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bles, à plus forte raison encore avec des étrangers; je dis que cette commission choque sous mille faces différentes et l'esprit et les termes de la constitution.

Mais si les trois violations que j'ai notées ne peuvent se pallier, que restera-t-il de la loi? Je vois avec peine qu'elle est à refaire.

Je finis par cette réflexion : les véritables amis du Roi ne sont pas ceux qui veulent risquer son autorité au-delà des limites que la constitution lui a fixées mais bien ceux qui cherchent à l'y retenir, et à consolider ainsi le bonheur et la perpétuité de son gou vernement, par l'amour de son peuple. Je vote pour le rejet du projet.

M. le duc d'Oudeauville se prononce en faveur du projet de loi. Il avoue que si la liberté de la presse a de grands inconvéniens, elle a aussi de grands avantages; tâchons, dit-il, d'éviter les premiers, et de profiter des seconds. Les Français sont disposés, par la vivacité de leur imagination, à donner dans les extrêmes, et à passer rapidement d'un excès à l'autre; tenons nous en garde contre cette propension inquiétante, et tachons de conserver une mesure utile et sage (1).

(1) Les ministres et leurs agens qui, suivant le projet, doivent jouir exclusivement de la liberté de la presse, seront sans doute des Français; ils seront donc toujours disposés à donner dans les extrêmes, et à passer rapidement d'un excès à l'autre ; mais s'ils doivent donner dans les extrêmes, s'ils doivent passer facilement d'un excès à l'au

au reste,

L'opinant ne pense pas, que la censure préalable et arbitraire soit contraire à la liberté de la presse; car, suivant lui, réprimer est synonyme de prévenir. D'ailleurs, que la censure soit où non contraire à la constitution, c'est ce qui est fort indifférent; l'essentiel est de savoir si elle est nécessaire ; cette nécessité ne saurait être douteuse.

Plus les pensées ont été comprimées, ajoute-t-il, plus la faculté de les publier a été enchaînée, plus on se livrerait avec impétuosité au désir, à la possi bilité de les faire connaître; ce serait un torrent long-temps retenu auquel on ouvrirait soudain une imprudente issue; il porterait partout la dévastation au lieu d'y porter la prospérité.

Ces terreurs sont faciles à concevoir; il est clair que pour les hommes qui parlent à vide, rien n'est plus effrayant que de se voir menacés d'un torrent de pensées; cependant, si MM. les défenseurs de la censure préalable et arbitraire veulent absolument nous préserver de ces torrens dévastateurs, que ne prennent-ils aussi quelques précautions pour nous garantir des déluges de paroles?

tre lorsqu'ils exerceront la censure, ou lorsqu'ils useront de la liberté da la presse, quelle ressource nous restera-til pour les arrêter? La commission des pairs, des députés et des commissaires du Roi? mais ces hommes seront encore des Français, et ils passeront d'un excès à l'autre, et ils donneront dans les extrêmes!

L'opinant ne craint pas seulement les pensées ; il est effrayé de l'ombre d'une réaction. Quelle autorité, dit-il, pourrait résister à son choc? Quels personnages pourraient soutenir ses attaques? Elles ne seraient pas toujours directes; mais, pour être dé, guisées, elles n'en seraient pas moins puissantes.

La liberté de la presse, espèce de tocsin à l'aide duquel se rallient, se rassemblent, s'unissent tous les hommes agitateurs ou agités, mus par de grands intérêts ou de grandes passions, a renversé en France quatre ou cinq gouvernemens, depuis 1788 jusqu'en 1800, (1)

Elle menacerait plus ou moins notre tranquillité, tant que cette tranquillité n'aurait pas eu le temps de s'affermir sur des bases solides; c'est une nourriture très-forte qui peut faire beaucoup de bien à un homme en santé, mais qui ferait beaucoup de mal à un homme en maladie, et même en convalescence.

L'opinant entre dans plusieurs autres considérations qui ne reposent que sur des allégations dénuées de preuves; et il vote pour l'adoption du projet,

M. le comte Boissy-d'Anglas entre d'abord en matière, en déclarant qu'il ne discutera point les

(1) Si la liberté de la presse peut produire des troubles sous un Gouvernement qui s'obstine à faire le mal, l'esclavage de la presse engendre nécessairement le despotisme; or, dix années de despotisme telles que celles que nous venons de passer, sont plus fatales à l'espèce humaine que dix siècles de troubles et de dissensions.

droits sur lesquels repose l'exercice de la liberté de la presse. Toute discussion à cet égard, dit-il, devient inutile, et doit même nous être interdite : la question n'est plus entière, elle est décidée ; la constitution a prononcé, nous avons tous juré de lui être fidèles; il ne s'agit donc plus pour nous que d'obéir.

L'opinant observe ensuite que la censure arbitraire, que le projet de loi est destiné à établir, anéantit entièrement la liberté de la presse; que quel que soit le sens des mots réprimer et prévenir, on ne peut pas faire une loi qui anéantisse un droit consacré par la charte; qu'on peut bien faire des lois pour réprimer et même pour prévenir les abus, mais qu'il n'est pas permis d'en faire qui détruisent l'usago.

et vous n'en

Non, Messieurs, ajouta-t-il, malgré vos hautes pérogatives, malgré votre éminente dignité, la constitution ne vous appartient pas, êtes que les sujets: elle appartient à la France entière, dont elle unit ensemble tous les habitans, et non aux seuls pouvoirs qu'elle institue. Que dis-je ? sa violation entraînerait l'abrogation de toute votre autorité et si jamais elle était détruite, vous cesseriez à ce moment même d'être les premiers magistrats de la France: au lieu d'être les pairs du royaume, associés à ce glorieux titre, à la puissance législative, vous ne seriez plus que de simples citoyens, sans caractère et sans fonctions publiques.

Aujourd'hui l'on vous propose de violer l'art. 8 de la charte, et d'abroger, ou, si l'on veut, de sus

per

pendre l'exercice de la liberté de la presse. Si vous y consentez, que répondrez-vous à ceux qui viendront vous proposer de suspendre aussi la procédure par jurés, sous prétexte qu'elle laisse échapper les coupables, puis de rétablir la conscription comme plus commode au recrutement de l'armée, puis de sanctionner des mesures contraires à la liberté individuelle, puis d'autoriser le ministre des finances à cevoir tel ou tel impôt, qu'on n'aura pas eu le temps de décréter, puis de mettre telle ou telle province hors du régime de la constitution, et de la gouverner militairement?..... Messieurs, quand on per met des actes arbitraires, on ne sait plus où l'on pourra s'arrêter ; et il n'y a point de Gouvernement si solidement établi, que l'habitude de l'arbitraire ne le place dans le chemin de sa perte. Vous devez au nôtre comme à vous de le préserver de ce danger. La facilité que donne aux gouvernemens la concession d'une censure dictatoriale, ne balance pas le tort que leur fait la violation d'un seul des articles de la charte qui les garantit, et qui fonde leur autorité sur la force et l'intérêt de leurs peuples; plus les circonstances sont difficiles, plus ils ont besoin de l'appui des. lois fondamentales de leur puissance; et ce n'est pas à leurs sujets que la protection des lois est le plus nécessaire.

Ici, l'orateur après avoir observé que ce n'est pas impunément qu'on se joue des lois constitutionnelles d'un état, qu'elles doivent être irrefragables et sacrées, et que leur empire ne peut s'affaiblir saus

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