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HISTOIRE ET DESCRIPTION

DE TOUS LES PEUPLES,

DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, COUTUMES, ETC.

DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE

DE L'HISTOIRE DE FRANCE,

PAR M. PH. LE BAS,

MEMBRE DE L'INSTITUT.

C.

Montaigne, qui y remplissait alors les fonctions de maire. Leur amitié devint étroite et ne se démentit jamais. Le livre de la Sagesse est bien de l'école de Montaigne, quoiqu'il n'ait pas le même charme de style que les Essais. La mort seule put séparer les deux amis. Montaigne, en expirant dans les bras de Charron, le pria de porter désormais les armes de sa famille; et Charron, dans son testa ment, légua tous ses biens au beaufrère de Montaigne. Il mourut d'une attaque d'apoplexie, à Paris, en 1603. Charron varia souvent dans ses goûts et dans ses idées : avocat d'abord, pais théologien, nous l'avons vu aspirer ensuite à l'état monastique, et enfin devenir exclusivement philosophe. Les ouvrages que nous avons de lui nous donnent, par leurs dates, l'histoire chronologique de ces variations. En 1594, il publie son livre de trois vérités, ouvrage où il prouve contre les athées qu'il y a une religion; contre les païens, les juifs, etc., que de toutes les religions, la chrétienne est la seule véritable; contre les héréti

CHARRON (Pierre) naquit à Paris, en 1541, d'un libraire père de vingtcinq enfants. I alla faire son droit à Orléans, et prit le bonnet de docteur à Bourges, où il se fixa dans le but d'exercer la profession d'avocat. Mais il s'en trouva dégoûté au bout de six ans, et embrassa l'état ecclésiastique. Il fit, à la suite de l'évêque de Bazas, Arnaud de Pontac, plusieurs missions dans la Gascogne et le Languedoc, avec un succès qui le fit nommer théologal à Agen, à Bordeaux, à Cahors et à Condom, et lui valut la place de prédicateur ordinaire de la reine Marguerite. La célébrité qui commencait à s'attacher à son nom ne put le distraire de l'accomplissement d'un ancien voeu, celui d'entrer dans un ordre religieux. La vie monastique eût offert un asile convenable à ses spéculations philosophiques: ses quarante-cinq ans lui en fermèrent 'entrée. Refusé pour ce motif par les chartreux, puis par les célestins, il reprit ses prédications à Angers d'abord, puis à Bordeaux. Ce fut dans cette dernière ville qu'il se lia avec T. v. 1re Livraison. (DICT. ENCYCL., ETC.)

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ques, qu'il n'y a de salut que dans l'Église catholique; et dès l'année suivante il fait paraître un ouvrage purement philosophique, le Traité de la sagesse. Cette fois, c'était si bien le libre penseur qui avait parlé plutôt que le théologien, et il y avait dans ce livre tant de passages où se trouvaient exprimées des pensées peu orthodoxes, que Charron fut en butte à de violentes attaques. En vain corrigea-t-il quelques chapitres; en vain publia-t-il, en 1600, sa Réfutation des hérétiques, avec un recueil de sès anciens discours chrétiens sur la divinite, la création, la rédemption et l'eucharistie; en vain la mort, qui vint le frapper tout à coup en 1603, sembla-t-elle devoir désarmer ses ennemis, l'auteur et son ouvrage furent poursuivis par l'université, le parlement et les jésuites. Le P. Garasse, jésuite, appela Charron le patriarche des esprits forts, et voulut le faire passer pour athée. L'abbé de Saint-Cyran releva ce que ces attaques pouvaient avoir d'injuste et d'outré. Lors de la mort de Charron, le parlement, de concert avec la faculté de théologie, se disposait à supprimer l'ouvrage, quand le président Jeannin, chargé par le chancelier de le reviser, y fit des corrections, au moyen desquelles il fut réimprimé en 1604, avec la vie de l'auteur. Cet ouvrage est le plus célèbre de ceux qu'a publiés Charron. C'est un traité assez complet de-morale, écrit avec une grande liberté et un vif amour de la vérité.. On reconnaît chez l'auteur de l'élévation dans l'esprit, de la hardiesse dans la pen

sée,

parure même; on regrette qu'il n'ait pas suivi de plus près un autre modèle qu'il ne nomme pas, mais qu'il a sans cesse devant les yeux: nous voulons parler de Montaigne. Autant le style de celui-ci est rapide, brillant, original, autant celui de son ami est uniforme et triste. Malgré la fermeté, la clarté, le nombre et la précision qui sont les qualités distinctives des écrits de Charron, nulle part la philosophie de cet auteur n'a cette forme gaie, libre, joyeuse, relevée, enjouée même, dont il nous parle imprudemment quelque part. Il croit avoir secoué le joug de la scolastique : oui, pour la liberté d'examen; mais, du reste, il rappelle sans cesse cette école dont il avait reçu les leçons dans sa jeunesse. Que de divisions dans son ouvrage! Que de subdivisions! Ses arguments, ses définitions, ses distinctions sont innombrables. L'esprit s'embarrasse dans ce dédale de compartiments inutiles; il se fatigue à suivre ces mille petites avenues par où le promène l'auteur, au lieu de lui marquer une voie large et directe pour le conduire au but. Quoi qu'il en soit, à en juger par le Traité de la sagesse, Charron semble au fond n'avoir eu d'autre religion que celle de la conscience et de la nature; et on trouve chez lui des propositions qui font voir que si cet ecclésiastique se conformait, dans la conduite de sa vie, aux croyances humaines, il portait dans la vie spéculative une grande indépendance d'esprit. Il dit quelque part : « La religion n'est tenue que par moyens humains, et est toute bâtie de pièces maladives. » Il dit encore: << Bien que l'immortalité de l'âme soit la chose la plus universellement reçue, elle est la plus faiblement prouvée, ce qui porte les esprits à douter de beauconp de choses. »

de la passion pour le bien et le vrai; mais on doit blâmer dans son ouvrage une sobriété exagérée de toute espèce d'ornements; sa sagesse est trop nue quelques ornements simples ne feraient qu'en relever la grâce naturelle. Il y a loin de la recherche à l'élégance: celle-ci convient partout. On regrette plus d'une fois, en lisant Charron, qu'il n'ait pas emprunté aux épîtres de Sénèque, qu'il déclare avoir été son guide, quelque chose de leur vivacité, de leur originalité, de leur

CHARROUX, Carrofum, petite ville de l'ancien Poitou, aujourd'hui cheflieu de canton du département de la Vienne, à 10 kilomètres de Civray, doit son origine à un célèbre monastère fondé en 785 par Roger, comte de Limoges. Charlemagne le dota ma→

gnifiquement, et lui donna une bibliothèque et des reliques qui, dans la suite, devinrent pour cette maison une source de richesses. L'église, bâtie vers la fin du huitième siècle, était comptée au nombre des plus belles du royaume. Détruite pendant les guerres de religion, elle est aujourd'hui en ruines; mais ces ruines offrent encore un aspect imposant. Il s'est tenu dans cette ville, en 1028, un concile contre les manichéens. Lorsque Charroux faisait partie du royaume d'Aquitaine, son nom franc était Carrof; c'est ce qu'attestent ces vers de Théodulphe, évêque d'Orléans, cités par de Valois.

Est locus, hunc vocitant Carrof cognomine Galli, Quo salvatoris sub nomine pœnitet aula.

La population de cette ville est aujourd'hui de 1,700 hab.

CHARROY (Sébastien), lieutenantcolonel de l'état-major de la garde impériale, étant sous-officier des guides du général Bonaparte à l'affaire de Gaza, tua, dans un combat singulier, un chef de mameluks qui venait défier le corps entier des guides rangés en bataille. Il monta le premier sur la brèche à l'assaut de Jaffa ; à la bataille du Mont-Thabor, il tua deux mameluks, enleva plusieurs chevaux, s'empara de six dromadaires de course, et fit prisonniers tous les Arabes qui les montaient. Au combat d'Aboukir, il fut du nombre des guides qui enlevèrent les redoutes turques. Nommé sous-lieutenant, il traversa deux fois la ligne des Turcs et des mameluks, pendant le siége du Caire, pour porter des dépêches aux généraux Verdier et Duranteau, et reprit un poste qui venait d'être forcé par l'ennemi. A l'attaque du pont de Cabezon, en Espagne, le 14 juin 1808, Charroy, devenu officier d'état-major, chargea à la tête d'une compagnie de voltigeurs, et enleva quatre pièces de canon sous le feu de quatorze mille ennemis. Un mois après la bataille de Rio-Secco, il poursuivit seul une pièce de canon, et la ramena, ainsi qu'un officier et plusieurs artilleurs espagnols. Dans la même journée, il tua de sa main six

grenadiers du régiment de Saragosse. Il se distingua également pendant les campagnes de 1811 et de 1812 en Espagne.

CHARS, ancienne seigneurie du Vexin français, aujourd'hui du département de Seine-et-Oise, à 12 kilom. de Pontoise, érigée en baronnie en 1605..

CHARS DE GUERRE. Outre leur redoutable cavalerie, les Gaulois lancaient encore sur les champs de bataille de lourds chariots armés de faux ou de pointes acérées, et montés par un grand nombre d'archers. Ceux-ci, lorsque les rangs ennemis étaient rompus, sautaient en bas des chars et combattaient à pied, avec le javelot ou avec l'épée. Les Gaulois étaient si exercés à se servir de ces chars, qu'au dire de César, ils pouvaient les faire descendre par des pentes rapides, y arrêter tout d'un coup les attelages, ou les diriger sur un autre point. Les conducteurs se tenaient debout sur le timon, et se plaçaient même sur le joug des chevaux pour diriger leurs mouvements. Les chars de guerre servaient aussi bien à la défense qu'à l'attaque. Liés ensemble, ils formaient, avec les chariots de bagages, les seuls retranchements dont les Gaulois entourassent leurs camps.

CHARTE. Voyez CONSTITUTIONS.

CHARTE NORMANDE OU CHARTRE AUX NORMANDS. On désigne sous ce nom les lettres patentes données par Louis Hutin aux habitants de la Normandie, pour la confirmation de leurs priviléges.

Ce prince leur accorda, en 1314, une première charte qui ne contenait que quatorze articles; mais elle.fut augmentée par de nouvelles lettres, en date du 15 juillet de l'année suivante. C'est à ces dernières lettres que s'applique plus particulièrement le nom de charte normande. Cette charte fut confirmée, en 1339, par Philippe de Valois; en 1380, par Charles VI; en 1458, par Charles VII; en 1461, par Louis XI; en 1485, par Char les VIII, et en 1579, par Henri III.

Nous croyons faire plaisir à nos lec.

ques, qu'il n'y a de salut que dans l'Église catholique; et dès l'année suivante il fait paraître un ouvrage purement philosophique, le Traité de la sagesse. Cette fois, c'était si bien le libre penseur qui avait parlé plutôt que le théologien, et il y avait dans ce livre tant de passages où se trouvaient exprimées des pensées peu orthodoxes, que Charron fut en butte à de violentes attaques. En vain corrigea-t-il quelques chapitres; en vain publia-t-il, en 1600, sa Réfutation des hérétiques, avec un recueil de ses anciens discours chrétiens sur la divinite, la création, la rédemption et l'eucharistie; en vain la mort, qui vint le frapper tout à coup en 1603, sembla-t-elle devoir désarmer ses ennemis, l'auteur et son ouvrage furent poursuivis par l'université, le parlement et les jésuites. Le P. Garasse, jésuite, appela Charron le patriarche des esprits forts, et voulut le faire passer pour athée. L'abbé de Saint-Cyran releva ce que ces attaques pouvaient avoir d'injuste et d'outré. Lors de la mort de Charron, le parlement, de concert avec la faculté de théologie, se disposait à supprimer l'ouvrage, quand le président Jeannin, chargé par le chancelier de le reviser, y fit des corrections, au moyen desquelles il fut réimprimé en 1604, avec la vie de l'auteur. Cet ouvrage est le plus célèbre de ceux qu'a publiés Charron. C'est un traité assez complet de-morale, écrit avec une grande liberté et un vif amour de la vérité., On reconnaît chez l'auteur de l'élévation dans l'esprit, de la hardiesse dans la pensée, de la passion pour le bien et le vrai; mais on doit blâmer dans son ouvrage une sobriété exagérée de toute espèce d'ornements; sa sagesse est trop nue quelques ornements simples ne feraient qu'en relever la grâce naturelle. Il y a loin de la recherche à l'élégance: celle-ci convient partout. On regrette plus d'une fois, en lisant Charron, qu'il n'ait pas emprunté aux épîtres de Sénèque, qu'il déclare avoir été son guide, quelque chose de leur vivacité, de leur originalité, de leur

il

parure même; on regrette qu'il n'ait pas suivi de plus près un autre modèle qu'il ne nomme pas, mais qu'il a sans cesse devant les yeux: nous voulons parler de Montaigne. Autant le style de celui-ci est rapide, brillant, original, autant celui de son ami est uniforme et triste. Malgré la fermeté, la clarté, le nombre et la précision qui sont les qualités distinctives des écrits de Charron, nulle part la philosophie de cet auteur n'a cette forme gaie, libre, joyeuse, relevée, enjouée même, dont il nous parle imprudemment quelque part. Il croit avoir secoué le joug de la scolastique: oui, pour la liberté d'examen; mais, du reste, rappelle sans cesse cette école dont il avait reçu les leçons dans sa jeunesse. Que de divisions dans son ouvrage! Que de subdivisions! Ses arguments, ses définitions, ses distinctions sont innombrables. L'esprit s'embarrasse dans ce dédale de compartiments inutiles; il se fatigue à suivre ces mille petites avenues par où le promène l'auteur, au lieu de lui marquer une voie large et directe pour le conduire au but. Quoi qu'il en soit, à en juger par le Traité de la sagesse, Charron semble au fond n'avoir eu d'autre religion que celle de la conscience et de la nature; et on trouve chez lui des propositions qui font voir que si cet ecclésiastique se conformait, dans la conduite de sa vie, aux croyances humaines, il portait dans la vie spéculative une grande indépendance d'esprit. Il dit quelque part: « La religion n'est tenue que par moyens humains, et est toute bâtie de pièces maladives. » Il dit encore: << Bien que l'immortalité de l'âme soit la chose la plus universellement reçue, elle est la plus faiblement prouvée, ce qui porte les esprits à douter de beauconp de choses. »

CHARROUX, Carrofum, petite ville de l'ancien Poitou, aujourd'hui cheflieu de canton du département de la Vienne, à 10 kilomètres de Civray, doit son origine à un célèbre monastère fondé en 785 par Roger, comte de Limoges. Charlemagne le dota ma

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