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melle de l'article 46. C'est en conséquence de ces deux inconstitutionnalités si palpables, que je demande la question préalable sur le projet de loi comme sur un acte nul par inconstitutionalité, lequel acte ne saurait conserver encore le nom de projet de loi, et ne peut être conséquemment l'objet de vos délibé

rations.

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Un membre (M. le comte Abrial) prend la parole pour développer une opinion contraire à celle du préopinant. Il pense que le projet de loi doit être adopté; et pour arriver à cette conclusion, il s'attache à prouver trois choses, 1°, que le projet tel qu'il est soumis à la chambre des pairs ne présente plus la censure que comme une mesure de prudence, comme une loi de circonstance qui tend à modifier temporairement, et non à détruire pour toujours la liberté de la presse; 2°, que la constitution permet de faire cette loi temporaire, si les circonstances le comman, dent; 3°. que les circonstances exigent en effet que la liberté de la presse reçoive momentanément quelques restrictions,

"

L'orateur ne prouve nullement la première pro. position; il ne prouve pas mieux la seconde, que du reste on n'a presque pas contestée; et il ne cite aucun fait à l'appui de la dernière,

Séance du 30. MM. les pairs se réunissent à une heure; ils entendent la lecture du procès-verbal ; et la discussion du projet de loi, sur la liberté de la presse, continue,

M. le duc de Lévis énonce son opinion en peu de mots; il propose de substituer un nouveau préambule à celui qui se trouve en tête du projet-; du reste il ne voit rien dans la loi proposée qui puisse exciter ses alarmes, et il n'en fait aucune critique.

M. le duc de Praslin ne partage point les sentimens de M. de Lévis : il démontre que la loi est évidemment inconstitutionnelle dans la plupart de ses dispositions, et dans la forme sous laquelle la chambre des députés l'a adoptée; il examine ensuite si la chambre doit suspendre l'exercice de la liberté de la presse.

Si ce projet est contraire à la constitution', dit-il, devez-vous, pouvez-vous ainsi suspendre la constitution, et voter un projet qui la renverserait ?

Non, sans doute, vous n'irez pas donner un si fatal exemple, vous n'irez pas ébranler et détruire la confiance publique, mettre en doute toutes les garanties données si généreusement par le Gouvernement paternel sous lequel nous avons le bonheur de vivre.

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Eh quoi! les partisans de la censure accusent la liberté de la presse d'avoir, par des écrits incendiaires, anéanti, détruit la constitution à peine publiée, et pour obvier à un pareil inconvénient, ils vous proposent de la suspendre!

Qui peut motiver une pareille infraction à cette charte révérée? La crainte chimérique des factions des partis à peine comprimés, et qu'on vous présente comme prêts à embraser la France des fureurs dé l'anarchie?

Je ne vois, je ne connais qu'un parti, de celui du Roi, de Louis le désiré ; je vois tous les Français entourant son trône et prêts à le défendre au péril de leur vie, contre quiconque voudrait y porter at

teinte.

Les circonstances ne permettent pas encore, dit-on, 'de faire jouir la France de la liberté de la presse; sontelles changées depuis le 4 juin, depuis que Sa Majesté vint nous garantir le bienfait de cette liberté.

Quel moment fut au contraire plus favorable pour fairel'essai de cette liberté, tous les cœurs, tous les esprits n'ayant qu'un même but, celui de seconder les vues paternelles et bienfaisantes d'un Gouvernement qu'ils savent apprécier? On vous parle de fermentations; les agitateurs ne sont pas tranquilles ; ils travailleront dans l'ombre, dit-on, tant qu'on discutera la liberté de la presse; mais si le projet est rejeté, un effroyable débordement de libelles prêcheront l'anarchie. Malheur à l'homme de bien, aux ministres

Je ne sais pourquoi ces agitateurs auraient attendu şi long-temps; et, lorsque la carrière était libre, pour< quoi ils n'auraient pas publié ces écrits redoutables? Il me semble au contraire qu'ils n'auraient pas dû attendre que le Gouvernement s'affermissant, devînt de plus en plus inattaquable. Eh quoi! les ministres, les honnêtes gens pourraient courir tant de dangers s'ils se trouvaient attaqués par quelques insensés ? Les Français sont-ils donc un peuple de brigands, au milieu desquels l'honneur, la probité coient exposés

à tant de périls? On outrage sans cesse cette Nation brave et généseuse : ne sont-ils pas Français ceux qui la calomnient ainsi ?

Ce sont ces Français, dont on veut vous faire soupçonner l'amour pour leur Souverain leur Souverain, ces Français qu'on voit accourir de tous les points de la France pour déposer aux pieds du trône leur amour, leur respect et leur dévouement.

prouve

été

Après avoir ainsi établi que les circonstances n'exigent pas que la liberté de la presse soit suspendue, M. le duc de Praslin examine si cette liberté a été la cause des désordres de la révolution ; et il que c'est au contraire parce que la presse n'a pas libre, que tous ces désordres sont arrivés. Il passe ensuite aux abus qu'on peut en faire pour calomnier les citoyens ; et il établit que la calomnie n'est réellement dangereuse que lorsqu'on a perdu la lìberté de se défendre ; c'est-à-dire, lorsque la presse n'est libre que pour les ministres et leurs agens.

La calomnie la plus funeste, dit-il, serait celle qui se propagerait à l'aide des journaux privilégiés, ou des écrits autorisés par l'approbation d'un censeur. Comment détruire alors une calomnie lancée par le Gouvernement, ou du moins approuvée par lui? Le mépris eût vengé l'honnête homme en bute aux invectives d'un journaliste; mais comment pourrait-il combattre ce qui a été sanctionné par le

Gouvernement?

On vous propose, continue-t-il, d'ajourner la liberté de la presse ; mais quand fut-elle pius utile ?

C'est au moment où toute notre législation doit, pour ainsi dire, être refaite. Quand aurez-vous plus besoin d'être éclairés par l'opinion publique, par les écrits qui vous indiqueront les inconvéniens locaux, le danger que peut avoir la loi proposée ! N'oubliez pas, messieurs, qu'il ne suffit pas qu'une loi soit bonne, il faut pour qu'elle soit exécutée qu'elle soit conforme au vœu général, et ce vœu ne peut être connu que par la communication avec le public.

En vain assurerait-on que ces sortes d'écrits ne se raient jamais atteints par la censure; sans doute les ministres éclairés, qui remplissent aujourd'hui les divers ministères, seraient loin de s'opposer à leur publication: mais le censeur, pour faire sa cour au ministre qui aurait proposé une loi, arrêtera l'écrit qui critiquerait peut-être avec raison ce projet de loi, ou en retardera du moins la publication, jusqu'au moment où elle sera acceptée. Les deux chambres, et surtout celle des pairs, ne connaissant ne connaissant pas les inconvéniens locaux, seront exposées continuellement à confectionner de mauvaises lois. Ces écrits, destinés à éclairer les législateurs avant qu'elles soient faites, deviennent, après la publication, une désapprobation dangereuse.

M. le duc de Praslin développe ici tous les dangers de la censure et les avantages de la liberté de la presse. 11 observe que le Gouvernement ne peut avoir de la force que par l'opinion; et que sans la liberté d'écrire et de publier ses pensées, l'opinion ne peut jamais soutenir le Gouvernement: que la censure

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