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CORYDON.

Déesse des chasseurs, agréez mon hommage,
D'un cerf sur votre autel j'ai suspendu le bois;
D'un porphyre brillant j'ornerai votre image,
Si Phébus votre frere anime mon hautbois.

TYRSIS.

Tous les ans d'un lait pur une coupe t'est due,
Priape; c'est assez pour un dieu tel que toi :
Si mon troupeau s'accroît, j'ornerai ta statue,
Et dans tous nos jardins nous chérirons ta loi.

CORYDON.

Charmante Galatée, aimable Néréide,

Toi dont le plus beau cygne envieroit la blancheur,
Si tu m'aimes encor, quitte ta grotte humide,
Et du soir avec moi viens goûter la fraîcheur.

TYRSIS.

Nymphe que je chéris, que ton cœur me dédaigne,
Qu'il rejette mes soins, mes vœux, et mes présents,
Fuis-moi comme l'on fuit les poisons de Sardaigne,
Si les jours loin de toi ne me semblent des ans.

CORYDON.

Le printemps est fini : les troupeaux aux lieux sombres Déja cherchent à fuir les premieres chaleurs ;

Hêtres, couvrez le mien de vos plus fraîches ombres; Ruisseaux, changez pour lui vos bords en lits de fleurs.

TYRSIS.

Quand l'hiver revenu nous chasse des bruyeres,
Mon foyer me défend du souffle des Autans;

Je le crains aussi peu qu'un loup craint des bergeres,
Et j'attends que Progné m'annonce le printemps.

CORYDON.

Dans la saison des fruits tout rit en ces campagnes :
Iphis est parmi nous, les jeux sont avec lui;
Mais si ce beau berger sortoit de nos montagnes,
Fleurs, fontaines, ruisseaux, tout sécheroit d'ennui.

TYRSIS.

Tout languit dans nos champs quand Philis est absente,
L'herbe meurt, l'air moins pur nous voile le soleil;
Dès que Philis revient, la terre est plus riante,
Le soleil reparoît dans un char plus vermeil.

CORYDON.

L'ormeau plaît au dieu Pan, le pampre au dieu d'automne,
Le laurier à Phébus, et le myrte à Cypris:

Mais le verd coudrier pare mieux ma couronne;
Il plaît à ma bergere, il mérite le prix.

TYRSIS.

L'arbre chéri d'Alcide orne bien un rivage,

Le chêne une forêt, le tilleul un jardin :
Mais la jeune Philis les orne davantage

Quand elle y vient cueillir les présents du matin.

MÉLIBÉE.

Des deux bergers rivaux telle fut la dispute;

Ils joignirent aux vers les accords de la flûte :
En vain le fier Tyrsis jugea son chant vainqueur;
Corydon enleva mon suffrage et mon cœur,

NOTES.

CE beau fleuve, en baignant ce bocage secret...
Le Mincio, riviere du Mantouan, aujourd'hui le
Menzo.

Vous qui formez Codrus, déités d'Hippocrene... Poëte illustre, ami et contemporain de Virgile. Ses ouvrages ne nous ont point été conservés.

Fuis-moi comme l'on fuit les poisons de Sardaigne.

L'isle de Sardaigne portoit une herbe fort singuliere; ceux qui en avoient mangé mouroient en riant malgré eux. C'est de là qu'on appelle un ris forcé, ris Sardonien.

L'arbre chéri d'Alcide orne bien un rivage.

Le peuplier. Hercule s'en couronna lorsqu'il descendit aux enfers.

ÉGLOGUE VIII.

LES REGRETS DE DAMON,

ET LE SACRIFICE MAGIQUE.

DAMON, ATIS.

AMOUR, dieu des bergers, toi qui regles leurs sons,

De Damon et d'Atis redis-moi les chansons ;

Quels airs formoit leur voix, lorsque pour les entendre
Les troupeaux enchantés négligeoient l'herbe tendre,
Les tigres adoucis venoient les admirer,

Les ruisseaux arrêtés craignoient de murmurer?
Soutiens mes foibles chants, ô toi que la victoire
Ramene à nos desirs sur l'aile de la gloire :
Jeune triomphateur, quand viendra l'heureux temps
Où je saurai chanter tes exploits éclatants?
Prêt à quitter pour toi la rustique musette,
Déja j'ose essayer l'héroïque trompette :

Sous tes yeux autrefois ma muse, jeune encor,
Vers le double coteau prit son premier essor;
Elle osa de ses chants te vouer les prémices,
Elle veut les finir sous tes brillants auspices:

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