éclairée ont enhardi l'auteur à ce changement. Il étoit difficile d'assez bien différencier les expressions de cette amitié d'avec celles de l'amour même; le préjugé reçu contre les mœurs de Virgile se seroit toujours maintenu, et auroit rendu aux sentiments de Coridon toute la vivacité passionnée qu'on auroit tâché d'adoucir et de colorer. DE VIRGILE. ÉGLOGUE I. TITYRE. MÉLIBÉE, TITYRE. MÉLIBÉE. TRANQUILLE, cher Tityre, à l'ombre de ce hêtre, Vous essayez des airs sur un hautbois champêtre, Vous chantez; mais pour nous, infortunés bergers, Nous gémirons bientôt sur des bords étrangers. TITYRE. Un dieu, cher Mélibée, appui de ma foiblesse, Parmi tant de malheurs et de troubles affreux, Par des signes trop sûrs m'annonçoit son courroux! Trois fois m'ont annoncé la perte de nos champs. Mais pourquoi rappeler ces douloureux présages ?... Berger, quel est ce dieu qui reçoit vos hommages? TITYRE. Bien loin de nos hameaux ce héros tient sa cour; Quel espoir vous porta vers ces aimables lieux? TITYRE. La liberté, berger, s'y montroit à mes vœux : Par d'inutiles soins je briguois sa faveur ; Mais enfin j'ai fléchi cette divinité. J'osai porter ma plainte au souverain du Tibre: J'étois alors esclave; il parla, je fus libre. MÉLIBÉE. Lorsque vous habitiez ce rivage charmant, TITYRE. Si je n'avois quitté ma triste solitude Je souffrirois encor la même servitude. Dans ces maux Rome étoit mon unique recours, Et ses dieux pouvoient seuls me faire d'heureux jours. |