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APPENDICE

AUX MÉMOIRES DE DAMPMARTIN

PAG. 347-353.

J'ai trouvé depuis mon retour en France un grand nombre de personnes qui aiment avec une sincère et tendre affection SaintPatern.. Toutes désirent de le revoir; ses raisons pour demeurer en Prusse me semblaient assez faibles et me causaient de la surprise. Je me reproche ces deux mouvements. N'aurais-je pas dû soudain sentir que, sensible, reconnaissant et généreux, il veut jusqu'à son dernier soupir arroser de ses larmes la tombe dans laquelle les cendres de son auguste bienfaiteur reposent? Il vit tel que le gardien fidèle d'un inappréciable trésor.

PAG. 354-355.

Lors d'un éloignement, malheureux pour le roi mourant, et triste pour M. et Mme de Boufflers, j'entretins une correspondance dont le souvenir me flatte et me touche. Les lecteurs ne sauraient être blessés que les sentiments de l'affection et de la reconnaissance me déterminent à placer ici l'une des lettres qu'à cette époque M. de Boufflers m'écrivit :

<< Posen, ce 28 octobre 1797.

« Je sais toutes les obligations que je vous ai, mon très-cher et « plus que digne confrère, et plus je m'y attendais, plus j'en suis << reconnaissant.

« Mme de Boufflers, qui se glorifie de votre amitié pour nous m'a dit qu'il était convenu entre vous et elle que j'adresserais un << exemplaire au roi avec une lettre à Sa Majesté : ce qui me coûte « d'autant plus que je n'ai pas encore osé lui écrire, quoique j'eusse « des choses beaucoup plus intéressantes à lui exposer. Mais si on

« juge de vos conseils en politique par vos exemples en morale, on << n'en saurait suivre de meilleurs; et en conséquence je vous adresse a la lettre en question pour la joindre au discours au moment où « vous en ferez l'envoi. Recevez, mon très-cher et aimable ami, tous « mes remercîments pour le passé et pour l'avenir, et soyez bien « persuadé qu'on ne saurait joindre une plus profonde estime et un plus sincère attachement. D

P. S. « Je vous supplie de vouloir bien m'adresser la note des « frais que vous aurez pu faire tant pour la reliûre que pour les « ports et affranchissements de paquets expédiés ou reçus.

«Ma femme me charge de mille amitiés pour vous. Je la ramène « dans nos tristes Etats, qu'une commission royale vient d'accommoder « à la française. D

PAG. 360.

Je laisse à la comtesse de Lichtenau le soin de dire l'usage que j'ai fait de cet acte.

« M. de Dampmartin fut enveloppé dans ma disgrâce et arrêté « avec ma mère et mon fils. Quelle reconnaissance ne lui dois je « pas pour toutes les consolations que j'ai reçues de lui pendant l'es< pace de quatre mois qu'il a partagé ma captivité! Loin de se laisser << abattre, il soutenait mon courage par l'espoir d'un avenir plus « prospère; et si j'avais eu, comme on l'a prétendu, le dessein de me « donner la mort, ses sages conseils m'en auraient détournée. Mais << rien n'est comparable au procédé généreux qu'il eut alors avec « moi. J'ai dit à mes lecteurs que je lui avais assuré par un contrat, «sa vie durant, une pension de quatre cents écus. Eh bien, il a me conjura, il me força de reprendre ce contrat en me disant « qu'une obligation que j'avais contractée dans les temps heureux, <devenait nulle pour lui du moment que la fortune m'était contraire. >> (Mémoires de la comtesse de Lichtenau, pag. 189.)

PAG. 398-401.

Le gouvernement de la République française poursuivait avec acharnement jusque dans les pays étrangers la décoration de l'ordre de Saint-Louis. Frédéric-Guillaume II, chevalier aussi franc que sensible et magnanime, opposa une forte résistance. Vaincu par les prières de ses ministres, qu'intimidait Caillart, l'envoyé de la Répu blique, il céda par une espèce de transaction Elle porta que les che

valiers de Saint-Louis nommés par Louis XVI ne seraient l'objet d'aucune démarche ; mais que ceux au contraire nommés par Louis XVIII, traité de prétendant, seraient tenus de quitter leurs marques distinctives.

PAG. 361 et 414.

Si je cédais à l'entraînement de mon cœur, l'hommage à offrir au baron de Keith deviendrait une volumineuse biographie. Une juste réserve m'arrête sans m'ôter néanmoins le désir que deux ou trois traits trouvent place ici comme une espèce de supplément à ce que le texte de l'ouvrage rapporte sur cet homme excellent.

Plusieurs d'entre les émigrés, sur quelques souvenirs de leur jeunesse se déclaraient dessinateurs et peintres. Le baron avait rapporté de Paris son portrait qui fut plus de trente fois copié. De simples esquisses se payaient avec magnificence, à plus forte raison les bons ouvrages. Un de mes voisins d'habitation en France, qui joignait à de l'esprit de l'honnêteté, mais qui ne possédait aucun talent positif, reçut un traitement à titre de bibliothécaire. Beaunoir venait deux fois la semaine faire des lectures, soupait ces jours-là et touchait d'avance chaque premier du mois trois louis. Un officier avec qui j'avais servi dans ma jeunesse s'était érigé en maître de danse. Le baron le fit appeler, et il lui plut par la vivacité gasconne de son esprit. Un traité fut bien vite conclu d'après lequel deux fois la semaine il dînerait et serait payé de ses leçons le double du prix accoutumé. La première séance se passa le mieux du monde. Le gascon égaya par ses saillies le dîner auquel son brillant appétit faisait honneur. Mais la seconde fois les choses avaient bien changé de face. Le baron paraissait soucieux, et notre maître à danser n'ouvrit la bouche que pour bien manger. Le soir, le baron me dit : « Figurez-vous que je me «suis presque querellé avec votre compatriote. Dans sa folie, il veut « absolument me faire danser. J'ai beau lui représenter que cet exer«cice ne s'accorde ni avec ma tournure, ni avec mes cinquante ans, ani avec mon humeur, rien ne lui fait entendre raison. Je me sou<< mets en vain à la condescendance de parler, une demi-heure avant « de dîner, d'entrechats et de cabrioles. » Cette manie plaisante devint une source de gaîté. Au moment de nous séparer, je promis de voir le lendemain le dansomane. Exact à ma parole, je reconnus avec surprise qu'il n'était pas facile de ramener mon ancien camarade à la raison; il répétait avec feu : « Il y va de mon honneur qu'il danse; j'exerce un talent pour me dérober à l'humiliation de recevoir la

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APPENDICE AUX MÉMOIRES DE DAMPMARTIN.

charité. » Plus d'une heure fut consommée avant que je dissipasse les embrages de cette scrupuleuse délicatesse.

Comme je le rapporte dans le texte de mon ouvrage, nul d'entre les Français n'a dû autant que moi de dévouement et de reconnaissance au baron de Keith.

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