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perfectionnée, nous supplions Sa Majesté d'agréer des amendemens.

Se conformant à cette marche, l'opinant prouve d'abord que le projet de loi est contraire à la constitution; que le mot réprimer, dans le sens que lui attribue la charte, est synonyme de punir ; qu'ainsi il ne peut plus être question que de l'obligation imposée aux écrivains de se faire connaître, et de donner des cautionnemens pour que pour que la loi puisse les trouver, les atteindre, et les punir s'ils ont abusé du droit que leur a, non donné, mais garanti la charte contitutionnelle.

L'opinant fait remarquer plusieurs autres dispositions inconstitutionnelles qui se trouvent dans le pro. jet de loi, notainment celle qui convertit les membres de la chambre des pairs et de la chambre des députés en examinateurs des griefs de tous les auteurs appelans. Il observe que c'est le défaut d'harmonie entre les lois fondamentales de l'Etat et les lois secondaires destinées à régler l'exercice des droits des citoyens, qui a amené la chute de la monarchie, et par suite tous les désordres révolutionnaires.

A qui de nous, dit-il, d'après tout ce que nous voyons depuis trente années, n'est-il pas resté la conviction intime que de bonnes institutions, et surtout un respect scrupuleux pour elles, sont le vrai, le seul moyen d'empêcher les agitations politiques, et d'assurer le repos des citoyens, le bonheur du Roiet la prospérité de l'Etat? et ne penserez-vous pás que quand un grand exemple nous est donné de l'application des princi

pes à la pratique par une Nation voisine, nous de vons essayer de faire, comme elle fait elle-même notre orgueil national, à obtenir les mêmes résultats pour la prospérité publique ?

L'opinant entre ici dans des détails sur le Gouvernement d'Angleterre, et il réfute les observations du ministre de l'intérieur à cet égard. Il prouve ensuite que la loi n'est pas nécessaire, que l'opinion publique la repousse; en conséquence il vote pour le rejet.

M. le duc de la Rochefoucault pense que le projet de loi doit au contraire être adopté il reconnaît que l'article 8 de la charte constitutionnelle établit la liberté de la presse, et que la censure préalable est destructive de cette liberté. Ainsi il réduit la difficulté à deux questions; la première est de savoir si l'on peut suspendre momentanément un droit constitutionnel dans des circonstances où l'exercice de се droit serait dangereux; la seconde, si les circonstances sont telles qu'on ait besoin de la loi proposée. Sur la première question, il se prononce par l'affirmative, en observant que cette suspension ne peut être dangereuse, la puissance législative ayant seule le droit de l'accorder.

Sur la seconde question l'opinant ne s'exprime pas avec moins de franchise que sur la première. Je ne laisserai à ce sujet, dit-il, aucun doute sur mon opinion : j'ai toujours pensé qu'en matières politiques, la liberté de la presse réprime elle-même ses propres abus, mieux qu'on ne pourrait le faire par tout autre moyen. C'est en laissant un libre cours à

unes par

toutes les opinions politiques qu'on les combat les les autres; il me semble d'ailleurs que les écrits qui restent vainqueurs dans cette lutte, et qui en même temps n'ont rien à démèler avec les lois pénales, ne peuvent être des ouvrages sans mérite. Cependant, toute discussion relative au point de savoir s'il faut ou non une loi suspensive, nie paraît inutile d'après les deux considérations suivantes : l'une, que si la suspension de la liberté de la presse n'est pas évidemment nécessaire, elle ne doit nous donner du moins aucune inquiétude.... L'autre c'est que, dans toute question de circonstance de fait, où il s'agit de savoir de quelle nature est le danger, bien si le Gouvernement a besoin d'avoir tel moyen d'action, de répression ou d'influence, il est de la prudence de s'en rapporter au jugement du pouvoir exécutif.

ou

En développant la première de ces deux considérations, l'opinant fait sentir combien il importe au Gouvernement de ne pas abuser de la loi sur la censure; les ministres, dit-il, qui dirigeront l'action de cette loi suspensive, ne connaissent-ils pas l'opinion publique? peuvent ils ignorer que la Nation française, malgré la légèreté qui lui est reprochée, tient essentiellement au maintient de la charte constitutionnelle? qu'elle en redonte la violation avec une méfiance inquiète ? que vingt ans de désordres, de malheurs, d'anarchie, de despotisme, semblent l'attacher davantage à une constitution libre et régulière.

L'opinant qui trouve dans la libéralité du Roi et dans le caractere personnel de ses ministres des garanties assez fortes pour calmer toutes les inquiétudes, ne pense pas que le projet de loi soit exempt de vices; le préambule lui paraît contraire au texte de la charte et aux dispositions même du projet; les articles qui créent une commission formée de pairs, de députés et de commissaires du Roi, lui paraissent également vicieux; cependant il vote pour l'adoption, sauf le changement ou le retranchement du préambule.

M. le comte Lanjuinais, en votant contre le projet de loi, s'est spécialement attaché à démontrer combien peu sont fondées les alarmes de ceux qui réclament une censure arbitraire pour prévenir les malheurs d'une prétendue liberté illimitée de lạ presse, qui n'existe nulle part, et qui ne saurait

même exister.

Fixons-nous d'abord, dit-il, aux alarmes qu'on a semées. Elles ont pour base une prétendue existence actuelle de la liberté illimitée de la presse, vain fantôme qui n'est que dans l'imagination de ceux qui le poursuivent.

Lisez les premiers motifs du projet ;. lisez les seconds motifs présentés à la chambre des pairs, Vous croiriez que le ministre n'en veut qu'à la liberté illimitée. C'est elle qu'il accuse; ce sont ses dangers contre lesquels il implore votre sagesse ; il est inquiet pour la sûreté publique, menacée par la licence; ce qu'i entend prévenir ce sont les dangers brusques et inatten

dus; et pour cela il demande la censure. Vous le voyez le ministre joue sur les mots licence et liberté illimitée je dois les expliquer.

:

Ils peuvent signifier impunité légale des délits qui naissent de l'abus de la presse. Il peut y avoir eu des fous qui aient poussé l'excès jusqu'à vouloir cette impunité. Mais notre Code pénal, si détaillé, si prévoyant sur ces sortes de délits, me dispenserait tout seul de vous occuper d'un si absurde systême. Liberté illimitée de la presse peut encore signifier qu'il n'y a point de délit punissable en ce genre, s'il n'a été consommé par une publication effectuée d'un écrit licencieux.

Voilà en général quelle est en Angleterre la liberté de la presse, quelle est la liberté réclamée par les publicistes, celle qui pourrait un jour devenir la nôtre, hors un très-petit nombre des cas faciles à déterminer.

Assurément, personne en France ne peut, dans l'actuel état de notre législation, prétendre à cette liberté désirable. Tout délit résultant de la presse dès qu'il y a exécution commencée, doit être arrêté par la police et puni par la justice, comme tout autre délit pour lequel il y a eu commencément d'exécution. Il n'y a d'exception sur ce point en faveur d'aucun délit de la presse.

Voulez-vous qu'une liberté restreinte avec une telle précaution, une liberté qui ne souffre impuni aucun délit de la presse, quand il y a eu impression commencée ; voulez-vous, malgré le bon sens, e; l'appeler encore licence, liberté illimitée ? Eh bien !

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