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année, lorsqu'elle vient de réapparaitre d'abord en Bretagne et ensuite près de la frontière pyrénéenne. Ces manifestations paraissent d'ailleurs ne présenter qu'une gravité toute relative.

Au commencement du mois d'octobre, ainsi que nous l'avons dit dans le dernier numéro, le choléra apparut tout à coup dans le Finistère, à Concarneau, au Guilvinec et dans quelques petits villages voisins. A Concarneau, ville propre et aisée, la maladie fit peu de victimes, 1 à 2 par jour environ, et elle a aujourd'hui disparu. Mais au Guilvinec, petite ville habitée par des pêcheurs enta-sés sur un espace étroit, dans des logements entourés de détritus de poissons en décomposition, l'épidémie fut plus sérieuse. La population, ordinairement de 2,500 habitants, fut bientôt réduite à environ 1,500 par l'émigration; du 23 octobre au 5 novembre on y compte 40 décès par choléra, soit près de 3 par jour en moyenne; bien que l'épidémie y soit en décroissance, on y signale encore 9 décès du 6 au 12 novembre. Dans divers autres villages du méme département, à Audierne, à Quimper, à Guipaves, à Kerhorre, à 6 kilomètres de Brest et même à Brest, on a observé également quelques décès cholériques. A Brest, il y a eu jusqu'ici 4 cas, dont 2 suivis de décès.

Enfin, des cas de choléra se produisent encore de temps à autre dans les départements limitrophes de l'Espagne ; à Hendaye, dans les Basses-Pyrénées, et à Prades, dans les Pyrénées-Orientales, où il y a eu 7 décès du 6 au 12 novembre. Quelques autres localités de ce dernier département ont eu également 1 ou 2 décès cholériques.

Les nouvelles d'Espagne et d'Italie montrent que l'épidémie est à peu près éteinte. A la date du 31 octobre, le gouvernement français a autorisé l'importation des raisins d'Espagne en France, qu'il avait cru devoir interdire par un décret du 2 juillet 1885.

1. Voir sur cette épidémie une lettre très intéressante de M. le Dr Th. Caradec, médecin des épidémies de l'arrondissement de Brest, dans la Gazette des hôpitaux, numéro du 12 novembre 1885.

Le Gérant: G. MASSON.

Paris.

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Soc. d'imp. PAUL DUPONT (Cl.) 45.11,85.

D'HYGIÈNE

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POLICE SANITAIRE

HENRI BOULEY

L'aimable figure de M. Bouley vient de disparaître. Combien il manquera dorénavant à l'Académie des sciences, dont il présidait cette année les travaux; à l'Académie de médecine, dont il animait les séances par ses réparties et ses brillantes improvisations; au Muséum, où, dans la chaire de pathologie comparée, il donnait la plus haute vulgarisation aux découvertes de celui qu'il appelait modestement « le Maître »; au Comité consultatif des épizooties, qui s'inclinait devant sa compétence magistrale; au Comité consultatif d'hygiène, où ses avis et ses conseils pratiques étaient toujours écoutés; à cette Société centrale de médecine vétérinaire, dont il était l'âme, l'inspirateur, le centre de ralliement, et dont il resta jusqu'au dernier jour le secrétaire général, alors que ses élèves se succédaient au fauteuil de la présidence; enfin au corps des vétérinaires, dont il a été pendant de si longues années l'inspecteur général, et qui inscrira son nom à côté, peut-être au-dessus de celui de Bourgelat, car Bouley donna définitivement la consécration scientifique à un art où Bourgelat a rempli surtout le rôle d'initiateur et de précurseur.

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Henri Bouley est né à Paris en 1814; il y est mort le 29 novembre 1885. Il était fils de Bouley jeune, dont il ne craignit pas de lire et de prononcer lui-même l'éloge, tant i était sûr de rester impartial et d'exprimer l'opinion de ses contemporains sur l'œuvre scientifique de son vénéré et éminent devancier. Professeur à l'école d'Alfort de 1840 à 1860, membre de l'Académie de médecine dès 1855, il fut chargé en 1866 d'une mission dans le nord de l'Europe pour étudier les mesures à prendre contre les épizooties qui dévastaient ces pays et menaçaient le nôtre. Les mesures qu'il préconisa et que le gouvernement décréta sur son conseil ont préservé notre pays des calamités que redoutait notre agriculture. C'est en 1866 qu'il fut nommé inspecteur général des services vétérinaires, après la mort de Renault et la retraite de Lecoq.

Dans ces fonctions, il fut un chef incomparable; personne n'a jeté un aussi grand éclat sur la médecine vétérinaire; les honneurs qu'il recherchait, il les reportait à sa profession qu'il faisait monter virtuellement avec lui dans la chaire du Muséum et au fauteuil présidentiel de l'Institut. Sa préoccupation constante en effet était de faire obtenir droit de cité à l'art vétérinaire dans l'enseignement supérieur, dans les académies, dans les conseils du gouvernement. Il a servi le corps dont il avait la charge en perfectionnant son organisation scientifique et professionnelle, en fournissant aux laboratoires de ses écoles des subsides parfois considérables, des matériaux de travail, en favorisant et en faisant récompenser les travaux des hommes distingués dont il reconnaissait ou pressentait la valeur. C'est ainsi qu'on devient un chef aimé et respecté ; personne ne le fut plus que M. Bouley; ses confrères et ses élèves étaient fiers de lui, tous sentaient qu'il travaillait pour le relèvement du corps. L'ambition ainsi comprise est louable et noble; on l'approuve et on l'excuse, même quand celui qu'elle anime se laisse entraîner un peu au delà de cette mesure précise qu'il est si difficile de garder dans les choses de ce monde.

M. Bouley trouva la popularité plus encore qu'il ne la chercha. I attirait à lui par sa cordialité et sa franchise; il était accueillant et bienveillant; ce n'était pas un protecteur

inutile. Parfois sa bienveillance se laissait surprendre, et il a eu quelques engouements mal justifiés ; c'est qu'alors il avait cédé à cette générosité chevaleresque qui le portait à défendre, soit Caton vaincu, soit celui à qui il lui semblait qu'on ne rendait pas une justice suffisante. Il mettait son amour-propre à ne pas s'attarder dans une opinion qu'il avait défendue, et ce qu'on a parfois appelé sa versatilité n'était que l'expression de ce culte ardent qu'il avait pour la vérité scientifique.

M. Bouley parlait simplement, spirituellement, avec une grande aisance, avec une chaleur communicative; il ne dédaignait pas la recherche littéraire, comme s'il eût eu la coquetterie de montrer qu'il était un lettré et un classique. Il s'animait souvent, sans jamais tomber dans l'emphase; il parlait toujours pour dire quelque chose d'utile; il éclairait une discussion, il persuadait, il entraînait en faisant appel au bon sens el à la modération; même quand on ne connaissait pas la question, on eût dit volontiers avec Molière : Il parle comme s'il avait raison.

Bouley n'était pas un expérimentateur militant, mais peu de savants ont mieux compris la nécessité de la méthode expérimentale pour résoudre les grandes questions de pathologie et d'hygiène générale. Il fut avant tout un critique et un divulgateur de premier ordre; par la parole, dans l'enseignement, les académies, les sociétés, les conférences; par la plume, dans ces remarquables Revues mensuelles qui pendant près de 40 ans ont fait le succès du Recueil de médecine vétérinaire, et qu'il n'a cessées qu'en ces derniers mois, en les confiant à un continuateur digne de lui. Admirateur passionné des travaux de M. Pasteur, il s'est fait l'apôtre éloquent des nouvelles doctrines; avec sa science profonde en pathologie générale et comparée, il est devenu en quelque sorte le collaborateur inconscient de M. Pasteur, en suscitant des comparaisons heureuses et des applications inattendues de la méthode, en dirigeant l'attention du maître sur des points particuliers d'étude.

Dans le domaine de l'hygiène pratique, le titre le plus important de M. Bouley est sans contredit la part qu'il a prise à la

loi du 21 juillet 1881 sur la police sanitaire des animaux et au règlement d'administration publique rendu pour son exécution le 22 juin 1882. C'est lui qui a rédigé les deux projets, qui les a discutés et en a arrêté la rédaction définitive. C'est une œuvre considérable; c'est l'expression la plus haute des progrès de l'hygiène en matière de prophylaxie, et l'hygiène humaine pourrait envier certains articles de cette loi pour mettre l'homme à l'abri des épidémies. M. Bouley était un des plus fervents partisans de l'épuration des eaux d'égout et des déjections par le sol; en 1882, en 1884, comme en 1876, il présida les diverses commissions dites d'assainissement de la Seine, et son intervention dans les débats a souvent contribué à entraîner des votes favorables aux projets de la Ville de Paris.

M. Bouley a été, en 1879, l'un des premiers présidents de la Société de médecine publique; il assistait souvent à ses séances, il y apportait sa bonne humeur, ses vues justes et modérées en toutes choses, son ardeur qui était grande pour tout ce qui touchait à la prophylaxie et à la prévention des maladies. Son nom s'offrit l'un des premiers à nous lorsqu'en 1878 nous fimes appel aux personnalités les plus éminentes dans les différentes branches de l'hygiène, pour patronner cette Revue que nous allions fonder; son concours nous a été précieux, plas précieuse encore nous a été cette sympathie qui rayonnait de lui, et se réfléchissait sur ceux qu'il honorait de son amitié. En notre nom personnel, et au nom du Comité de rédaction de cette Revue, nous saluons une dernière fois sa mémoire.

E. VALLIN.

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