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NOTES.

CETTE églogue nous rappelle la premiere. Le

pere

de Virgile ne put long-temps jouir en repos du bienfait de César, ni du privilege dont il est parlé dans le Tityre. Il fut chassé de sa terre par Arius, officier des légions de Marc-Antoine. Sous le nom de Maris il raconte ici son infortune au berger Lycidas, tandis que Virgile son fils, parti pour Rome, est allé porter sa plainte à ses protecteurs sur cette nouvelle violence,

Quel sujet, cher Maris, vous conduit à la ville?
Mantoue.

Par votre fils Ménalque au dieu de Rome offerts.
Virgile.

Sont un essai de ceux qu'il fera pour Varus.

C'est le même dont il est parlé dans la sixieme Eglogue.

Si vous étiez, hélas ! moins voisins de Crémone. Après la victoire remportée sur Cassius et Brutus, les triumvirs distribuerent à leurs soldats les territoires des villes qui avoient suivi le parti des meurtriers

de Jules-César: Crémone étoit de ce nombre; ses campagnes ne suffisant pas, on étendit le partage des terres jusqu'aux villes voisines, à celles même qui n'étoient point coupables: Mantoue en souffrit, quoiqu'elle n'eût point armé contre le triumvirat.

«L'ame du grand César astre plus radieux...

Après la mort de Jules-César, une comete parut an ciel. Le peuple crédule la prit pour l'ame de César.

Déja de Bianor j'apperçois le tombeau.

Le fondateur de Mantoue.

Cédez-moi ce fardeau, chantez même en marchant, Les chevreaux dont Maris a parlé.

EGLOGUE X.

GALLUS.

NYMPHE, autrefois propice au pasteur de Sicile,

A mes derniers accords daignez être facile :
Aux soupirs de Gallus mêlons de tristes airs;
De ma Muse champêtre il exige des vers:
Puis-je les refuser? il les veut d'un goût tendre,
Et tels que Lycoris se plaise à les entendre.
Commencez, consolez de funestes amours,
Arethuse; et, pour prix de vos heureux secours,
Dans les champs d'Amphitrite et des ondes ameres
Que vos ondes toujours coulent douces et claires;
Puissiez-vous sans mélange, au sein des vastes flots,
A l'amoureux Alphée unir vos belles eaux!

Chantons : tout s'attendrit; mes brebis attentives
Semblent s'intéresser à mes chansons plaintives;
L'amante de Narcisse, oubliant ses malheurs,
Dans ses antres profonds redira nos douleurs.
Des secrets de Phébus nymphes dépositaires,
Sur quels bords étiez-vous, dans quels bois solitaires,
Quand l'aimable Gallus, prêt à perdre le jour,

Dans un triste désert exhaloit son amour?

Ah! d'Aganippe alors vous aviez fui les rives ;
Sans doute, au bruit des eaux tristement fugitives,
Vous eussiez reconnu dans le sacré vallon

Que tout plaignoit le sort d'un ami d'Apollon;
Les lauriers languissoient sous leurs tiges flétries;
Les fleurs mouroient autour des fontaines taries;
Et des bois d'Hélicon les sensibles échos
En sons entrecoupés répétoient des sanglots.
Seul, et de Lycoris pleurant la perfidie,
Gallus sut émouvoir les rochers d'Arcadie:
Un troupeau, près de lui languissamment errant,
Partageoit la douleur de son berger mourant:
(Souffre ce nom champêtre, ingénieux poëte;
Amphion, Adonis, ont porté la houlette.)
Aux antres du Lycée, attirés par tes pleurs,
Des hameaux d'alentour vinrent mille pasteurs;
Par des soins complaisants cette troupe attristée
Vouloit rendre le calme à ton ame agitée :
Inutiles efforts! Phébus même, attendri,

Eut peine à consoler son premier favori.
Cher Gallus, dit le dieu, quel fol amour t'enchante!
Ta Lycoris te fuit; cette volage amante,

Fidele à ton rival, brave en d'autres climats

Les périls de la guerre, et l'horreur des frimas.

Avec Faune et Silvain, Pan, le dieu des campagnes, Pour soulager Gallus, vint du fond des montagnes : Quel désespoir, dit-il, berger infortuné!

A perdre ainsi tes jours es-tu donc obstiné?
L'Amour n'est point sensible à tes vives alarmes ;
C'est un enfant cruel, il se plaît dans les larmes ;
Nos malheurs sont ses jeux, nos peines ses plaisirs :
L'abeille vit de fleurs, l'amour vit de soupirs.

De sa peine, à ces mots, calmant la violence,
Gallus rompit enfin un lugubre silence;
D'une voix presque éteinte il dit en soupirant :
Derniers témoins des maux d'un berger expirant,
Pasteurs de l'Arcadie, arbitres des airs tendres,
Bientôt vous donnerez un asile à mes cendres;
Mon ombre chez les morts descendra sans regrets,
Si vous éternisez mon nom dans vos forêts.

Hélas! de mon destin que n'ai-je été le maître ?
Sous vos paisibles toits si le ciel m'eût fait naître,
Je chérirois encor le lieu de mon berceau

Dans nos champs où l'Amour a creusé mon tombeau ;
Occupé parmi vous aux soins des bergeries,
Heureux, j'eusse trouvé dans vos plaines chéries
De plus fideles cœurs, des plaisirs plus constants,
Et pour moi Lachésis eût filé plus long-temps:
J'aurois aimé sans craiute une simple bergere;

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