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D'HYGIÈNE

ET DE

POLICE SANITAIRE

BULLETIN

L'ENQUÊTE

SUR LA CONTAGIOSITÉ DE LA TUBERCULOSE,

Par M. le Dr E. VALLIN.

Au commencement de l'année dernière, dans la séance du 25 janvier, nous avions proposé à la Société médicale des hôpitaux de prendre l'initiative d'une vaste enquête parmi tous les médecins français sur la contagiosité de la tuberculose. Quelques mois plus tard, à l'occasion de la présentation par M. Debove de son excellent livre (Leçons sur la tuberculose parasitaire, 1884), auquel la Faculté de médecine vient de décerner le prix Lacaze de 10,000 francs, elle reprit la question sur la proposition de M. Villemin. Une commission dont nous étions le rapporteur fut nommée; notre rapport fut lu à la séance du 11 juillet 1884, et ses conclusions furent adoptées après

1. On trouvera le résumé et les conclusions de ce rapport dans la Revue d'hygiène du 26 septembre 1884, p. 785-789. La seconde par tie du rapport Règles prophylactiques, a été reproduite in-extenso dans les numéros 29 et 30 de la Gazette hebdomadaire, 18 juillet 1884, p. 482 et suiv.

REV. D'HYG.

VII. 1

une courte discussion dans la séance du 26 novembre. Notre collègue, M. Landouzy, dont les leçons sur la contagion de la phthisie ont été si remarquées (Progrès médical, 1882), revint alors sur notre proposition d'une enquête auprès de tous les médecins de France, à l'instar de celles qui viennent d'être faites en Angleterre, en Italie, en Allemagne, et dont nous avons longuement exposé les résultats (Bulletin de la société médicale des hôpitaux, 1884, p. 35 et 262); il appuya sa demande d'enquête d'arguments qui parurent convaincants; celle-ci fut décidée et confiée à la commission de physiologie qui devint permanente, et dont nous restâmes le rapporteur.

Deux exemples, disions-nous, pouvaient nous guider. En Angleterre, on s'est contenté d'insérer dans le journal de l'Association médicale britannique (British medical Journal, janvier 1883) une note de dix lignes, qui peut se résumer ainsi : « Avez-vous, oui ou non, observé des cas de transmission de phthisie? Si oui, dites-en le nombre, avec les dates, les détails de parenté, si celle-ci existe, les prédispositions héréditaires, etc. C'était un peu court, sans doute, et cependant l'enquête a fourni un grand nombre de documents intéressants.

La Société médicale de Berlin et la Société italienne d'hygiène ont, au contraire, envoyé à chaque médecin un questionnaire très détaillé, avec des cases à remplir, des indications à biffer ou à conserver; ces bulletins, renvoyés avec leurs annotations au rapporteur, formaient autant de fiches dont le classement et le dépouillement semblent, au premier abord, rapides et faciles. Après une étude attentive, nous avons renoncé à ces questionnaires, dans la forme du moins que nous venons de signaler. Nous avons cherché à remplir un de ces bulletins allemands ou italiens avec l'histoire d'un cas de transmission que nous avons personnellement observé; la rédaction a été longue, fastidieuse, difficile; nous ne savions où inscrire les particularités qui faisaient l'intérêt de l'observation; à côté de cela, le bulletin italien nous demandait, par exemple, si le malade avait été vacciné ou s'il avait eu la variole, quelle eau il buvait, si son alimentation était végétale ou animale, etc. Nous avons pensé que peu de médecins consentiraient à rem

plir un tel questionnaire, que l'originalité des cas particuliers disparaîtrait sous cette nomenclature uniforme. Chacun de nous préférera exposer en quelques lignes les faits qui l'auront frappé, avec les preuves à l'appui.

I importe toutefois d'attirer l'attention des praticiens sur certains points, qui ont pour nous une grande importance (détails précis sur l'hérédité, sur la vie en commun, sur la durée et la nature du contact, etc.). Ce qu'il faut, c'est moins un questionnaire, assez court d'ailleurs et auquel on ne sera pas forcé de répondre directement, qu'un résumé, une instruction, dont la lecture réveillera peut-être des souvenirs ou provoquera des rapprochements auxquels on n'avait pas songé.

C'est en tenant compte des desiderata ainsi formulés, que chaque praticien adressera les histoires de malades qu'il jugera dignes d'intérêt. Le dépouillement de ces documents ne sera pas une tâche facile; mais les membres de la Commission, et en particulier son rapporteur, ne reculeront pas devant le devoir qu'ils ont accepté.

Nous avons proposé, et la Société l'a adopté, d'adresser à tous les médecins de France la circulaire suivante :

SOCIÉTÉ MÉDICALE DES HÔPITAUX DE PARIS.

Enquête sur la transmission de la phthisie.

Monsieur et honoré confrère,

La Société médicale des hôpitaux entreprend, à l'imitation de ce qui se fait dans les pays voisins, une enquête auprès de tous les médecins de France, sur la transmissibilité de la tuberculose par les malades déjà atteints de phthisie.

La possibilité de la transmission n'est plus guère aujourd'hui contestée; mais il importe de savoir dans quelles conditions, exceptionnelles sans doute, cette transmission s'effectue.

A la suite d'un rapport présenté par une Commission, composée de MM. Villemin, Millard, Constantin Paul, Grancher, Debove et Vallin, rapporteur, la même Commission a été chargée de recueillir et coordonner toutes les observations positives ou négatives, toutes les histoires de malades qu'on voudra bien lu

adresser. Les praticiens qui connaissent, parfois depuis plusieurs générations, la santé de tous les membres d'une famille, les médecins des petites localités, sont admirablement placés pour discerner la part de l'hérédité et celle de la transmission directe par la vie en

commun.

L'attention commence aussi à s'éveiller sur la possibilité de la propagation de la tuberculose par la consommation du lait et de la viande des bêtes bovines, atteintes de phthisie du bétail ou ponimelière; la question est nouvelle, elle est encore obscure, mais elle a une grande importance au point de vue de l'hygiène publique, et, pour la résoudre, le concours de tous est nécessaire. La Commission de phthisiologie vous serait très reconnaissante, très honoré confrère, si vous vouliez bien adresser à M. le docteur Vallin, au siège de la Société, rue de l'Abbaye, 3, avant le 1er avril, un exposé sommaire des faits qui vous auraient paru concluants dans le cours de votre pratique, en insistant sur les points mentionnnés dans l'instruction ci-jointe.

Veuillez agréer, très honoré confrère, l'assurance de notre considération distinguée.

Le président de la Commission,

Dr VILLEMIN.

Le rapporteur,

Dr VALLIN.

INSTRUCTION.

Age, sexe, profession, conditions hygiéniques générales et santé

antérieure.

Antécédents héréditaires: Les spécifier aussi bien dans les cas négatifs que dans les cas positifs.

Indiquer le degré de parenté avec les ascendants ou les collatéraux suspects.

Distinguer les cas où le malade partageait le lit, la chambre, l'appartement du parent (père, mère, frère, sœur, etc.) tuberculeux, de telle sorte que la vie en commun aurait pu, par elle seule avoriser la transmission directe.

Conjoints: Dans le cas de transmission entre époux, insister sur les antécédents héréditaires et la santé antérieure de part et

d'autre.

Le survivant, devenu malade à son tour, a-t-il partagé le lit, la chambre du conjoint phthisique à une époque avancée de la

maladie? Dans ce cas, le sol de la chambre, la literie, l'alcôve, étaient-ils souillés par les produits de l'expectoration?

Quelle part faut-il faire aux fatigues, aux émotions, à la vie confinée, à la prédisposition, dans le développement de la tuberculose chez l'époux survivant?

Indiquer les dates du début de la vie en commun, du décès, du début de la tuberculose transmise.

Etrangers: Dans le cas de transmission à des personnes qui n'étaient ni parents, ni conjoints, énumérer les conditions de la vie en commun, dans une habitation particulière, un hôpital, un atelier, une école, une caserne, une prison.

Ces personnes partageaient-elles la même chambre, le même lit ? Les crachats étaient-ils projetés sur le sol? A quelles dates les accidents se sont-ils produits chez les deux malades, et après combien de temps de contact?

Connaissez-vous des cas de transmission par l'usage de vêtements, de literie, ayant servi à un phthisique?

Connaissez-vous des cas où une personne, en dehors de toute parenté, aurait contracté la tuberculose après avoir remplacé un phthisique dans une chambre d'hôtel, un appartement garni, non désinfectés?

Quelle vous mission?

a paru être la fréquence relative des cas de trans

Les malades atteints de phthisie laryngée, buccale, linguale ou pharyngée, semblent-ils transmettre plus facilement la tuberculose autour d'eux ?

La tuberculose transmise a-t-elle une marche plus rapide que d'ordinaire ?

Connaissez-vous des cas où un enfant, né de parents non suspects, aurait contracté la tuberculose (abdominale ou autre) après avoir été allaité par une nourrice phthisique? Quels étaient en ce cas le régime alimentaire, l'hygiène générale de l'enfant, les autres causes auxquelles on pourrait attribuer la tuberculose?

Connaissez-vous des cas où un groupe de personnes aurait fait un usage prolongé de viande et de lait provenant de vaches phthisiques, atteintes notoirement de pommelière ? la tuberculose (pulmo naire ou abdominale) a-t-elle été constatée plus tard chez les personnes qui ont consommé ces aliments? Quelles étaient dans ces cas les conditions héréditaires et hygiéniques des individus atteints?

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