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l'émulation, et les siècles s'écoulent sans qu'il reste aucun souvenir de ces innombrables puérilités.

Mais comment rétablir le véritable honneur dans ses droits, et réduire à lenr juste valeur tant de dis-, tinctions parasites? C'est en laissant circuler librement la vérité: il n'en faut pas davantage. Alors, au lieu de cette multitude de faits controuvés, que sont intéressés à faire valoir ceux qui courent après les honneurs pour les accaparer, nous saurons ce que ces faits ont de réel. Eclaircis par la faculté de les discu ter et de les démentir, ils seront dépouillés de l'exagération et des fausses couleurs qui les altèrent, et l'imposteur déjoué ne viendra pas s'emparer des récompenses qui doivent appartenir au mérite seul; alors la justice, lentement rendue à celui-ci, se développera de plus en plus; ses réclamations n'étant plus étouffées par le crédit et la jactance, chacun fera ses efforts pour gagner l'estime de ses compatriotes, sans crainte de s'en voir frustré par un charlatanisme effronté. Ses facultés s'agrandiront par l'espoir de la considération publique, et il s'empressera de suivre les routes tracées à toutes les classes de citoyens pour la plus grande prospérité nationale.

Nous avons déjà vu que c'est par la propagation des lumières que l'on peut parvenir à découvrir successivement ces routes; ainsi la libre circulation de la pensée doit rendre ces deux services à-la-fois, de faire connaître les meilleures choses et les meilleurs hommes en tarissant les sources de l'erreur et des intrigues. Tels doivent être les effets naturels de la

liberté de la presse : les effets tout contraire auront nécessairement lieu si elle demeure comprimée.

On cherche une division de pouvoirs qui, au lieu de se combattre perpétuellement, s'unissent au contraire pour tendre toujours au même but: ces pouvoirs seraient le pouvoir d'opinion et le pouvoir d'action. Le premier cherche les routes qui mènent vers la prospérité; le second dirige, par ces routes, tous les efforts particuliers organisés entre ses mains. Qu'importe une légère agitation qui n'a pour objet que de trouver ce qui est utile? L'agitation dange reuse n'est jamais que celle que les factions produisent; et quelles factions peut-il y avoir si chacun est agité du même esprit, si les distinctions ne sont plus l'ouvrage du caprice, mais celui d'un discernement juste, éclairé par l'analyse des faits, si chacun reconnaît la nécessité d'un pouvoir et du sacrifice d'une partie de sa liberté? Or, nous sommes assez mûris par l'expérience, pour être bien pénétrés de ces maximes, et s'il reste encore quelques individus engoués des vieux préjugés à cet égard, on attachés à leurs opinions exagérées, ils se trouveront tellement noyés dans le nombre de ceux qui sont fatigués de révolutions, qu'ils rougiront bientôt de leur rôle absurde: il ne faut pour cela que la volonté du prince ; c'est la mère abeille dans une ruche, on le suivra partout dès qu'il aura donné le signal, et qu'on saura qu'il veut le bonheur commun sans faire ac◄ ception de personne.

J'avoue que de semblables principes sont loin de

la sombre maxime : diviser pour régner. Puissent done mes concitoyens ne voir dans ces réflexions rapides que le désir sincère de prévenir toute réaction nouvelle; de leur inspirer ces sentimens nobles, cette bienveillance universelle qui porte à ne pas exiger des autres plus qu'on ne serait peut être capable de faire soi-même! Puissent-ils sentir la nécessité. d'immoler l'orgueil individuel, qui divise tout, à l'orgueil national qui réunit tout; de ne pas se croire supérieurs aux autres par leur nature, mais seulement par leur position dans l'ordre social; de comprendre que le vrai but du Gouvernement est d'entretenir l'harmonie entre les deux corps; que les distinctions utiles sont toujours odieuses ou ridicules et subversives de l'émulation ; que c'est à ce même ordre social que doivent se rapporter tous les efforts particuliers; qu'il est susceptible d'une infinité de formes différentes avec lesquelles les avantages et les défauts sont partagés; que toutes exigent l'érection d'un pouvoir quelconque, et par conséquent, le sacrifice d'une partie de sa liberté! Puissent-ils sentir enfin qu'il vaut mieux supporter quelques inconvéniens que de prétendre à une perfection, qui, dans la pratique, est une chimère, et dont la théorie est trop incertaine; que ce qu'il y a de plus utile en morale est d'apprendre à se contenter de son sort; et que la nature, pleine de sagesse, a établi entre les hommes une sorte de compensation qui fait que l'inégalité des conditions est presque toujours plus apparente que réelle.

DE L'ÉTAT ACTUEL DES BELGES.

Si un chinois ou un turc était né dans la Belgique avant que ce pays eût été séparé de la France, il pourrait aujourd'hui réclamer la qualité de français en remplissant les conditions prescrites par le code civil; pourquoi le même droit est-il refusé aux enfans des Belges nés français et de parens qui étaient alors français ?

Si le département de la Seine avait été cédé à l'ennemi, les parisiens auraient pu sans doute conserver la qualité de Français, en allant fixer leur résidence dans les provinces que la France aúrait conservées : pourquoi le même droit est-il refusé aux habitans de la Belgique ou du Piémont ? Penseraiton que les hommes sont encore attachés à la glèbe, et qu'il suffit de céder le sol qui les a vu naître pour céder leurs personnes?

Au reste, suivant les dispositions du code civil, la qualité de français ne se perd que dans les cas déterminés par la loi, et aucune loi ne décide qu'elle se perd par la conquête; on ne voit pas au reste quel motif pourrait engager le Gouvernement à repousser du sein de la France les anciens français qui voudraient s'y fixer.

LE CENSEUR.

No. 12.

CHAMBRE DES PAIRS. SEANCES des 13 et 17 septembre 1814.

Séance du 13. M ESSIEURS LES PAIRS se réunissent à deux heures après midi : ils entendent la lecture et approuvent la rédaction du procès-verbal de la der nière séance.

L'ordre du jour appelle le rapport de la commission, nommée pour l'examen de la résolution prise par la chambre des députés, sur la liste civile et la dotation de la couronne.

Le rapporteur nommé par la commission, M. le duc de Lévis, annonce que la résolution présentée à la chambre a paru à la commission dictée par les sentimens d'amour et de fidélité pour le Roi, qui animent tous les Français.

L'institution de la liste civile, parmi nous, ne remonte point au-delà de 1791. A cette époque, l'as

TOME Ier.

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