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refte. Il ne faut jamais le faire tomber immédiatement fur la claffe des pauvres; il faut, pour la perception, choifir la forme qui entraîne le moins de dépenfes poffible; on doit, dans tous les cas où l'on traite de cette matiere, bien s'affurer du moyen qu'on peut trouver pour qu'entre la fomme totale que le peuple paye à l'Etat & celle qui entre dans le tréfor public, il y ait la moindre différence poffible, en confervant au peuple la plus grande liberté poffible. On doit déterminer tout ce qui concerne l'impot par des loix claires, précifes, inviolables, qui foient obfervées impartialement & fans diftinction envers tout contribuable quel qu'il foit. Jamais on ne doit placer l'impôt fous une forme qui augmente directement les dépenfes du tranfport des marchandifes dans l'intérieur de l'Etat, ou qui mette immédiatement une barriere entre le vendeur & l'acheteur. Après avoir pofé ces principes, l'Auteur démontre les inconvéniens des impôts déguifés & cachés, des tributs forcés & volontaires, & foutient enfuite que c'eft fur la claffe des poffeffeurs qu'on peut avec le moins de dommage & de rifque affeoir immédiatement les impôts; & il entend par poffeffeurs tous ceux qui ont en leur propriété & fous leur pouvoir ou des fonds de terre, ou des maisons, ou des marchandises, ou de l'argent placé à intérêt dans les banques publiques ou chez les particuliers.

Les droits fur les marchandifes font difcutés dans un chapitre particulier, tendant à prouver que ces charges doivent être diftribuées de façon à exciter l'induftrie & à faciliter la reproduction annuelle; & ces réflexions conduifent l'Auteur à l'examen de la maniere d'opérer une réforme utile dans les impôts. Dans la perfuafion qu'en général tout impôt tend à affoiblir & à décourager l'induftrie, fi on en excepte quelques droits placés à propos fur l'entrée ou fur la fortie de certaines marchandifes, il avance que les impôts feront toujours d'autant moins nuifibles, que leur produit paffera plus rapidement des mains des contribuans dans le tréfor de l'Etat, & de celui-ci entre les mains des perfonnes à qui l'Etat paye des appointements, ou des falaires pour les ouvrages publics, en paffant par le moins de mains poffible.

Les loix concernant les finances, dit notre Auteur au chapitre qui traite de cette matiere, font très-dangereufes lorfqu'elles font indirectes, comme, par exemple, lorfqu'elles défendent telle ou telle action, afin de pouvoir en vendre la difpenfe; au contraire l'économie publique doit toujours chercher des voies directes pour agir avec fuccès. La finance a pour objet de gêner la nation, le moins qu'il eft poffible, dans la répartition de l'impot. L'objet de l'économie publique eft de porter au plus haut point poffible la reproduction annuelle. Il faut plus d'empire & d'activité dans la finance, & dans l'économie plus de prudence & de fineffe, en laiffant au citoyen toute la liberté dont il peut ufer fans fe nuire à luimême & à fes concitoyens par le choix de fes opérations. Pour ce qui regarde la réforme des abus qui fe font introduits dans un Etat, l'Auteur,

ne croit pas qu'une compagnie formant un corps puiffe opérer aucune réforme, tant à caufe des anciens préjugés devenus refpectables, ou du moins refpectés, que par rapport aux diffentions & aux intérêts particuliers qui divifent d'ordinaire ces compagnies : il prétend qu'en fait d'Economie politique, & fur-tout lorfqu'on fe propofe de la réduire à fa plus grande fimplicité par la réforme des abus, on ne fauroit fe difpenfer de créer une efpece de defpotifme dont l'autorité fubfifte auffi long-temps qu'il eft néceffaire pour imprimer à tout le corps de l'Etat un mouvement régulier, conforme au nouveau systême qui, par fon utilité reconnue a mérité d'être fubftitué à l'ancien.

Nous finirons cette analyse, en retraçant, d'après l'Auteur même, les prin cipaux traits qui doivent former le caractere d'un Miniftre des Finances & d'un Miniftre d'Economie Politique

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Caractere d'un Miniftre des Finances.

EGARDEZ toujours les hommes comme étant faits pour les em » plois, & non les emplois pour les hommes; favoir réfifter à toutes les » offres de fervice & à tous les témoignages extérieurs de bienveillance; » ne connoître ni parens, ni amis, ni domeftiques, ni créatures; pefer » les fervices qu'un fujet peut rendre & non la recommandation d'un pro»tecteur; être dans les difpofitions de faire céder tout fentiment perfon>> nel, toute inclination particuliere à la voix facrée du devoir; allier à » ces belles qualités des manieres douces & polies, des mœurs pleines » d'humanité; qui faffent aimer toujours davantage au peuple la régie des

impôts; défirer fincérement & fans rivalité la bonne iffue d'une com» miffion donnée; rechercher fans aucune partialité le vrai & l'utile; fa» voir entrer dans les plus petits détails fans perdre jamais de vue leurs >> rapports avec les parties effentielles du tout; être capable de faifir le tout >> fans confufion; connoître par expérience & avec une pleine conviction >> les vrais mobiles de l'induftrie conformément à la nature de l'homme » & de la fociété; aimer fincérement avec une parfaite égalité le bon» heur des hommes; connoître exactement toutes les circonftances parti»culieres du pays fur lequel on doit opérer. "

Caractere dun Miniftre d'Economie Politique.

„Il doit fur-tout être actif à détruire & très-prudent à établir: la plu

» part des objets fur lefquels roule fon miniftere, refufent le poids de » la main de l'homme; fon devoir eft d'éloigner les obftacles, de détruire > les liens, d'ouvrir & d'applanir les routes à la concurrence qui ranime » la reproduction; d'augmenter la liberté civile, de laiffer un champ libre » & vafte à l'inftruction, de protéger finguliérement par de bonnes loix la

claffe des reproducteurs, afin que l'agriculteur & l'artifan n'aient rien à craindre de la puiffance du riche; d'affurer un cours facile, prompt, & » défintéreffé aux effets des contrats; d'établir par-tout la bonne foi dans » le commerce en ne laiffant jamais la fraude impunie; de combattre avec » un courage ferme & tranquille en faveur du bien public, qui est tou» jours celui du fouverain. Il ne doit jamais défefpérer du bien, mais en » hâter les progrès & en faciliter l'exiftence en répandant dans la nation » le germe des vérités les plus utiles. <«<

Tels font les principes, le fyftême, & la marche de l'Auteur que nous avons tâché de faire fentir autant qu'il nous a été poffible, pour mettre les Hommes-d'Etat, non-feulement à même de les apprécier, mais fur-touc - d'en faire une application utile.

ÉCONOMIQUE, adj.

SCIENCES ÉCONOMIQUES.

DISCOURS fur les avantages que le Patriotisme retire des Sciences
Economiques.

Omnibus, qui patriam confervarint, adjuverint, auxerint, certum effe in Calo definitum la cum, ubi beati ævo fempiterno fruantur. Cic. Som. Scip.

SERVIR fon pays n'est pas un devoir chimérique, dit un patriote (4)

célébre, c'est une obligation réelle. Heureufes les nations où cette maxime précieufe eft connue des citoyens de tous les ordres! Heureufes encore celles où l'on trouve feulement dans chaque claffe, des hommes exactement inftruits de leurs devoirs! Car les bons exemples fe répandent de proche en proche, inftruifent les uns & en impofent aux autres.

tes,

Si on pouvoit défirer que quelque claffe fût plus abondante en patrioc'eft fans contredit celle des chefs pour laquelle on feroit des vœux. Affis au premier rang, leur pouvoir les met à portée de répandre & de multiplier les bienfaits, d'exciter & de faire naître l'émulation dans les autres ordres: mais leur crédit & la meilleure volonté ne fauroient être d'une grande utilité, s'ils n'ont pas des connoiffances fupérieures qui les mettent à l'abri des furprifes. Il faut donc qu'un grand, pour être vraiment utile à fon pays, joigne à un amour fincere & invariable pour fa patrie, un jugement exquis, des vues profondes & juftes fur le préfent & fur l'avenir, & qu'il ait enfin toutes les qualités qui complettent celles du cœur &

(a) Mylord Bolingbroke.

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de l'efprit. C'eft avec de pareils titres que le nom d'un grand paffera toujours à la postérité la plus reculée.

Les avantages que le patriotifme retire de l'étude de l'Economie, méritent d'autant plus de fixer notre attention, que c'eft en même-temps à notre application aux objets de premiere utilité que nous devons les accroiffemens de notre bien-être. Nous avons les plus grandes obligations à notre goût pour ce genre d'étude, & il eft de la derniere importance qu'il domine un peu parmi nous, pour balancer le caractere national, finguliérement porté à ne s'occuper que de chofes frivoles & de la plus petite confidération.

Ce n'est jamais au hafard qu'un Empire doit fa profpérité ou fa fplendeur, fa décadence ou fa deftruction, mais toujours à quelques génies fupérieurs, à ces hommes qui ne naiffent que pour opérer des révolutions heureuses ou funeftes.

Il y a vingt ans, notre nation fembloit dans une espece d'engourdiffement, & fon activité naturelle paroiffoit manquer totalement de ce feu qui l'alimente ordinairement. Mais ce feu n'étoit point éteint, le génie protecteur de notre Empire veilloit à fa confervation. Une heureuse révolution fe préparoit, & dans un filence profond, par un travail fublime, un homme, c'eût été un Dieu en Grece & dans Rome, Montefquieu, dictoit à fa nation, difons mieux, à l'univers policé, un nouveau code de loix. Cet ouvrage, fait pour paffer à nos derniers neveux, fut un flambeau qui porta le jour dans les replis les plus cachés, les plus tortueux de la politique. On découvrit des fources de bonheur public jufqu'alors inconnues d'autres furent épurées; en un mot, la politique débarraffée de tout le jargon qui l'obfcurciffoit, doit autant à ce grand homme, que la philofophie doit à Defcartes & à Newton. Quoique la nature ne produife qu'en petit nombre les hommes de cette trempe, & qu'elle n'en fourniffe que de loin en loin, on n'en feroit pas plus fondé à la dire avare de femblables tréfors. Cette mere bienfaifante connoît nos befoins, & paroît, plus que jamais, attentive & foigneufe à nous donner, mais à ne nous pas prodiguer des fecours dont la multiplicité favoriferoit la pareffe & l'indolence. Monrefquieu nous a laiffé un texte dont le commentaire pourra nous occuper utilement, non-feulement bien des années, mais peut-être même des fiecles. Combien la feule étude de l'Economie, cette branche premiere & fi précieuse de la politique, n'a-t-elle pas procuré de découvertes, toutes plus importantes les unes que les autres! Combien en reste-t-il encore à faire, & combien d'excellens fujets l'étude de cette fcience ne donne-t-elle pas journellement à la patrie!

Dans tous les temps le patriotifme des François n'a point été équivoque, & il a toujours démenti ces fiers républicains qui prétendent que cette vertu ne peut exifter que chez eux. Il faut cependant convenir que i l'amour de la patrie a toujours exifté parmi nous, il fe ranime aujour

d'hui & s'accroît en proportion de nos progrès dans la fcience économique.

On trouvera invariablement, fous quelque forte de gouvernement que ce foit où l'étude de l'Economie fleurira, le patriotifme faire l'objet principal de la follicitude des peuples. Enfin on peut donner comme un axiome politique de la plus grande vérité, celui qui affure que l'étude de l'Economie rend un pays plus cher à fes habitans. Les territoires les plus ingrats, ceux qui ne fourniffent à l'homme fon néceffaire phyfique qu'avec les plus grandes peines, mais qui font en même-temps finguliérement bien cultivés, font pour les habitans un féjour plein de charmes & pour la défenfe duquel ils verferoient la derniere goutte de leur fang. En général les hommes aiment le pays qui les a vu naître, mais je ne crois pas que l'on puiffe mettre en parallele le patriotifme des habitans d'un territoire bien cultivé, avec celui d'une nation dont le fol fera fans culture.

La fcience économique eft, fans contredit, l'école du patriotifme, la bafe du bonheur du peuple, la fource de l'opulence, de la tranquillité & de la fureté d'une nation. Quiconque en fondant un empire, une colonie, &c. ne fera pas de cette fcience le premier objet de fes fpéculations, s'égarera & ne formera jamais que des établiffemens foibles & peu durables. Ces importantes vérités fur lefquelles la plupart des nations n'avoient que des doutes, font devenues d'une évidence qui ne laiffe aucuns nuages. & porte tous les peuples policés à profiter de richeffes que jufqu'alors ils n'avoient pas cru pofféder. Cependant quelques nations plus éclairées mieux inftruites de leurs intérêts, tiroient depuis long-temps le plus grand parti de leur application à l'étude de cette fcience, mais fans que les autres y fiffent attention, pas même celles qui étoient les plus à portée de calculer la caufe de leur opulence. Il y a plus, c'eft qu'elles fourniffoient à ces peuples induftrieux, & à leur détriment, les moyens d'augmenter leur bien-être. Mais depuis l'époque dont nous venons de parler, chaque nation montrant la plus grande activité & la plus grande intelligence fur ces matieres, ne donne plus qu'un jufte équivalent des chofes que l'étranger lui fournit. Prefque toutes fuivant le même chemin, ont fu fe rendre propres des branches de commerce qui leur étoient ci-devant inconnues, foit en établiffant les manufactures qui leur manquoient, foit en multipliant celles qui n'étoient pas affez abondantes, & en perfectionnant celles déjà établies.

Si notre nation en particulier, qui a le plus de reffources & de richeffes, n'a pas été des premieres à les mettre en valeur, c'eft moins à fon incapacité qu'on doit l'attribuer, qu'à cet état d'indifférence & de langueur où elle étoit plongée, lorfque Montefquieu fit entendre fa voix. Ce grand patriote rétablit en quelque forte fa nation dans tous fes droits & dans tous fes biens, en lui indiquant les fources de fon bonheur. Le François docile aux confeils d'un guide qui a mérité fa confiance, marche d'un pas

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