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IV.

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La gélatine nourricière dont nous nous servons est composée de bouillon de bœuf alcalinisé avec du carbonate de potasse, additionné de 3 0/0 de gélatine, et stérilisé par des chauffages successifs; comme point de départ, les ensemencements ont été faits avec des microbes recueillis à l'air libre. En ayant soin de choisir, pour les inoculations ou séries, des points où la gélatine avait une tendance à se creuser, nous avons obtenu des récoltes de plus en plus riches en bacilles courbes, en même temps que les caractères des cultures se modifiaient pour revêtir définitivement ceux des cultures pures, qui sont les suivants: aux points d'inoculation, à la température de 20 à 26° C., les jeunes colonies apparaissent sous la forme de gouttelettes arrondies, brillantes, à contour finement dentelé, se décomposant, à un faible grossissement, en un amas de granules fortement réfringents. Ces colonies creusent dans la gélatine, en la liquéfiant, des godets très nets qui se développent en profondeur sous la forme d'un doigt de gant, au fond duquel on aperçoit encore la colonie bacillaire comme un dépôt tubuleux blanchâtre. Au-dessous de 18°, ces cultures ne se développent que très lentement et parfois sous la forme. d'un fil blanc plongeant sous la gélatine; mais quand la température de 20 à 22° a été constante, dès le 3 jour leur aspect est parfaitement caractérisé. L'examen à un fort grossissement n'y montre guère alors que des bacilles adultes, non pourvus de spores, parmi lesquels les types en vis, en S, en oméga sont assez communs. Avant ce terme, on observe une grande quantité de microcoques un peu gras et légèrement allongés, à peine recourbés; plus tard, dans les cultures vieilles, la production des spores a déformé les bacilles. Ces cultures ont une odeur éthérée sui generis très caractéristique.

Un résultat analogue aurait été obtenu par M. Klein, qui serait arrivé de son côté à cultiver dans la gélatine alcaline les bacilles-virgules de la salive, et qui aurait constaté à leurs cultures la même apparence que celle décrite pour les cultures du comma cholérigène.

Tous ces faits nous paraissent, en somme, concorder entre eux et conduire à cette conclusion que les bacilles courbes,

vrais et faux bacilles-virgules, sont tous de la même famille, et qu'ils sont les habitants vulgaires et inoffensifs du milieu ambiant, par l'intermédiaire duquel ils nous pénètrent de toutes parts. Les recherches dont les résultats viennent d'être exposés ont été faites dans le laboratoire d'histologie de l'hôpital militaire de Lille.

LA FIÈVRE TYPHOÏDE

DANS LES GARNISONS DU NORD

ET

L'ENGRAIS FLAMAND,

Par M. le Dr E. VALLIN.

Au cours de la discussion qui vient de se terminer à la Société de médecine publique et d'hygiène professionnelle, sur les irrigations à l'eau d'égout mêlée de vidanges, nous avions été très frappé d'une statistique citée par M. Brouardel. Notre savant collègue et ami voulait prouver que l'épandage des matières fécales sur le sol est capable de favoriser le développement de la fièvre typhoïde; il en donnait une démonstration indirecte, en faisant voir que dans les villes de garnisons du nord de la France qui ont renoncé à la vidange flamande, comme Lille, Douai, Cambrai, la fièvre typhoïde a, sinon disparu de l'armée, au moins beaucoup diminué; au contraire, elle continue à sévir cruellement dans les villes de garnison qui, comme Avesnes, ont conservé les habitudes traditionnelles en matière de vidange. Dans une discussion où l'on a produit plus de raisonnements que de faits positifs, nous étions heureux de rencontrer un argument scientifique donnant une base solide à la discussion. Cette assertion froissait bien une opinion généralement acceptée par des épidémiologistes et les statisticiens militaires, à savoir que les garnisons du Nord

ont depuis longtemps une immunité relative, singulière et encore inexpliquée, contre la fièvre typhoïde; mais il se pouvait que cette opinion consacrée par le temps ne fût pas suffisamment justifiée, et nous avons entrepris quelques recherches dans les documents officiels pour contrôler sa valeur. Nous nous proposions d'en rapporter le résultat dans la dernière séance de la Société de médecine publique; mais quand la parole nous fut donnée, la discussion était trop passionnée et l'heure trop avancée pour qu'il nous parût opportun de faire une froide exposition de chiffres, toujours difficile à écouter; nous renonçâmes à la parole. Qu'il nous soit permis de mettre à cette place, sous les yeux de nos lecteurs, des faits qui nous semblent avoir de l'intérêt.

M. Brouardel disait (Revue d'hygiène, mars 1885, p. 209): «En prenant pour réactif les garnisons des villes qui ont renoncé à la vidange flamande, on voit que sur 10,000 hommes de troupes Douai perd par fièvre typhoïde 7 hommes par an, Cambrai 3,3; Lille 2,8; mais Avesnes, où les vieilles traditions sont conservées, en perd 43. »

Nous avons vérifié à l'aide des volumes de la Statistique médicale de l'armée les chiffres cités par notre collègue; nous reconnaissons leur exactitude, mais nous ne sommes pas d'accord avec lui sur leur interprétation.

Le tableau ci-après (p. 290) montre que les proportions indiquées, pour exactes qu'elles sont, restent un peu fictives; la garnison d'Avesnes ne comptant que 800 hommes et fournissant de 1 à 102 cas de fièvre typhoïde, suivant les années, on voit de suite l'influence des petits nombres et des épidémies accidentelles; c'est donc pour la facilité de la comparaison que nous transformons, par exemple, la proportion de 7 décès typhoïdes pour 812 hommes, en celle de 86 pour 10,000 habitants, etc.

Sous peine de faire une pétition de principe, il importait avant tout de savoir si la coutume de la vidange flamande a réellement diminué à Lille et dans les autres villes de la région. Plusieurs personnes, originaires de Lille et retournant fréquemment dans cette ville, avaient déjà émis devant nous

Mortalité typhoïde dans les garnisons de Lille et Aresnes:

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des doutes très formels à ce sujet. Je me suis adressé à mon collègue et ami, M. Arnould, professeur d'hygiène à la Faculté de médecine de Lille et directeur du service de santé du 1er corps d'armée; nul n'était mieux qualifié pour fournir des renseignements certains. M. Arnould m'a répondu une lettre dont j'extrais les passages suivants :

« Aucune ville du Nord, Lille, Douai, Cambrai, Valenciennes, Dunkerque, Aire, etc., n'a renoncé à la vidange flamande (à la cuiller et au petit tonneau), non plus qu'à l'usage de l'en grais flamand répandu sur les terres avec une casserole à long manche. A Lille, en 1881, il y avait deux compagnies de vidanges «< inodores », l'une par refoulement, l'autre par aspiration (système Tolard). Cette dernière a succombé. Celle qui persiste emploie aujourd'hui tantôt le refoulement, tantôt l'aspiration. La municipalité voudrait généraliser et même imposer ce mode de vidanges; mais ce n'est encore qu'un projet... La compagnie actuelle a déjà une usine pour la fabrication des

engrais, mais elle livre la matière verte aux cultivateurs qui lui en demandent... Lille n'a pas beaucoup de fièvres typhoïdes; elle n'en a que dans certains quartiers pauvres, encombrés, où la plaie des fosses fixes gémellées avec le puits est à son maximum d'acuité. Et cependant, il est notoire qu'il n'y a pas dans l'intérieur des murs, dans les jardins publics ou privés, je dis les plus luxueux, un pouce de terrain qui ne reçoive à son heure, à peu près une fois par an, sa dose de matière fécale. Il n'y a que les cérusiers qui consomment le fumier de cheval. Tous les légumes que l'on mange et toutes les roses que l'on respire sont nourris de matières des fosses. Dans quelques mois, nous allons devoir à l'engrais flamand des fraises de toute beauté et d'un fumet extraordinaire; « circulation continue » assez simplifiée, comme vous voyez. >>

Mais alors, s'il est vrai que la vidange flamande n'a pas cessé de se faire sur une large échelle à Lille, nous arrivons, par un de ces tours que joue fréquemment la statistique, à une conclusion précisément contraire à celle que donnait notre savant collègue M. Brouardel, à savoir, que malgré l'aspersion incessante du sol par les matières de vidange intra et extra muros, la fièvre typhoïde reste rare dans les villes du nord de la France et particulièrement à Lille.

Pour apprécier à sa juste valeur la mortalité typhoïde observée en ces dernières années dans la petite garnison d'Avesnes, nous devons dire qu'il s'agit d'une épidémie causée par l'insalubrité générale des locaux, et à laquelle l'épandage des matières fécales dans la campagne voisine paraît avoir été tout à fait étrangère. M. Arnould nous dit en effet qu'à la suite de l'épidémie de 1881, « le médecin-major du 84° régiment de ligne fit gratter les murs de la caserne, la désinfecta sérieusement par la combustion du soufre; on a abattu le rempart qui privait d'air et de lumière le rez-de-chaussée et le premier étage; enfin, on a substitué aux fosses fixes de cette même caserne les tinettes Goux qui assurent l'éloignement des immondices, pas aussi rapidement que par l'égout, mais encore assez vite ».

Le résultat ne s'est pas fait attendre; en 1882 et en 1883, il

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