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damnées par la science médicale moderne, il a fallu se rendre à l'évidence, et on sévit contre l'anarchie sanitaire et contre les autorités provinciales qui sont appuyées cependant par la majorité des habitants. Ne croyez pas que les lazarets aient disparu dans les villes et bourgades où l'action des gouverneurs ne se fait pas facilement sentir; ceux qui ont dû par force supprimer leurs lazarets et leurs quarantaines se vengent par une inspection médicale si taquine qu'on envoie une foule de gens en observation dans des édifices bien faits pour créer une épidémie. La majeure partie des fonds disponibles se gaspillent dans ces mesures qui n'arrêtent jamais le fléau; en attendant, on fait peu de chose pour l'assainissement des maisons et des quartiers où le choléra trouve de précieux auxiliaires à cause des conditions sanitaires déplorables, même dans les grandes villes. >>

A Gibraltar, trois cas de choléra ont été constatés et l'Espagne a mis ce territoire en quarantaine ! Plus justement, le gouverneur général de l'Algérie vient de prendre une décision aux termes de laquelle les navires venant d'Espagne devront subir une quarantaine de 7 jours; les provenances de Gibraltar subiront une période d'observation de 3 jours.

Quatre cas de choléra, dont un suivi de décès, ont été constatés à bord d'un vapeur anglais, en quarantaine à Men-el-Kébir; le capitaine a été autorisé, sur sa demande, à aller au Frioul purger sa quarantaine.

En Angleterre, le 7 août, une enquête a été faite à Bristol au sujet d'un marin nommé Douglas, mort trois jours auparavant sans secours médicaux, après avoir présenté des symptômes analogues à ceux du choléra. Ce marin faisait partie de l'équipage du Ribbleton, à bord duquel le choléra avait fait son apparition à Marseille. Douglas quitta cette ville le 1er août, se rendit par terre au nord de la France et s'embarqua pour Londres d'où il partit pour Bristol le 4. Le 12 août, un cas de choléra, suivi de décès, a été officiellement constaté près de Chollerton, dans le Northumberland.

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D'Alexandrie on écrit qu'un vapeur anglais Ocuba, venant de Kurrachee (golfe Persique), a perdu en route un chauffeur mort du choléra.

A Hong-Kong, le choléra fait de nombreuses victimes dans la population chinoise et l'on signale également quelques cas foudroyants dans la garnison anglaise.

Qu'il ait été importé de cette dernière ville ou qu'il soit provenu de Haï-Phong, le choléra a fait son apparition à Haï-Phong parmi nos troupes d'occupation; à la date du 10 août, le nombre des malades étaient de 46; le 11 août, 19 cas nouveaux ont été signalés, tous en dehors de l'hôpital; les décès ont été ce jour-là de 17 et

il restait 66 malades atteints plus ou moins gravement. Le général en chef a établi aussitôt son quartier général à Haï-Phong pour toute la durée de l'épidémie cholérique.

La section de médecine du congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences, réunie à Grenoble, a pris, à l'unanimité, la délibération suivante au sujet des mesures sanitaires contre le choléra, sur la proposition de MM. Rochard Pacchiotti et Napias: « Le congrès déclare que les quarantaines terrestres, les cordons sanitaires et les fumigations sont des mesures inutiles et dangereuses. Le choléra doit être arrêté à son entrée par la mer Rouge. Les seules précautions sur les frontières terrestres doivent être la visite médicale des voyageurs, la visite des wagons et la désinfection des linges, des vêtements et des objets de literie par la chaleur humide. Les quarantaines maritimes doivent être imposées suivant la limite et la forme convenues par la conférence internationale de Rome. »

Le congrès déclare, en outre, que l'assainissement des villes par la propreté est le seul moyen efficace contre l'extension du fléau.

Au moment de mettre sous presse, nous apprenons, de source officielle, que le choléra vient d'éclater à Hérat, menaçant ainsi les troupes russes et anglaises cantonnées aux environs et en relations incessantes soit avec 1 Europe, soit avec les Indes.

Paris.

Le Gérant: G. MASSON.

Soc. d'imp. PAUL DUPONT (CI). 12. 8.85.

D'HYGIÈNE

ET DE

POLICE SANITAIRE

MÉMOIRES

L'ORGANISATION DU SERVICE DE LA VACCINE

EN FRANCE',

Par M. J. ROCHARD,

Inspecteur général du service de santé de la marine,
Membre de l'Académie de médecine.

La variole fait encore en Europe assez de victimes, pour que la question des revaccinations soit à l'ordre du jour de toutes les Sociétés savantes. J'ai calculé que, chaque année, le nombre des décès dus à cette cause dépassait 60,000 pour l'Europe entière et 7,000 pour la France seule. Il est inouï que nous en soyons encore là, près d'un siècle après la découverte de Jenner, et alors que la plupart des armées de l'Europe s'en sont presque complètement débarrassées à l'aide des revaccinations répétées. Les mêmes moyens réussiraient assurément dans la population civile. Les résultats ne seraient pas aussi prompts, aussi complets peut-être; mais avec le temps on arriverait au même

1. Communication faite à la section d'hygiène et de médecine publique de la session tenue à Grenoble au mois d'août 1885 par l'Association française pour l'avancement des sciences.

REV. D'HYG.

VII.

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but. La vaccination est obligatoire en Angleterre, en Russie, en Belgique et en Suisse. En France, vous connaissez tous les efforts qui ont été faits pour nous mettre au même niveau. Vous savez comment cette mesure, après avoir reçu l'approbation du Comité consultatif d'hygiène de France, de l'Académie de médecine et de la Société de médecine publique, a été soumise à la Chambre des députés, sous forme de loi, par notre collègue le Dr Liouville, en 1880. Il n'a pas été donné suite à sa proposition; mais elle sera certainement reprise par son auteur ou par un autre au sein de l'assemblée qui va sortir des prochaines élections et, avant qu'elle soit votée, il est indispensable de s'occuper des moyens de la rendre applicable. A quoi servirait-il, en effet, de décréter que tous les parents seront tenus de faire vacciner leurs enfants, si la plupart d'entre eux sont, comme aujourd'hui, dans l'impossibilité matérielle de le faire? Avant de rendre la vaccination obligatoire, il faut la mettre à la portée de tout le monde; il faut établir un service régulier de vaccinations, fonctionnant d'un bout du territoire à l'autre par les soins du gouvernement, de telle sorte que, dans les plus petites localités, chaque chef de famille puisse, à jour fixe, sans déplacement, sans embarras et sans frais, s'y soumettre et y soumettre les siens. C'est ce que nous avons fait en Cochinchine, et j'ai déjà exposé à diverses reprises la façon dont les gouverneurs s'y sont pris. Ce que nous avons fait, avec deux médecins, dans un pays sans routes, sans moyens de communication, avec des distances considérables à franchir, on peut, quand on voudra, le réaliser en Europe, en ayant recours à des moyens analogues.

Voici comment je comprendrais l'organisation de ce service: Il faudrait un médecin vaccinateur par arrondissement. Ils seraient nommés par le ministre du commerce, sur la proposition des préfets et après avis du Comité consultatif d'hygiène. Leurs fonctions consisteraient à passer deux fois par an, au printemps et à l'automne, dans toutes les communes de leur arrondissement et à y vacciner, à la mairie, tous les enfants qui leur seraient présentés, ainsi que les adultes qui voudraient se faire revacciner.

Pour assurer la régularité des opérations, ils remettraient au sous-préfet, un mois avant de se remettre en route, un itinéraire détaillé indiquant pour chaque commune le jour et l'heure de la vaccination. Le sous-préfet en donnerait avis aux maires qui le porteraient à la connaissance de leurs administrés.

Quant aux moyens de se procurer du vaccin, ce serait leur affaire. Ils pourraient s'entendre avec leurs confrères des campagnes ou avec les sages-femmes; ils pourraient se servir de vaccin conservé ou recourir à la vaccination animale. Toute liberté à cet égard leur serait laissée, pourvu que leur manière de procéder fût d'accord avec les règles adoptées et présentât les garanties nécessaires.

En ce qui concerne ce dernier point, une surveillance serait indispensable. Tout service public a besoin d'être contrôlé. Il suffirait pour cela de quatre inspecteurs généraux, nommés par le ministre du commerce, sur la proposition du Comité consultatif d'hygiène, et dont chacun aurait le quart du territoire dans ses attributions.

Ces inspecteurs, ayant entre les mains les itinéraires de chaque arrondissement, dont un double aurait été à l'avance communiqué au ministre, se présenteraient à l'improviste, sur les différents points de leur circonscription, avec la certitude d'y trouver les médecins vaccinateurs dans l'exercice de leurs fonctions et de pouvoir constater la façon dont ils opèrent, sans qu'ils aient pu être prévenus. Ils auraient à exercer un autre genre de contrôle. Toutes les fois qu'une petite épidémie de variole viendrait à se produire dans un des arrondissements placés sous leur surveillance, ils auraient pour mission de s'y rendre et de s'assurer que le service de la vaccination n'est pas responsable du fait.

Chaque année, les inspecteurs adresseraient leur rapport au ministre et signaleraient à l'Académie les médecins vaccinateurs dont le zèle les aurait plus particulièrement frappés.

Ma proposition aura, je le sais, contre elle tous ceux qui pensent qu'il y a déjà trop de fonctionnaires en France et qu'il faut y regarder à deux fois avant d'en augmenter le nombre. A ceux-là, je répondrai que, depuis 83 ans, l'initiative indivi

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