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sible le maintien des fosses fixes; celles qui existent dans les maisons déjà construites seront tolérées dans un délai et dans des conditions à fixer; leur suppression est décidée en principe, sauf certains cas exceptionnels, pour les maisons à construire. On a dit que cette introduction obligatoire de l'eau dans les maisons impliquait la projection totale à l'égout, et que c'était une manière détournée d'arriver à imposer cette dernière. Ce n'est pas ainsi que le raisonnement doit être présenté avant tout, il faut assainir la maison et la tenir propre; il ne nous semble pas possible d'obtenir ce résultat autrement que par des lavages abondants et faciles; si chaque habitant dépense ainsi, par le seul fait de ses évacuations, quatre mètres cubes d'eau par an, il est évident qu'on ne peut songer à laisser cette eau arriver dans les fosses fixes dont les dimensions sont restreintes et dont la vidange coûte 5 à 7 francs par mètre cube. L'égout lui-même ou une canalisation spéciale placée dans l'égout deviennent les seuls moyens d'entraîner rapidement et sûrement tous ces résidus; c'est pour cela, c'est à posteriori, c'est faute de mieux que nous sommes partisans de l'évacuation par l'égout. D'autres, au contraire, ne veulent pas introduire l'eau dans la maison et particulièrement dans les cabinets, simplement parce qu'ils ne sont pas partisans du « tout à l'égout » et qu'il leur répugne de contribuer à rendre indispensable un système qui leur déplaît; les appareils diviseurs ou dilueurs ne sont en effet qu'un moyen détourné et insalubre de projection presque totale à l'égout, et ne peuvent être tolérés par ceux qui redoutent l'introduction de la moindre quantité de vidanges dans les égouts publics.

L'eau ainsi livrée aux cabinets d'aisances devra arriver dans les cuvettes de manière à former une chasse vigoureuse, capable d'assurer le nettoyage; des siphons seront placés partout. Les appareils qui distribueront l'eau seront examinés et reçus par le service de l'assainissement de Paris, avant la mise en service, comme on l'exige aujourd'hui pour l'installation du gaz. Le public est d'ailleurs laissé libre de choisir les appareils ou les dispositions qui lui conviendront le mieux, pourvu qu'ils ne compromettent ni la salubrité, ni la sécurité.

Dans une première édition du projet, soumise aux delibérations du Conseil municipal à la fin de 1883, la Ville demandait bien davantage (art. 4 du projet de loi) :

Dans un délai qui sera fixé par arrêté préfectoral, les propriétaires des maisons dans Paris ayant accès sur les voies publiques pourvues de canalisations devront être abonnés aux eaux de la Ville et fournir gratuitement aux locataires un minimum de 50 litres d'eau par personne et par jour, dont 10 litres pour les cabinets d'aisances. Après l'expiration du délai fixé, il sera pourvu d'office par l'administration municipale à l'exécution des travaux nécessaires, aux frais et risques des propriétaires.

Nous regrettons vivement qu'il n'ait pas été possible de maintenir cette prescription, et qu'on ait dù limiter l'obligation aux 10 litres affectés aux cabinets d'aisances. Mais qui ne voit que lorsque l'eau sera dans le cabinet, elle sera du même coup dans la cuisine, parfois même dans le cabinet de toilette? c'est l'affaire de quelques mètres de tuyaux. Une plus grande quantité d'eau passera par la maison avant d'arriver à l'égout, qui sera encore très bien lavé par l'eau sale d'une baignoire; l'on commencera alors à réaliser ce que nous demandions l'année dernière à notre retour de Londres: Moins d'eau dans la rue, plus d'eau dans les maisons.

Mais deux questions se posent : est-il facile d'assurer dès à présent cette dépense d'eau ? a-t-on le droit d'obliger le propriétaire à mettre de l'eau à la disposition des locataires?

La réponse à la première question est facile : la quantité prescrite est minime et immédiatement disponible. Il ne s'agit en somme que de 25,000 mètres cubes d'eau par jour; or, d'après le remarquable travail que vient de publier M. Couche2, sur les 417,900 mètres cubes distribués chaque jour (août 1883) à Paris, les abonnés de la Compagnie reçoivent dans les maisons 91,580 mètres cubes d'eau de source, sans compter 109,650 mètres cubes d'eau de rivière ou d'Ourcq que la Com

1. E. VALLIN, L'hygiène à Londres et l'eau à Paris (Revue d'hygiène et de police sanitaire, mai et juin 1883).

2. Les eaux de Paris en 1884, par M. Couche, ingénieur en chef du service des eaux, Paris, Chaix, 1884, 1 vol. in-4° de 127 pages, avec cartes, tableaux, annexes.

pagnie ou l'administration font arriver dans les immeubles privés ou publics. Même en ne prenant pour base que l'eau de source distribuée, l'on voit que les 25,000 mètres cubes désormais obligatoires seront facilement assurés. N'oublions pas que sur les 80,000 immeubles qui existent à Paris, 50,000 sont déjà abonnés (Couche, p. 122); il est vrai que parfois l'eau n'arrive qu'au rez-de-chaussée, ou bien l'on n'ouvre les robinets que pendant un petit nombre d'heures, moins pour économiser l'eau que pour économiser la vidange à venir des fosses fixes où l'on pourrait jeter cette eau.

La dépense sera modérée, pour ne pas dire minime; elle ne dépassera pas 1 fr. 60 c. par personne et par an. En effet, d'après le tarif de 1880, l'eau de source coûte 120 francs par an pour une consommation journalière de 1 mètre cube; 60 francs pour 500 litres; 40 francs pour 250 litres, et enfin 20 francs pour les petits abonnements nouvellement créés de 125 litres par jour; ce dernier tarif porte à 16 francs par an le prix de l'hectolitre journalier, qui coûtait jadis 24 francs. L'on espère pouvoir réduire encore tous ces chiffres d'un tiers, de sorte qu'une des principales objections contre l'obligation sera bien affaiblie.

Mais la loi du 13 avril 1850, relative à l'assainissement des logements insalubres, autorise-t-elle la Commission des logements insalubres à imposer au propriétaire l'amenée d'eau dans sa maison? L'article 7 dit que « s'il a été reconnu que les causes d'insalubrité sont dépendantes du fait du propriétaire...», et l'article 10 « s'il est reconnu que le logement n'est pas susceptible d'assainissement et que les causes d'insalubrité sont dépendantes de l'habitation elle-même, on enjoindra l'exécution des travaux jugés nécessaires, ou bien l'on interdira la location, etc. Certains propriétaires, que la Commission des logements insalubres voulait contraindre à mettre de l'eau à la disposition des locataires comme moyen de remédier à l'insalubrité de la maison, ont ouvert des recours devant le Conseil de préfecture. Ce conseil a décidé à plusieurs reprises (arrêtés des 18 février et 1er décembre 1880) que «< l'absence d'eau dans une maison ne constitue pas une cause d'insalubrité

inhérente à l'habitation et pouvant donner lieu par elle-même à l'application de la loi du 13 avril 1850; d'où il suit que l'injonction de pourvoir la maison de l'eau nécessaire aux usages domestiques des locataires ne doit pas être maintenue ». Le Conseil ajoute que les locataires peuvent acheter ou aller chercher l'eau aux fontaines publiques, et assurer ainsi le nettoyage et la salubrité non seulement des cabinets d'aisance, mais des autres parties de la maison. L'insalubrité naît donc de la malpropreté qui est de leur fait. Le Rapport général sur les travaux de la Commission des logements insalubres pendant les années 1877-1883, qui vient d'être publié, contient sur cette question un rapport très remarquable de M. Devillebichot (14 février 1881), qui combat cette jurisprudence et maintient les droits de la commission. A sa sollicitation, le ministre de l'agriculture et du commerce s'est pourvu devant le Conseil d'État contre les arrêtés du Conseil de préfecture; mais par décision du 11 novembre 1881, le recours du ministre a été rejeté, parce que le ministre n'établissait pas que la loi du 13 avril 1850 eût été violée.

Dans ces conditions, l'administration préfectorale était désarmée, ou tout au moins l'autorité de ses règlements était amoindrie. Aussi a-t-elle annexé à son projet de règlement un projet de loi, dont l'article 4 est ainsi conçu:

Art. 4. Tout propriétaire est tenu d'avoir, à chaque étage, un robinet d'eau potable à la disposition constante des locataires qui n'ont pas d'abonnement d'eau dans leur appartement. — Il est tenu, en outre, de placer dans chaque cabinet d'aisances une distribution d'eau pour le lavage des tuyaux de chute, donnant au minimun dix litres d'eau par 24 heures et par habitant faisant usage du cabinet.

Espérons que cet article du projet de loi sera voté par les pouvoirs législatifs; nous avons montré que la dépense pour le propriétaire sera modérée, il la couvrira par un très léger excédent du prix de location; le bénéfice pour la salubrité sera considérable.

Mais l'eau, fût-elle obligatoire, ne suffit pas; à quoi servirait la projection de dix litres d'eau dans un de ces trous

immondes, surmontant directement une immense fosse fixe qu'on vide tous les dix ans? Il faut une occlusion hermétique et permanente, il faut au-dessous de la cuvette un siphon ayant 7 centimètres au moins d'immersion. C'est ce que demandent les articles 4 et 15 du projet de règlement; la Commission d'assainissement les a votés dans sa dernière séance, sur le rapport de MM. Vallin et Émile Trélat; nous aurons l'occasion d'y revenir quand la discussion sera complètement terminée.

MÉMOIRES.

EFFET D'UN REPOS PROLONGÉ ET FILTRAGE

PAR LA PORCELAINE

SUR LA PURETÉ DE L'EAU,

Par MM. les D" HERMANN FOL,
Professeur de physiologie,

et Pierre LOUIS DUNANT,

Professeur d'hygiène à l'Université de Genève.

Une série de recherches expérimentales, dont les résultats ont été publiés ailleurs1, nous ont conduits à cette conclusion, inattendue pour bien des personnes, que l'eau du lac de Genève, prise au large, est celle de toutes nos eaux potables qui tient en suspension le plus petit nombre de germes. Ce fait paraîtra singulier, si l'on songe aux nombreuses causes de contamination auxquelles la belle nappe d'eau dont nous sommes favorisés, est constamment exposée de la part de l'air,

1. HERMANN FOL et P.-L. DUNANT, Recherches sur le nombre des germes vivants que renferment quelques eaux de Genève, Genève, H. Georg, 1884.

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