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3. L'enquête a prouvé une fois de plus que, contrairement à ce qu'on pourrait croire, c'est dans les régions les moins peuplées que le choléra trouve les conditions favorables à sa diffusion. Un tableau établi par M. Marey montre que dans les douze localités qui ont été les plus frappées, une seule avait une population de plus de 1,000 habitants. Tel hameau de 120 habitants, par exemple, a fourni 32 cas, soit 280 cas pour 1000. Au contraire, parmi les 12 localités les moins frappées, on trouve des villes de plusieurs milliers d'habitants, avec une proportion de moins de un cas par 1,000 habitants, parfois comme à Albi 0,05 pour 1000 sur 20,000 habitants.

Ce qui favorise le développement du choléra, ce n'est donc pas tant l'agglomération et l'encombrement qui favorisent la transmission, que la malpropreté qui fait lever et pulluler le germe. Dans toutes les petites localités où le choléra a atteint le dixième et parfois le quart de la population, la malpropreté était extrême, les matières fécales étaient projetées à la rue ou au ruisseau; au contraire, dans les pays où des mesures énergiques ont pu être prises pour désinfecter les salles des malades, les linges souillés, les maisons où des cas s'étaient produits, le nombre des atteintes a été assez limité, et mème 17 fois l'épidémie a été éteinte sur place. Mais la désinfection doit être très rigoureuse, et avoir lieu même dans les cas les plus légers, car une diarrhée légère, en temps d'épidémie, peut renfermer les principes du choléra le plus grave;

4o Les localités envahies étaient massées en grand nombre dans les vallées et le long des cours d'eau; les cas de choléra avaient apparu successivement en suivant le cours d'eau qui avait été souillé par les déjections des cholériques; d'ordinaire c'est en buvant ces eaux qu'on a pris la maladie ;

5° Les orages, qu'on voit si souvent précéder ou aggraver les épidémies de choléra, agissent en souillant les eaux potables dans lesquelles sont entraînées les immondices répandues sur le sol;

6. C'est parce que les eaux potables y sont ordinairement bica captées et préservées de souillure, que les villes offrent moins de prise à l'expansion du choléra. Quelques villes toutefois, alimentées d'eaux de rivières, perdent à cet égard leur privilège;

7° Pour toute localité, les quartiers les plus dangereux à habiter, en temps de choléra sont ceux qui occupent les parties basses, voisines des rivières, et ceux où l'on consomme de l'eau dont la pureté n'est pas certaine ;

8o La huitième conclusion résume ce que nous avons dit dans le deuxième paragraphe de 3o.

9o Les chances de contracter le choléra semblent accrues par la vieillesse, l'épuisement, la première enfance. Mais elles le sont

aussi par l'alcoolisme, la malpropreté générale et la négligence des soins corporels;

10° Une première atteinte de choléra ne semble pas conférer d'immunité, même pour un temps fort court, puisque des récidives assez nombreuses se sont produites pendant la courte durée d'une épidémie.

La diarrhée prémonitoire a manqué dans un tiers environ des cas, précisément dans les plus meurtriers. Dans les deux autres tiers, les médecins, en signalant la diarrhée prémonitoire, ont souvent voulu dire que la diarrhée avait été le premier symptôme de la maladie et qu'elle a précédé de quelques heures ou d'un jour l'apparition des vomissements, de la cyanose, des crampes et de l'algidité. Dans bien des cas cependant, la diarrhée a précédé de 2 à 8 jours les autres symptômes.

Ce remarquable rapport sera discuté dans les séances ultérieures de l'Académie et nous vaudront de brillants tournois de parole que nous résumerons quand la discussion sera terminée.

E. V.

Une nouvelle lancette à vaccin, par M. le Dr BOURGEOIS. (Bulletin de l'Académie de médecine, séance du 6 août 1885.)

M. le Dr Bourgeois, médecin-major au 7 régiment de cuirassiers, nous a prié de présenter en son nom à l'Académie une lancette à

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vaccination qui nous parait simple et ingénieuse. On impute parfois à la mauvaise qualité du vaccin les insuccès qui sont dus simplement au vice du procédé opératoire. Les piqûres épidermiques sont souvent si superficielles, que les voies de l'absorption ne sont pas ouvertes; d'autre part, les scarifications sont difficiles et douloureuses. La lancette de M. le Dr Bourgeois permet justement de rendre ces scarifications très rapides et très sûres. Un simple coup d'œil sur

la figure ci-jointe explique aisément le mécanisme de l'instrument. Les châsses de la lancette sont articulées en deux moitiés dans le sens de leur longueur: la partie libre, en se relevant, découvre la pointe de l'aiguille, et celle-ci dépasse de 1/2 millimètre la partie fixe de la châsse, suivant qu'on la déplace sur cette extrémité coupée obliquement. On peut donc, par une simple traction, comme avec un scarificateur, faire instantanément plusieurs scarifications d'un millimètre de longueur, et de la profondeur qu'on veut. La douleur est presque nulle, l'écoulement de sang à peine appréciable; quand il a cessé, avec une petite baguette de verre effilée on porte sur chaque plaie une gouttelette de vaccin on est sûr de cette façon que le vaccin a été inoculé. La lancette de M. Bourgeois et le mémoire qui l'accompagne ont été renvoyés à la Commission de vaccine.

E. V.

Mémoire sur la tuberculose et la dipthérie des gallinacés, par MM. CORNIL et MÉGNIN (Journal de l'anatomie et de la physiologie normales et pathologique de l'homme et des animaux, 1885).

Les recherches entreprises depuis plusieurs années ont établi la nature bacillaire de la dipthérie des oiseaux et montré que cette dipthérie peut avoir des manifestations tuberculiformes dans le foie ou le poumon.

De plus, R. Koch, Ribbert et Babes ont annoncé qu'il existe une véritable tuberculose parasitaire chez les poules et même qu'elle est assez fréquente. MM. Cornil et Mégnin se sont efforcés, dans leur important mémoire, de chercher les formes et les localisations de cette affection et surtout ce qui les distingue de celles de la dipthérie.

Ayant tout d'abord étudié la tuberculose des gallinacés sur les organes de six animaux morts de cette maladie, ils ont reconnu que son siège était le foie, la rate et le péritoine; les lésions observées étaient partout les mêmes, sauf les différences provenant de leur ancienneté et toutes étaient constaminent très remarquables par la quantité de bacilles de la tuberculose mis en évidence par les réactifs colorants. La disposition et le siège de ces bacilles dans les cellules étaient tout à fait en rapport avec les lésions de la tuberculose; les grosses cellules hérissées de touffes de bacilles diffèrent des cellules géantes de la tuberculose humaine, en ce qu'elles ont plus de bacilles et qu'elles n'offrent d'habitude qu'un seul noyau; il y a aussi des bacilles libres dans le tissu voisin. Le foie et les granulations du péritoine d'une poule tuberculeuse inoculés à une poule et à un cobaye par injection dans le péritoine, ont

REV. D'HYG.

VII.

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donné lieu à une tuberculisation très nette de ces animaux. M. Nocard a, d'autre part, signalé que les crachats des tuberculeux, ingérés par les poules, les rendent phtisiques.

Tout semble donc démontrer que la tuberculose des poules est de même nature que celle des petits mammifères et de l'homme, d'où la nécessité de surveiller attentivement, au point de vue alimentaire, le foie et les organes des gallinacés.

Quant à la dipthérie des oiseaux, on sait qu'elle siège d'ordinaire sur la langue, les fosses nasales et le larynx; elle envahit parfois le tissu conjonctif de l'orbite, se localise à la peau sous la forme de tumeurs plus ou moins profondes et s'étend aussi quelquefois sur la muqueuse de l'intestin, ainsi que cela se voit chez le faisan et la perdrix. MM. Cornil et Mégnin, étudiant ces diverses localisations, y ont trouvé des micrococci et des bacilles, tels que que Klebs les a décrits et tels que Löffler les a cultivés en cultures isolés.

A.-J. M.

VARIÉTÉS

NECROLOGIE. L'hygiène française vient de faire deux pertes cruelles et imprévues, par la mort de M. le Dr Lunier et de M. Couche.

M. LUNIER, dont nous analysons plus haut le dernier ouvrage, s'était tout d'abord fait connaître par d'importantes publications relatives à l'aliénation mentale, la plupart insérées dans les Annales médico-psychologiques; les hautes fonctions qu'il avait occupées dans les asiles d'aliénés comme directeur à Niort puis à Blois et enfin en qualité d'inspecteur général des services administratifs du ministère de l'intérieur, lui avaient donné une compétence très appréciée du monde savant européen et de l'administration. Aussitôt après la guerre de 1870-1871, il entreprit une courageuse croisade contre l'alcoolisme, à l'aide de la Société de tempérance dont il était la cheville ouvrière, et il multiplia à ce sujet les monographies, les statistiques, les conférences sur l'influence de l'alcoolisme au point de vue de la folie et du suicide. Ses travaux furent également nombreux et importants sur l'hygiène publique, la législation sanitaire, l'anthropologie, la statistique, et plus d'une fois dans ces dernières années la Revue d'hygiène eut à insérer son nom à propos de la plupart des questions qui y ont été successivement examinées.

Depuis deux ans, M. Lunier appartenait à la section d'hygiène publique, de médecine légale et de police médicale de l'Académie de médecine. Il laisse le souvenir d'un esprit libéral, d'une intelligence ouverte à toutes les améliorations sociales, d'un savoir consommé et d'une aménité de relations qui ne lui a jamais fait compter que des amis parmi tous ceux qui l'ont approché dans sa trop courte carrière. C'est en voulant sauver son enfant qui se noyait sous ses yeux que M. COUCHE a également trouvé la mort. Cet ingénieur des plus distingués s'est surtout fait connaître par ses travaux considérables sur les eaux de Paris. La capitale perd en lui l'un de ses ingénieurs les plus actifs, les plus compétents et les plus épris de l'oeuvre à laquelle il s'était voué.

Nous apprenons également le décès de M. le Dr P. BOERNER, rédacteur en chef de plusieurs journaux de médecine et d'hygiène, à Berlin, M. Boerner s'occupait beaucoup des questions d'hygiène publique ; il a été le principal organisateur de l'Exposition d'hygiène réunie à Berlin en 1883, à l'occasion de laquelle il publia un livre très remarqué sur les institutions sanitaires et sur l'hygiène de cette ville.

PATISSERIE A LA VASELINE. Le Conseil d'hygiène publique et de salubrité du département de la Seine avait proposé, sur le rapport de M. Riche, de prohiber l'introduction de la vaseline dans la pâtisserie. M. le ministre du commerce vient, après avoir pris l'avis du Comité consultatif d'hygiène publique de France, d'inviter les préfets à donner des instructions pour que les autorités de tous ordres chargées de veiller à la salubrité des denrées alimentaires n'hésitent pas à déférer aux tribunaux compétents les personnes qui auraient employé dans la fabrication de ces denrées des produits tels que la vaseline, la pétroléine, la neutraline ou toute autre substance similaire extraite des huiles lourdes de pétrole.

La vaseline, a fait remarquer le Comité, n'est pas susceptible de rancir, ce qui tout d'abord constitue un grave inconvénient pour le consommateur, qui, n'étant pas averti par l'odeur de l'ancienneté du gâteau, est exposé à acheter une pâtisserie où les œufs ont déjà subi un commencement d'altération et à ne s'en apercevoir qu'au moment où le gâteau sera en contact avec l'organe du goût. D'autre part, le beurre et la graisse sont de véritables aliments, tandis que les hydrocarbures de la famille des pétroles ne possèdent aucune propriété nutritive; par suite les gâteaux dans lesquels on a réalisé a substitution de la vaseline au beurre ou à la graisse n'ont pas le même pouvoir alimentaire que les gâteaux ordinaires. Enfin, l'étude de l'action des produits du pétrole dans l'économie, sur le système digestif spécialement, n'est pas mème commencée, et personne ne peut affimer que l'ingestion de ces matières soit sans inconvénient

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