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ration faite devant lui, et il ne peut être mis en vente que sur celui du dépôt des exemplaires au nombre prescrit; mais le secrétariat de la direction générale est-il organisé de manière qu'on soit assuré d'obtenir un récépissé sans aucun retard? Et si le directeur-général le refuse, comment pourra-t-on le contraindre à le délivrer? Il eût été bien plus simple d'en user à Paris comme pour les départemens; c'està-dire, de faire recevoir les déclarations et le dépôt au secrétariat de la préfecture dans un bureau expressément destiné à cet effet. Au moins, dans ce lieu ouvert à tout le monde, l'imprimeur aurait été assuré de ne pas éprouver des retards et le refus qu'il peut craindre de la part du directeur-général.

Allons plus loin : le directeur-général peut faire saisir et séquestrer l'ouvrage, en le déférant aux tribunaux pour son contenu. Voilà, certes " une forte censure dans les mains d'un seul homme. Comment sans jugement qui l'y autorise, il a, à lui seul, le droit de faire saisir et séquestrer un ouvrage en le déférant seulement aux tribunaux !

A cet égard, je demande ce que c'est que déférer uu ouvrage aux tribunanx. Est-ce que les tribunaux jugent les ouvrages? Je vois bien qu'un àuteur peut être accusé devant les tribunaux pour avoir publié un ouvrage séditieux, ou contraire aux bonnes mœurs; mais à quoi aboutira la dénonciation de l'ouvrage ? Que feront les tribunaux de cette dénonciation? Qui poursuivra le jugement? Dans quelle forme sera-t-il rendu? Sera-ce par jurés? La loi est

muette sur tous ces points. Il est donc bien clair que le seul but de cet article à été de donner au directeurgénéral le droit d'arrêter sur-le-champ la distribution de tonte espèce d'ouvrages, même de ceux qui, d'après le titre premier du projet de loi, sont exempts de la censure préalable; et qu'ainsi ce n'est également qu'un droit de censure déguisé sous une autre forme.

Mais ce qu'il y a dé plus fort, c'est que tout ce systême doit durer à perpétuité; puisque, comme nous l'avons déjà dit, ce n'est que du titre premier que les dispositions cesseront d'avoir leur effet à lá fin de la cession de 1816.

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Cette distinction, si bien précisée, a certainement eu une intention; mais assurément elle n'a point été débattue dans la chambre des députés. Personne n'y a fait attention, parce que l'amendement n'a été proposée que verbalement, et qu'il a passé tout de suite en même temps que la loi ; et voilà le résultat de la violation de l'article 46 de la charte constitutionnelle, qui veut qu'aucun amendement ne puissë être fait à une loi, s'il n'a été consenti par le Roi, et s'il n'a été renvoyé et discuté dans les bureaux.

L'opinant ayant ainsi fait sentir lès vices du projet de loi, examine quel est le parti qu'il convient de prendre. Faut-il déclarer qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de loi, sur le fondement que l'adoption de la chambre des députés est inconstitution. nelle? L'opinant ne le pense pas, attendu, dit-il, que la chambre n'a pas une preuve authentique et irrécusable que les amendemens n'ont pas été rèn

voyés dans les bureaux avant que d'être adoptés. Faut-il rejeter le projet purement et simplement? Co serait peut-être le parti le plus sage ; cependant comme le rejet aurait nécessairement pour effet de déconsidérer les ministres ; que la malveillance ne manquerait pas d'en profiter pour faire entendre qu'il s'est formé dans la chambre des pairs un parti opposé au Gouvernement; et qu'il s'agit d'ailleurs ici du premier projet présenté par le Roi, l'opinant est persuadé qu'il vaut mieux faire au projet de loi tous les amendemens reconnus nécessaires.

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M. le duc de Feltre, qu'on dit jacobite et fils de jacobite, n'a point abandonné les bons principes ; il a défendu le projet de loi avec beaucoup de chaleur. Il a pensé que ce projet n'était pas inconstitutionnel; que la liberté de la presse ne pouvait pas exister dans le siècle de fer où nous vivons sans le secours de la censure préalable et arbitraire des agens du Gouvernement; qu'il était à craindre qu'un serpent ne fût caché sous les fleurs; que nous devions mettre toute notre attention, employer toute notre vigi lence pour en éviter la morsure (1); qu'elle pouvait être mortelle. En votant pour l'adoption pure et simple du projet de loi, l'opinant a terminé son discours par cette phrase remarquable: Qui veut le Roi si veut la loi.

(1) Ah! sans doute, nous devons éviter la morsure des reptiles; mais c'est pour cela même que nous ne voulons pas marcher dans les ténèbres.

A ces mots, un membre de la chambre n'a pu contenir sa juste indignation: il a déclaré hautement si dans l'assemblée il se trouvait des mem que bres capables de professer publiquement une pareille doctrine, ils ne méritaleut pas d'être entendus. Cette sortie a excité quelques légers murmures. La proposition qui y a donné lieu, était assurément fort blâmable; mais méritait-elle d'être relevée, et ne devait-on pas penser qu'au moment où M. le duc l'a prononcée, il se croyait, par distraction, sujet du roi Jacques, ou ministre de Buonaparte ?

M. le duc de la Force ne s'est pas montré défenseur moins ardent de la censure arbitraire que M. le duc de Feltre pour lui liberté et licence sont deux mots parfaitement synonymes. Sans vouloir détailler, dit-il, les innombrables inconvéniens de cette licence appelée liberté, je tracerai le plus rapidement possible, quelques-un de ses plus graves inconvéniens. Le libelle, par exemple, cette arme des lâches, qui, semblable au poignard, frappe sans que l'on sache d'où part le coup mortel, n'est-il pas le fléau le plus dangereux que l'on puisse lancer dans la société ? Envain m'objectera-t-on que les tribunaux s'occuperont d'en rechercher les auteurs s'ils les découvrent, qu'en résultera-t-il ? d'odieux débats quelquefois plus fâcheux pour la victime de la calomnie que la calomnie même (1).

(1) On voit que M. le duc n'est pas très-familier avec notre législation. Il paraît ignorer que tout écrit qui no

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L'opinant termine ses courtes observations, en conjurant les membres de la chambre de vouloir bien se pénétrer des augustes fonctions qu'elle a à remplir, et il vote l'adoption pure et simple du projet de loi.

M. le comte Cornet demande plusieurs amendemens considérables ; et il déclare que si ces amendemens ne sont pas consentis, il votera pour le rejet du projet de loi. Il s'élève d'abord contre le préambule de la loi, qui tend à faire consacrer en principe qu'une censure préalable et arbitraire peut se concilier avec les dispositions de la charte. Il attaque ensuite les articles 6, 7 et 8 du projet de loi.

L'article 6, dit-il, crée un tribunal de trois pairs, de trois députés et de trois commissaires de Sa Majesté, pour prononcer en dernier ressort; sur quoi? sur des sursis: et quand ? sur ceux ordonnés depuis l'ouverture d'une session jusqu'à l'ouverture d'une autre; c'est-à-dire, lorsqu'il n'y aura plus de grief à redresser ; lorsque la prohibition ministérielle aura été consommée; lorsqu'enfin ce tribunal imposant, on peut le craindre, ne sera plus qu'un objet de dé

porte, ni nom d'auteur, ni nom d'imprimeur est par cela seul punissable et doit être saissi; que d'ailleurs les écrits de ce genre ne peuvent être arrêtés par la censure 2 puisqu'on ne les y soumet pas. Quant aux débats auxquels la calomnie peut donner lieu, il est impossible qu'ils soient scandaleux, puisque les faits sont réputés faux s'ils ne sont pas prouvés par un acte authentique.

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