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médecin de l'état civil, à être empoisonnée par des germes septiques, et à mourir comme la jeune mère dont j'ai rapporté l'observation.

Après un échange d'observations entre MM. Brouardel, Koechlin-Schwartz, Marius Rey, Thomas, la Société, sur la proposition de M. Brouardel, émet le vœu :

Que le service médical de la constatation des naissances à domicile soit séparé de celui de la vérification des décès, de manière à ce que le même médecin ne soit pas en même temps chargé de l'un et de l'autre de ces services.

L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion du rapport de M. ÉMILE TRÉLAT sur l'évacuation et l'emploi des vidanges. (Voir 1884, p. 673, 707 et 1036.)

M. le Dr SALET. sion à l'effet d'étudier

de la ville de Paris.

Messieurs, vous avez nommé une commisl'évacuation et l'emploi des immondices

M. E. Trélat, rapporteur de cette commission, résume l'opinion de la majorité dans la proposition suivante :

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Les eaux d'égout seront répandues en épandages sur les sols perméables. Les épandages se feront sur chaque hectare en quantité proportionnée à la profondeur et au degré de perméabilité de ces sols. »>

Les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune ont traité les questions générales qui se rapportent à cette question, mais n'ont rien dit encore du rapport qui motive cette discussion. Permettezmoi d'aborder l'étude des conclusions de ce rapport.

A première vue, il semblerait que ces conclusions dussent être acceptées de tous. Et cependant, je ne saurais les approuver et cela pour deux motifs principaux :

D'abord elles me paraissent dangereuses, par leur généralité même. Et je veux en donner immédiatement la démonstration pratique En 1879, un syndicat de paroisses, situées à l'ouest de Londres, dans le comté de Surrey, syndicat comprenant une agglomération d'environ cent mille âmes, demanda a acquérir, pour cause d'utilité publique, une surface d'envirou 700 ares de terre, pour y déverser des eaux d'égout en les employant à la

culture. Le parlement anglais fut saisi de la question. Une longue discussion s'engagea dès la première lecture du bill; il s'agissait de savoir si on passerait à une seconde lecture.

Un membre du parlement termina la discussion en s'exprimant ainsi : « Il pense qu'il vaut mieux que la Chambre rejette tout de «suite le bill, car s'il prenait force de loi, il compromettrait la a șanté et ruinerait la propriété d'un grand nombre de citoyens.» Ainsi les Anglais, nos maitres en l'art du sewage, et gens pratiques, il faut le reconnaitre, n'admettent pas que des irrigations à l'eau d'égout puissent se faire sur des terrains, sans tenir compte de certaines conditions intrinsèques à ces terrains. Et cependant en prenant à la lettre les conclusions du rapporteur, on aurait aussi bien raison de déverser les eaux d'égout sur les sables des landes qu'en plein bois de Boulogne.

Il est des conditions générales, indiquées par tous les auteurs qui se sont occupés de la question et que la proposition du rapport ne vise pas, et qui rendent ces conclusions dangereuses. Les terrains choisis doivent être loin de tout centre de population et de plus avoir une certaine altitude au-dessus des cours d'eau voisins, et à plus forte raison n'être pas submersibles.

Ces conditions devraient être indiquées dans la proposition, et leur non-énonciation seule devrait la faire renvoyer à la commission, cette proposition ne dût-elle avoir aucune sanction pratique immédiate.

Mais, Messieurs, il ne s'agit pas ici de théorie pure, il s'agit au contraire d'une question pratique, dont les résultats, favorables ou défavorables doivent avoir une importance énorme au point de vue de l'hygiène publique.

Les eaux pures que la ville de Paris reçoit en si grande abondance, s'écoulent tous les jours, à toute heure, chargées des immondices de la grande cité. Ces eaux infectent la Seine. Il y a obligation pour la ville de Paris à mettre un terme à une situation qui n'a que trop duré. Cette obligation s'impose d'autant plus, que l'infection du fleuve résulte de deux causes principales, dont l'une, l'écoulement des eaux d'égout en Seine, ne saurait être, dans l'état actuel, empêchée, mais dont l'autre, l'écoulement des vidanges à l'égout, qui complique singulièrement l'infection de la rivière, ne devrait pas se produire. En effet, Messieurs, un vidangeur qui est surpris déversant dans l'égout le contenu de son tonneau, est puni d'une amende, amende assurément bien méritée, et cela en vertu d'une loi précise qui défend le déversement de toute matière de vidange à l'égout. Or, la ville de Paris, au mépris de toute loi, de tous les règlements de police, non seulement autorise, mais même incite les propriétaires à brancher directement leurs tuyaux de chute à l'égout. C'est là un écoule

ment que l'on a caractérisé ici mème de clandestin, mais qui se pratique sur une très vaste échelle, puisqu'il s'applique à près de 30,000 tuyaux de chute. Or, si la première cause d'infection ne saurait être évitée, puisqu'il faut en fin de compte que les eaux sales de Paris, s'écoulent quelque part, la seconde au contraire est purement facultative, et n'a été produite que dans un intérêt de lucre; car la Ville de Paris perçoit un droit sur chaque tuyau de chute, dont le total annuel s'élève dans le dernier budget, si je ne me trompe à 890,000 francs. C'est là une situation intolérable, contraire, dans l'état actuel des égouts qui n'avaient nullement été construits en vue de satisfaire à cette obligation, à tous les principes d'hygiène et qui, dans certaines circonstances malheureuses pourrait engendrer de véritables désastres.

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Done, pour tous ces motifs, l'obligation d'assainir la Seine s'impose à la ville de Paris.

Nous connaissons tous cette infection; mais ce que l'on sait moins en général, c'est le moyen pratique que l'on veut employer pour arriver à ce résultat : l'assainissement de la Seine. Or, Messieurs, il ne s'agit pas d'un projet en l'air, mais d'un projet longuement médité, qui a subi toutes les formalités administratives, qui est revêtu de toutes les autorisations préalables et duquel n'attendant plus que le vote d'une loi qui autorise la cession à la ville de Paris, d'une partie du domaine de l'État on demande l'exécution immédiate.

Ne pensez-vous pas, Messieurs, que le projet dont l'objet est en dernière analyse l'évacuation et l'emploi des immondices de la ville de Paris, projet qui n'est nullement visé dans la proposition du rapporteur de votre commission, mérite d'être examiné par vous? Il me semble que jamais sujet plus vaste, plus important dans ces conséquences hygiéniques, ne saurait être soumis à votre attention et que plus que tout autre il entre dans le cadre des travaux de la Société.

C'est pourquoi je vous demande la permission de l'exposer sommairement devant vous.

Pour avoir une idée nette de ce projet, il est indispensable de revenir un instant au projet de 1875, mis à l'enquête en 1876.

Voici en quoi consistait ce dernier projet, que vous voyez reproduit sur cette carte. Une conduite principale fermée partant de l'usine de Clichy se dirigeait vers Colombes, de là vers Bezons où elle franchissait la Seine, puis vers Sartrouville, où, après avoir longé le fleuve, jusqu'au dessous du parc de Maisons-Laffitte, elle traversait de nouveau la rivière pour gagner la forêt de Saint-Germain, où elle débouchait à la côte 35. De cette branche principale, et sans tenir compte des irrigations de Gennevilliers, se détachaient

trois branchements secondaires : le premier se dirigeant vers Nanterre et Rueil, le second vers Montesson et descendant jusqu'au Pecq, tout le long de la terrasse de Saint-Germain moyen ingénieux d'agrémenetr ce joli paysage—et le troisième gagnant Achères et descendant jusque dans Poissy. De ces branchements secondaires partaient des conduites tertiaires, enfin, tout était calculé pour convertir toute cette contrée en une vaste mer d'eau d'égout. Les irrigations devaient porter sur 6,650 hectares. Dans ce chiffre étaient compris 1,420 hectares appartenant à la forêt de SaintGermain. Les irrigations étaient facultatives sur tout le parcours, et le terrain de la forêt devenait le champ régulateur qui devait absorber tout ce que la culture libre n'aurait pas employé en

route.

Toute personne réfléchie qui aurait voulu s'enquérir des chances qu'avait ce projet d'être accepté par les populations dont on disposait des terrains, avait bientôt acquis la certitude que ce projet n'avait nulle chance d'être accepté. Et, en effet et ceci n'a pas un simple intérêt rétrospectif, vous le verrez tout à l'heure la zone que l'on voulait irriguer, mise en communication avec Paris par la seule gare qui soit au centre des affaires, la gare SaintLazare, est des plus peuplées; depuis vingt ou trente ans, la villégiature y a pris un développement considérable, des villes s'y sont créées, de petits villages sont devenus des centres importants de population; les propriétaires qui étaient venus là, attirés par la facilité des communications, la beauté des sites et la pureté de l'air, devaient s'opposer au déversement des eaux d'égout; les commerçants, les ouvriers, qui vivent de la population aisée, devaient faire chorus avec elle; enfin les cultivateurs, qui ont vendu une partie de leur terrain pour les besoins de la villégiature à des prix considérables et qui espèrent toujours continuer ces ventes, devaient protester plus que les autres, et cela avec d'autant plus de raison, qu'ils ont des engrais en quelque sorte à volonté, puisque portant une charrette de légumes à Paris, ils en ramènent une charrette d'engrais des plus riches, et cela presque sans frais.

Aussi, dès que l'enquête fut ouverte sur cet avant-projet, il se manifesta une opposition formidable, qui partit de tous les rangs de la société et qui fut telle que le projet fut immédiatement abandonné. Constatons, Messieurs, que les raisons qui ont fait repousser le projet en 1876 existent plus que jamais et qu'aujourd'hui, moins qu'alors ce projet aurait chance d'être accepté. C'est là un point à retenir.

Eh bien, le projet actuel, et cela semble inconcevable, mais c'est ainsi, n'est autre que le projet de 1876, ne comprenant plus que le terrain de la forêt de Saint-Germain. Il fallait en 1876

6,650 hectares, pour satisfaire aux conditions du problème de l'assainissement de la Seine, aujourd'hui, les 1,420 hectares de la forêt de Saint-Germain qui en fait ont été réduits à 1,000 hectares, doivent suffire; le champ régulateur doit à lui seul tout absorber! Et cependant, depuis 1876, les conditions de l'assainissement ont été considérablement aggravées, car à cette époque, les collecteurs de Paris débitaient 300,000 mètres cubes par jour, et aujourd'hui il a été résolu, et on y travaille, d'amener dans Paris 150,000 mètres cubes d'eau propre par jour, qui viendront s'ajouter à bref délai aux 300,000 qui existaient déjà; il faut en outre tenir compte du déversement frauduleux des matières de vidange à l'égout qui se généralise tous les jours.

Est-il possible d'admettre que cette masse énorme d'eau infecte puisse être absorbée par les 1,000 hectares de la forêt de SaintGermain, augmentés des 600 hectares de culture libre de Gennevilliers? Assurément non, surtout si l'on considère que ce terrain est loin d'avoir la perméabilité qu'on lui suppose, et si l'on sait qu'un tiers de ce terrain est submersible. Faut-il s'attacher à démontrer cette insuffisance? Que l'on compare les surfaces avec les chiffres qui représentent les volumes de l'eau à épurer et l'on verra que pas un auteur, pas un seul n'a avancé un chiffre ayant le moindre rapport avec ceux-là. M. Freycinet, dans son livre sur les égouts, établit que l'absorption annuelle par un hectare de terre dans les meilleures conditions possibles de drainage et de perméabilité, ne pourra dépasser 12,000 mètres cubes si on veut obtenir le meilleur rendement possible; que la consommation peut menter jusqu'à 20,000 mètres cubes, si l'on a en vue l'épuration en même temps que la production; mais qu'au-dessus de 45,000 mètres cubes, il n'y a plus ni épuration, ni culture possible, mais l'infection. Et tous les auteurs qui ont étudié à fond cette question produisent des chiffres analogues. Donc, toute épuration devient alors impossible.

Quant à l'utilisation, il ne saurait en être question, surtout si l'on se rappelle que la valeur des engrais que charrient annuellement les eaux d'égout dépasse 20 millions de francs.

Du reste, Messieurs, après l'avoir nié, les ingénieurs de la ville ont fini par convenir que ces surfaces pourraient bien être insuffisantes, et alors diverses propositions complémentaires ont été faites, propositions qui ont varié selon les époques, les personnes, et les circonstances. Le premier palliatif proposé figure dans la note mème de M. le directeur des travaux de Paris, publiée en 1879; dans cette note, il est expliqué que si les terrains de la forêt sont insuffisants, on ira plus loin dans la vallée de la Seine que l'on parcourra par étapes successives, la forêt de Saint-Germain constituant la première étape.

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