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tration. MM. du Veyrier et Chignard ont été chargés de la police; MM. Gibert, Boucher et Legrand de Saint-René, des subsistances. Le premier soin de ce dernier bureau a été d'ordonner une visite chez les boulangers, pour connaître et la quantité de leurs farines et celle de leur consommation journalière; il a envoyé des électeurs à la Halle pour y constater la quantité de grains et farines, et en surveiller la distribution; il a résulté de ces recherches la fàcheuse assurance qu'il n'y avait dans Paris que de quoi nourrir pendant trois jours ses habitans. On a demandé des renseignemens à M. de Montaran, qui s'est rendu sur-le-champ au bureau des subsistances. M. Santerre, électeur (1), s'est présenté au comité permanent, et a dit qu'il avait été nommé la veille commandant-général du faubourg Saint-Antoine. Il a exposé les services qu'il avait rendus à la chose publique, et a demandé que cette nomination fût confirmée. M. de La Barthe s'est également présenté, et a dit qu'il s'était formé au Palais-Royal une troupe de jeunes gens de bonne volonté, sous le nom de Volontaires du Palais-Royal, au nombre de quinze cents; qu'ils l'avaient nommé leur capitaine; le comité a confirmé ces deux nominations, mais avec la condition expresse qu'ils seraient sous les

(1). Celui qui a joué un si grand rôle en 1792 et 1793, comme commandant de la garde nationale de Paris.

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ordres de M. de La Salle, commandant-général. L'assemblée des électeurs s'étant formée sur les huit heures du matin, M. Moreau de Saint-Merry a lu une lettre par laquelle M. de Crosne, lieutenant de police, faisait part à l'Assemblée de la démission qu'il avait adressée au roi de sa place et de ses fonctions. Ainsi, l'administration de la police, comme le soin de l'approvisionnement, se trouvèrent dans les mains des électeurs; et ces administrateurs nouveaux furent plus étonnés que surchargés du fardeau qui leur était imposé. M. de Crosne offrait ses lumières et ses services pour les subsistances. Deux électeurs furent chargés d'aller le remercier, accepter ses offres, et lui porter, dans un arrêté, les sentimens d'estime de la ville de Paris. L'Assemblée a ordonné que le paiement des rentes serait repris comme à l'ordinaire; elle a aussi ordonné, et très-sévèrement, que le paiement des droits d'entrée serait rétabli, et que la milice parisienne veillerait à la perception et à la sûreté des deniers. Elle a fait acheter tous les fusils que l'on pourrait trouver, afin d'arracher, par l'appât de ce profit, les armes d'une infinité de gens sans aveu qui s'en étaient emparés. Non-seulement on avait nommé des commissaires pour examiner les lettres de la poste, amassées à l'Hôtel-de-Ville, mais on y amenait sans cesse tous les courriers arrêtés et saisis aux barrières. Il était indispensable de rétablir la circulation; et, sur la demande de M. d'Ogny, elle a envoyé des commissaires, chargés de veiller au

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départ, à l'arrivée des courriers, et à la distribution des paquets. Défenses furent faites aux barrières de les y arrêter désormais. On invita les districts à envoyer chacun deux députés à la Ville tant pour la correspondance avec eux, que pour multiplier les lumières. Un objet important, c'est que les ouvriers avaient tous quitté leurs maîtres pour garder la ville. La ville était bien gardée, mais les ateliers étaient déserts, les boutiques fermées; il n'y avait plus de travail, et les généreux citoyens, devenus guerriers, manquaient de pain. Dans ces circonstances impérieuses, on osa prendre l'arrêté suivant : « Le comité, voulant pourvoir >> efficacement à la subsistance des malheureux >> habitans de la capitale, et à la paie des citoyens

employés au service de la patrie, qui sont hors » d'état d'y employer gratuitement leur temps, » invite MM. les présidens des assemblées d'ou>> vrir des souscriptions qui seront fixées à la » moitié d'une année de capitation. Chaque dis>>trict nommera ses trésoriers et ses receveurs >> particuliers, qui verseront ensuite dans les mains » de M. Camet de Bonardière, caissier de la ville, » que le comité a nommé trésorier-général. » On voit avec plaisir comment l'ordre se rétablissait peu à peu, après une si grande commotion et même avant qu'elle fût cessée.

Le bruit qu'il se faisait des préparatifs à SaintDenis, pour mettre le siége devant Paris, les lettres saisies des officiers qui y étaient cantonnés,

fondaient de justes alarmes. Un citoyen, M. Parimajon, électeur, s'est proposé pour aller les vérifier. Une grande agitation régnait toujours dans la capitale; la méfiance était partout, personne n'était à l'abri du soupçon. Les électeurs pensèrent à s'adresser encore à l'Assemblée nationale pour apporter remède à ce trouble et à ces justes terreurs. M. Moreau de Saint - Merry proposa, et on prit l'arrêté suivant :

« L'assemblée tenante à l'Hôtel-de-Ville a re>> cours à l'Assemblée nationale, comme la plus >> propre à exprimer à un grand roi les calamités >> dont la capitale de son royaume est accablée.

» La journée d'hier sera à jamais mémorable » par la prise d'une citadelle que la perfidie de >> son gouverneur a mise en un instant au pou>> voir du peuple, dont la bravoure s'est irritée » par une parole d'honneur trahie.

>> Cet acte, qui est la meilleure preuve qu'une >> nation qui sait le mieux obéir est avide de sa » juste liberté, a été suivi des traits que les mal

>> heurs publics avaient pu présager.

>> C'est aux représentans de cette même nation » à dire à ce roi que le ciel a destiné à être >> adoré de son peuple, que c'est par la douceur » qu'il doit régner, et qu'il est temps que cette >> belle nation cesse d'être traitée comme si elle » était coupable. >>

On a appris que le régiment de Vintimille s'était avancé jusqu'à la Chapelle; mais l'inquiétude ne se

calmait pas, les nouvelles alarmantes se succédaient avec rapidité, et la fureur du peuple, mêlée à l'effroi, était telle que l'assemblée se crut obligée de faire dépaver toutes les rues. Son président, M. Moreau de Saint-Merry, en signait l'ordre, lorsqu'un particulier, haletant, couvert de sueur et prêt à tomber en défaillance, est entré dans la salle, et a dit qu'il avait fait la course de Versailles à Paris en une heure et demie, et qu'il apportait la nouvelle la plus heureuse, celle de la séance du roi à l'Assemblée nationale. On juge de l'impression que fit cette nouvelle inattendue, et dans les dispositions où étaient tous les esprits; il raconta assez exactement tout ce qui s'était passé, mais on avait peine à le croire. On ne le crut même pas d'abord, et on l'examina pour découvrir s'il n'était pas de ces porteurs de nouvelles pour troubler et agiter les esprits par la crainte ou par l'espérance. On lui objecta que les passages étaient fermés. Il dit que, s'étant jeté dans un cabriolet de poste en sortant de l'Assemblée et du spectacle de bonheur dont il avait été témoin, il était venu à Sèvres où il avait été arrêté. Le passage lui a été obstinément refusé. Enfin, il a trouvé le moyen de traverser la rivière en batelet, et, toujours en courant, il est venu à pied depuis le bord de la rivière jusqu'à l'Hôtel-de-Ville. Ce particulier se nommait Charles-Joseph Piquet, négociant; et comme il remarqua lui-même les soupçons que sa nouvelle faisait naître, il demanda à rester en otage, et en

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