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Eglise Gallicane (1).

Les excommunications publiques et autres censures ecclésiastiques quelconques, de même que le refus de sacremens, ne peuvent être admis ni employés contre personne, qu'en conformité des décrets et canons reçus dans le royaume et duement confirmés par les magistrats: à défaut de quoi, il est permis d'en appeler comme d'abus.

Les maximes fondamentales des libertés de l'Eglise gallicane sont (2):

1°En matières temporelles relatives au Gouvernement, le pape, ni les évêques n'ont droit d'user d'aucune censure, ni contre le roi, ni contre ses officiers ou magistrats subalternes,

2o Le pape n'a, en France, d'autre juridiction que celle que le roi veut bien lui accorder. Ses nonces et légats à latere n'ont d'autres fonctions que celles d'ambassadeurs, et d'emploi que près de la personne du roi. Ils ne peuvent agir en aucune affaire judiciaire en vertu de pleins pouvoirs de S. S., que lorsqu'ils ont été ratifiés par le roi, et confirmés par le parlement.

3o Le pape ne peut évoquer à lui d'autres causes que celles qui ont été abandonnées à sa décision par le concordat ou d'autres réglemens royaux ; et la décision n'aura aucun effet si elle n'est en tout conforme aux lois du pays, avouée et expressément autorisée dans le royaume.

4o Aucuns décrets, bulles, brefs et autres expéditions de la la cour de Rome, ne sont reçus et réputés valides dans le royaume, qu'après que la publication en a été ordonnée par lettres-patentes du roi, enregistrées par les cours du royaume. 5o La convocation et la tenue des conciles, ainsi que la confirmation de leurs décrets, dépendent du souverain, sans que le consentement du pape soit nécessaire.

6o Le roi peut porter des lois sur la conduite des membres du clergé et l'usage de leur autorité, sans avoir besoin, pour cela, ni d'un concile, ni de l'agrément du Saint-Siège; il peut

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(1) Déclaration du clergé de France, du 1682. 19 mars Arrêt du 24 mai 1766. — Traité des libertés de l'église de France, du Docteur Sig. Jacques Baumgarten. Recueil des Actes, Titres et Mémoires concernant les affaires du clergé de France.· Pithou, Traité des Libertés de l'église gallicane. L'Esprit de Gerson. — L'abbé Fleury, XIIe Discours sur l'Hist. ecclés., etc. (2) On peut dire, en général, que les libertés de l'église gallicane consistent à pouvoir se défendre de toutes les nouveautés que tenterait d'introduire le Saint-Siége dans l'église, pour substituer un droit nouveau au droit commun fondé sur les anciens canons,

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refuser la confirmation des lois ecclésiastiques ayant pour but de soumettre quelqu'un, dans le royaume, à la censure de l'Eglise sous des peines extérieures quelconques.

7o Le pape ne peut, sous aucun prétexte, lever aucun impôt dans le royaume, ni exiger d'argent de personne au-delà des contributions qui lui sont accordées par le concordat. Le roi peut prélever des impositions sur les ecclésiastiques de son royaume, sans l'agrément du pape.

8° Il ne peut se faire aucun établissement nouveau de colléges, maisons régulières, communautés, séminaires, confréries, etc., soit des ordres déjà établis, soit de nouveaux ordres religieux, sans lettres-patentes du roi. Les instituts ou règles de ces ordres sont soumis à l'autorité des magistrats qui ont la faculté de les modifier. Le roi a également le droit de disoudre tout ordre religieux, et de l'expulser (1).

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9o Le roi a le droit de nommer à tous les archevêchés et évêchés de France; à tous doyennés, abbayes, prélatures et autres charges supérieures de couvens (2), à la réserve de celles qui, pour plus sûr maintien de l'austérité et de la discipline monastique, ont été laissées à la nomination des religieux.

10o Le roi jouit, dans tout le royaume, de la régale temporelle et spirituelle.

11° Toute juridiction ecclésiastique est subordonnée au juge séculier; dès la première instance de toutes les sentences rendues en cour d'Eglise, s'il est prouvé qu'il y a entreprise de la juridiction ecclésiastique sur la juridiction royale, contravention aux ordonnances du royaume, aux anciens canons ou libertés de l'Eglise gallicane et aux arrêts de réglement des cours; l'affaire est évoquée par les parlemens, qui forment appel comme d'abus.

12o Le magistrat politique a inspection généralement sur→ out ce qui regarde la discipline extérieure et l'exercice de l'autorité du clergé. Les cours sont en droit, lors-même qu'il n'y a ni appel, ni plainte, d'examiner les écrits, ouvrages et actions quelconques des ecclésiastiques, et de sévir contre tout ce qui s'y trouve d'attentatoire aux libertés de l'Eglise et de contraire au bon ordre et à la tranquillité publique.

13° Tous les clercs sont exempts de toutes juridictions et

(1) Edits de sept. 1764 et de 1768.

(2) Concordât entre Francois Ier et Léon X, en 1516.

impôts externes; on ne peut les obliger à comparaître hors du royaume.

14° Tous les ecclésiastiques indistinctement peuvent réclamer la puissance temporelle contre les abus de leurs supérieurs, sans avoir à redouter aucune espèce de censure.

15o A leur sacre, les rois doivent faire serment de maintenir les franchises et libertés de l'Eglise gallicane (1).

Des Lettres de cachet (2).

Les lettres de cachet émanent du Roi; elles doivent être signées de lui et contresignées d'un secrétaire d'Etat.

Elles contiennent, 1° le nom et les qualités de celui à qui elles sont adressées; 2° l'ordre que le roi lui donne.

Les lettres de cachet ne peuvent s'employer que dans les deux cas suivans: 1° Pour enjoindre à certains corps politiques de s'assembler ou de délibérer sur certaines matières; 2° Pour intimer à quelqu'un un ordre, ou un avis de la part du prince (3).

Les magistrats ne doivent avoir aucun égard aux lettrescloses accordées sur le fait de la justice; auquel cas l'appo sition du grand sceau du Roi est nécessaire.

Cette restriction n'a lieu que lorsque les lettres contiennent des réglemens nouveaux, et non des ordres particuliers. Celui qui est emprisonné injustement en vertu d'une lettre de cachet, peut faire preuve de l'injustice et obtenir des dommages-intérêts contre celui qui avait obtenu la lettre..

L'exil peut être prononcé par le roi pour des raisons à lui

seul connues.

L'exilé qui quitte le lieu de l'exil qui lui est assigné, pour se retirer hors du royaume, est puni de la peine de la confiscation de corps et de biens.

(1) Nous avons cru devoir donner quelques développemens à ce paragraphe, parce que les règles qui y sont consacrées, forment encore la législation actuelle sur cette matière.

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(2) Ordonnance de juin 1316. — Ordonnances d'Orléans, art. 91; de Blois et de Moulins. Arrêt du parlement, du 3 décembre 1551, rapporté dans le Traité de la police, tom. 1, liv. 1, chap. 2, pag. 133, col. prem.; Arrêts du 9 juin 1769, et du 3 avril 1770. Max. du Dr. franç., chap. 3. (3) Les lettres de cachet avaient lieu le plus souvent pour envoyer quelqu'un en exil ou le constituer prisonnier.

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LES abus contre lesquels on réclamait en France, avant la révolution, paraissaient de plus en plus intolérables, à mesure que les idées de liberté se répandaient.

Le désordre des finances mettait le gouvernement dans l'obligation d'user de moyens extraordinaires : il fallait qu'il employât la violence, ou qu'il appelât la Nation à son secours. Ce dernier parti ne fut adopté qu'après avoir vainement essayé du premier : l'exil des parlemens, et le lit de justice du 6 août 1787, démontrèrent que de semblables mesures ne pouvaient remédier au mal. On revint donc à des idées plus raisonnables; mais les différentes assemblées que le gouvernement convoqua, et qui, dans sa pensée, devaient s'occuper exclusivement des finances, portèrent leurs vues sur les autres parties de l'administration; le déficit les occupa beaucoup moins réellement que les abus dont on n'avait point voulu leur confier le redressement.

Cette disposition existait dans les deux assemblées des notables, convoquées successivement en 1787 et 1788; elle parut manifestement dans l'assemblée des Etats-Généraux.

Les ministères de Calonne et de Necker n'avaient rien produit d'heureux; les discussions sur le mode d'élection des députés aux Etats-Généraux, avaient encore irrité les esprits. Le conseil du roi décida que les députés aux Etats-Généraux seraient au moins au nombre de mille; que le nombre de députés pour chaque baillage serait en raison, composé de la population et des contributions ; enfin, et c'était le plus important, que les députés du tiers-état seraient égaux en nombre aux députés des deux autres ordres réunis.

Les cahiers du tiers-état furent rédigés à la hâte : ils demandaient une constitution libre; ils réclamaient surtout que l'ordre fût rétabli dans les finances, et que les dépenses et les recettes fussent régularisées par la loi : en un mot, leurs prétentions se bornaient, à-peu-près, à ce qui forme aujourd'hui la base de notre gouvernement. On ne saurait donc dire qu'elles fussent exagérées en ellesmêmes; mais peut-être les circonstances exigeaient quelques modifications d'ailleurs, la noblesse et le clergé renonçaient à leurs priviléges pécuniaires.

Le 5 mai 1788, eut lieu l'ouverture de l'assemblée des ÉtatsGénéraux; les discours du roi, du garde des sceaux et de Necker parurent dictés par de bonnes intentions; mais ils ne satisfirent pas les députés du tiers-état.

Aussitôt après cette séance, la question de savoir si les Etats voteraient par téte ou par ordre, mit la division dans l'assémblée; la noblesse et le clergé tenaient au mode, qui leur assurait le pouvoir; le tiers-état résistait; et après avoir inutilement invité les deux autres ordres à se réunir à lui, il se constitua seul en assemblée nationale; un grand nombre des membres du clérgé vint sẽ réunir au tiers-état.

Ce fut le 17 juin qu'eut lieu cette séance mémorable; le 23, le roi se rendit à l'assemblée; il déclara nuls les actes faits par elle; ordonna que la distinction des trois ordres subsisterait, et fit quelques concessions; mais sans promettre de constitution; au surplus, il ne fut question ni de la participation des Etats-Généraux à la législation, ni de la responsabilité des ministres, ni de la liberté de la presse; enfin l'ordre formel de se séparer fut intimé.

Les députés du tiers-état refusèrent d'obéir, et persistèrent dans leurs précédentes délibérations: la majorité de l'assemblée du clergé, quelques membres de l'assemblée de la noblesse adoptèrent la même opinion. Il fallut céder : le roi consentit à la réunion des trois ordres en une seule et même assemblée.

L'assemblée constituante fut donc reconnue; ses premiers décrets abolirent les dimes, et le régime féodal, les annates, les dispenses et les provisions de la cour de Rome : on vit disparaître tour-àtour les priviléges d'ordre de province, de ville, de communauté et d'individus. Une nouvelle division du territoire fut établie. Enfin, la fameuse déclaration des droits de l'homme fut décrétée, pour servir de préambule à la constitution.

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