, une fois en ma vie,
Le-plaisir de vous voir, en dépit des jaloux,
De votre sentiment, et d'un avis à vous ?
GERONTE.

Qui m'en empêcheroit? je tiendrai ma promesse;
Sans l'avis de ma sœur, je marîraí ma nièce.
C'est sa fille, il est vrai; mais les biens sont à moi :
Je suis le maître enfin. Je te jure ma foi

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