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EPITRE AU P. BOUGEANT.
Vivez; et si, chemin faisant,

Vous passez jusqu'au manoir sombre
Où gît Brumoi, loin des vivants,
En mon nom offrez à son ombre
Des fleurs, ces vers, et mon encens,

A

QUATORZE ANS,

COUPLETS.

QUATORZE ans qu'on est novice! Je me sens bien quelques desirs; Mais le moyen qu'on m'éclaircisse! Une fleur fait tous mes plaisirs ; La jouissance d'une rose

Peut rendre heureux tous mes moments.

Eh! comment aimer autre chose

A quatorze ans, à quatorze ans ?

Je mets plus d'art à ma coiffure : Je ne sais quoi vient m'inspirer. N'est-ce donc que pour la figure Qu'on aime tant à se parer? Toutes les nuits, quand je repose, Je rêve, mais à des rubans ;

Eh! comment rêver d'autre chose

A quatorze ans, à quatorze ans ?

Une rose venoit d'éclore;

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Je l'observois, sans y songer;
C'étoit au lever de l'aurore,
Le zéphyr vint la caresser:
C'est donc quand la fleur est éclose
Qu'on voit voltiger les amants!
Mais hélas! est-on quelque chose
A quatorze ans, à quatorze ans ?

A MM. LES DUCS

DE CHEVREUSE ET DE CHAULNES,

à l'armée de Flandre. 1747.

Cz dieu que la nature entiere

E

Rappeloit pour la rajeunir,

Ce printemps qui dans sa carriere
Devroit ne voir que le plaisir,

Vient donc de rouvrir la barriere
Des fureurs et du repentir

A l'extravagance guerriere!

Quand Vénus, Vertumne, Zéphyr,
La Volupté, que tout respire,
Et qui réveille l'univers,
Devroient n'offrir que les concerts
De la musette et de la lyre,
La trompette trouble les airs;
Et l'Amour s'alarme et soupire

En voyant sortir des enfers

Des cyprès, des lauriers, des fers,
La mort, la gloire, et le délire.
Ces masses de bronze et d'airain,

Où l'art sinistre de la guerre

Renferme les feux du tonnerre,
Déja sur leur affreux chemin
Écrasent dans le sein de Flore
Les myrtes, les roses, le thym,
Qu'un ciel plus doux faisoit éclore.
Déja le laboureur déplore

Ses sillons foulés et détruits.

Au lieu des plantes et des fruits
Dont elle alloit être parée,

La terre aride et déchirée

Se couvre d'un horrible amas
De tentes, d'armes, de soldats;
Et cette mere languissante
Gémit en voyant ses enfants
Étouffer la moisson naissante
Pour se creuser des monuments.
O vous qu'à regret j'envisage
Dans ces dangers et ces travaux,
Vous qui les cherchez en héros,
Et les voyez des yeux du sage,
Quand reverrai-je l'heureux temps
Où, la paix calmant les ravages,
Et laissant vivre les vivants,
Vous reviendrez sur nos rivages
Cueillir les fleurs de vingt printemps,
Et partager sous nos ombrages

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