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saires du Roi, me semble généralement condamnée. L'article 22 est mal rédigé. Je ne conçois pas des dispositions qui sortiront leur effet lorsqu'une loi les aura modifiées. La modification les dénature, les anéantit; elles n'existent plus puisqu'elles existent sous une forme nouvelle. Le langage des lois ne saurait être trop clair et trop précis.

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On ne m'accusera pas, je pense, d'avoir dissimulé les inconvéniens du projet ; et néanmoins, Messieurs, malgré le désir que j'avais de les voir disparaître et de proposer des amendemens, j'aime mieux y renoncer que de retarder l'adoption d'un projet dont le besoin se fait vivement sentir (1).

M. le comte de Malleville se déclare franchement pour la liberté de la presse; il observe que si la loi proposée avait eu pour objet de suspendre momentanément l'exercice de cette liberté, chacun se serait sans doute empressé de donner au Gouvernement cette marque de déférence, d'accueillir son projet pour dissiper ses craintes; mais que ce n'est pas ainsi que la loi a été présentée; que le ministre a voulu la faire considérer comme un complément de la charte constitutionnelle, et concilier la liberté de la presse avec une censure préalable et arbitraire qui l'anéantit.

(1) Quoi! tout le monde écrit avec modération, tout paraît calme, et le besoin d'une censure préalable et arbitraire se fait vivement sentir !

On doit donc facilement juger quels ont été l'é-' tonnement et la rumeur, lorsque, par l'interprétation que les orateurs dont je viens de parler ont voulu donner à l'article 8 de la charte, on a vu qu'après tant d'espérances et de promesses, ce ne serait qu'une liberté de la presse à la manière de Bonaparte, que la nation se trouvait avoir reçue. L'absurdité seule de cette supposition suffirait pour faire rejeter bien loin cet étrange système.

Il faut rendre cette justice à S. Exc. le ministre de l'intérieur, que, convaincu par la discussion que l'interprétation donnée à l'article 8 ne pouvait se soutenir, il n'a plus présenté le projet comme loi principale et définitive, mais seulement comme transitoire, jusqu'à ce que les circonstances permissent de mettre en pleine activité la liberté constitutionnelle de la presse...

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Je dois cependant relever une erreur qui a pu échapper à quelqu'un dont les études profondes sur tant d'autres objets ne lui ont pas permis de s'occuper des principes qui servent à l'interprétation des lois : il a dit que le monarque ayant donné la charte, à lui seul appartenait le droit de l'interpréter.

Je n'agiterai point ici la question de savoir si, à l'époque de la restauration surtout, la nation ou ses représentans ne devaient pas intervenir dans la charte même; il est sur, les premiers principes de la fondation des sociétés, des points délicats sur lesquels les amis de l'ordre et de la paix sont convenus de jeter un voile officieux; mais je dis hautement quer:

la constitution donnée par le prince, et acceptée par les représentans de la nation, ce n'est plus au prince seul, mais aux trois branches réunies du corps législatif qu'il appartient de l'interpréter, sans quoi il dépendrait du prince de la détruire.

Je dirai même quelque chose de plus ; c'est que ce serait contre lui, et en restriction de son pouvoir, plutôt qu'en sa faveur et en augmentation de ce même pouvoir que l'interprétation devrait se faire, parce qu'il a dépendu de lui de se mieux expliquer, et d'éviter d'induire en erreur.

Après cette courte digression, l'orateur passe à l'examen des dispositions particulières du projet de loi, et fait sentir que la discordance qu'on y remarque serait une raison suffisante pour le faire rejeter. Dans une matière aussi grave, dit-il, et après des débats aussi prolongés sur le sens de la charte, il ne faut pas laisser de doute sur le principe. Il faut avouer franchement le droit des Français à publier et faire imprimer leurs opinions sans les assujétir à une censure préalable, et sauf à eux de répondre des abus.

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Il faudrait en conséquence supprimer l'article 22 du projet, et le remplacer par un article premier qui, suivant l'ordre naturel des idées, poserait d'abord le principe, et établirait ensuite les exceptions de cette manière ou de toute autre équivalente :

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La liberté constitutionnelle de la presse sera » suspendue pendant deux ans ; jusqu'à l'expiration » de ce terme, elle sera modifiée par les dispositions

» suivantes. >>>

Mais cette correction n'est pas la seule que la constitution réclame, l'article 46, rangé sous la catégorie de la chambre des députés, veut qu'aucun ainendement ne puisse être fait à une loi, s'il n'a été proposé ou consenti par le Roi, le Roi, et s'il n'a été renvoyé

et discuté dans les bureaux.

Or, dans le projet qui vous est présenté, il y a trois amendemens faits au premier projet proposé à la chambre des députés, qui n'ont été ni proposés, ni consentis par le Roi, ni renvoyés et discutés dans les bureaux.

Le premier, est celui qui réduit à vingt feuilles d'impression les ouvrages dispensés de la censure, au lieu de trente que portait le premier projet.

Le deuxième, est celui qui délivre aussi de la censure les opinions des membres des deux chambres qui n'en étaient pas exemptées par le premier projet.

Le troisième est celui qui a remplacé l'article 22 du projet par un autre absolument différent, et pour le temps de la durée de la loi, et pour le genre de la

loi mêine.

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Cette violation de la constitution est absolument inexcusable, parce qu'elle a été faite en connaissance de cause, et malgré la réclamation de membres qui demandaient l'exécution de l'article 46, dont ils ont donné lecture à l'assemblée.

Il est d'autant plus urgent de faire justice de ce mépris de la constitution, que c'est dans les premiers temps surtout qu'il faut être sévère sur son exécution,

sans quoi, sous un prétexte ou sous un autre, il n'en resterait bientôt plus rien.

Une troisième inconstitutionnalité se trouve dans les articles 6 et 7 du projet de loi, qui veulent qu'au commencement de chaque session il soit formé une commission composée de trois pairs, de trois députés, et de trois commissaires du Roi, pour prononcer sur les sursis que le directeur général de lá librairie aura ordonnés depuis l'ouverture d'une session jusqu'à la suivante.

Je ne parle pas de l'injustice qu'il y aurait à suspendre ainsi pendant une année entière la réparation des torts faits à un auteur, et des pertes causécs à un libraire; je ne parle pas encore du tort plus grave qu'on pourrait faire à la Nation et au Gouvernement, en cachant pendant si long-temps sous le boisseau la lumière qui aurait pu éclairer sur un abus présent, et devenu depuis irréparable; je ne Parle pas non plus de l'inconvenance de ce mélange de pairs, de députés, et de commissaires du Roi.

Je dis que, par la constitution, le pouvoir exécutif et administratif est donné au Roi exclusivement et sans partage; que le pouvoir judiciaire est de même exclusivement délégué aux juges, sauf les cas taxatifs des crimes dont la connaissance est attribuée à la chambre des pairs; mais que hors de-là toute commission donnée pour prononcer administrativement ou judiciairement, soit aux pairs, soit aux députés, à plus forte raison à tous les deux ensemble, puisque leurs fonctions sont respectivement incommunica

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