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vers cette époque que la compagnie se fit ce système, si vigoureusement soutenu dans la suite, qu'elle n'était autre que les anciens placita ou parlamenta des monarques, et que par conséquent elle formait les véritables états-généraux de la nation. On a vu ce qu'il faut penser de cette supposition. A la mort de Henri IV, Marie de Médicis voulut que sa régence parût confirmée par l'assentiment national; mais au lieu d'assembler les états, elle demanda un arrêt au parlement, et fit tenir le lendemain un lit de justice qui ne fut que confirmatif de l'arrêt. De sorte que ce fut véritablement le parlement qui déféra la régence. C'est une grande époque; car la conduite adoptée par le gouvernement dans cette circonstance fut presque toujours imitée dans la suite. La politique des ministres fut constamment de témoigner une ombre de respect pour les anciennes formes constitutives, en respectant l'influence parlementaire; d'appeler l'intervention de ces compagnies, quand elle pouvait être utile à leurs vues; de l'éluder, quand elle les contrariait; de faire enfin que le droit de consentir ne devint jamais celui de discuter et de refuser.

Ainsi s'établit une lutte entre les rois et les corps de justice, sortis du sein de leurs palais, et dont l'opinion accroissait chaque jour la force; lutte dangereuse qui ne se termina que par la ruine des uns et des autres!

Tout ce que nous avons dit jusqu'ici, jette un jour nouveau sur l'histoire de ces deux siècles. Plusieurs actes de l'administration peuvent être appréciés maintenant d'après des règles certaines; et l'on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'en général, dans les derniers temps, tout fut fait pour amonceler des tempêtes sur la France, et rien pour les conjurer. N'en citons, pour exemple, que l'exil des parlemens et leur dissolution par le chancelier Meaupou; acte si criminel et si inepte à-la-fois, dès qu'on n'assemblait pas surle-champ les états-généraux.

Le génie hardi et sanguinaire de Richelieu, le brillant

despotisme et les victoires de Louis XIV, contribuèrent également à détruire jusqu'au souvenir de l'ancienne influence des grands: il ne fallait plus que les corrompre pour qu'ils cessassent d'exister; c'est ce que fit Louis XV. Sous le règne de ce monarque, tout fut souillé, tout tomba dans le dépérissement; mais, tandis que les premiers ordres de l'Etat s'abaissaient, le troisième s'élevait par les progrès des sciences, des arts et d'une philosophie audacieuse. Une révolution devait avoir lieu, les vertus de Louis XVI ne firent que la retarder. Il fallut enfin revenir à ces principes du gouvernement de France, si long-temps oubliés. La nation fut convoquée; et alors commença une révolution qui couvrit notre patrie de massacres, et ébranla l'Europe entière dans ses antiques bases.... Un demi-siècle avant, ce n'eût peut-être été qu'une utile et pacifique réforme!

(non écrite)

DE LA FRANCE, AVANT 1789.

Le travail qui suit nécessite quelques observations.

E

Il se compose des articles généralement considérés comme constitutifs en France, dans les derniers siècles, par la cour, les parlemens ou les écrivains, qu'on peut regarder comme les lumières de notre Droit public.

Il faut comprendre que ces principes, quoique généralement admis, ne s'étaient pour la plupart introduits que par l'usage, et n'avaient reçu que la sanction du temps; l'on s'explique ainsi comment l'histoire a aussi souvent à en signaler l'oubli que l'application. C'est donc un nouveau motif d'apprécier ces Chartes écrites, où les droits et les pouvoirs. sont fixés et arrêtés d'une manière positive, claire et vraiment digne des peuples civilisés.

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En offrant ce travail sous cette forme, nous avons surtout en vue de rassembler, en quelques pages, des traits épars dans un grand nombre de volumes que peu de personnes veulent ou peuvent lire maintenant.

Mais il y a un autre point de vue sous lequel cette constitution non écrite devient précieuse. Tous les publicistes seront certainement d'accord sur ce point, qu'il faut remplir les lacunes, qu'on peut reconnaître dans la Charte constitutionnelle de 1814, en recourant aux anciens principes constitutifs de la monarchie; et qu'ainsi plusieurs des articles, comme ceux qui concernent la loi salique, la régence, etc., peuvent être considérés comme étant encore en vigueur, et faisant partie de notre constitution.

Dispositions générales (1).

Les Français naissent, et demeurent libres.

Ils sont sous la protection de la loi, et ne peuvent être

Bacquet, Du Droit d'aubaine.

Journal des liv. III,

(1) Choppin, Du Domaine. Audiences, tom. 1, liv. 11, chap. 18; liv. vIII, chap, 15; tom, II, Lebret, De la Souveraineté. — Loisel, etc.

chap. 6.

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privés que par elle de l'exercice de leur liberté, sauf les modifications déterminées ci-après.

Les Français forment trois ordres : le clergé, la noblesse et le tiers-état.

Les lettres de naturalité accordées à l'étranger, le font réputer naturel Français.

Les Français qui s'établissent pour toujours dans les pays étrangers, sans permission du roi, perdent tout droit de cité en France.

Les Français qui se retirent hors du royaume, avec permission du roi, ou à la suite des fils de France, ne perdent point le droit de cité.

La religion catholique romaine est la religion de l'Etat; toute autre est interdite dans le royaume (2).

Nul ne peut être astreint à la célébration du culte de la religion dominante, ni inquiété pour sa croyance, à moins qu'il ne publie des opinions contraires à la foi ou aux cérémonies établies dans le royaume.

La justice émane du roi ; elle est rendue, en son nom, dans tout le royaume.

Des Lois fondamentales du Royaume (3). ·

Les lois fondamentales du royaume sont immuables, et pour ainsi dire annexées à la couronne; elles forment un lien réciproque et éternel entre le prince et ses descendans d'une part, et les sujets et leurs descendans de l'autre. Aucune des deux parties ne peut seule se délier de l'engagement formé par ces lois.

1o Le royaume de France est une monarchie héréditaire de mâle en mâle, et suivant l'ordre de primogéniture.

Les femmes et leur descendance en sont exclues.

2o Faute d'héritier en ligne directe, le royaume appartient

(2) Révocation de l'Edit de Nantes.

(3) Voyez Edits de 1667; et de juillet 1717.

Le président de Harlay, aux OEuvres de Davair, lit de justice de 1586. — Legrand, Traité de la Succ. à la Choppin, Du Domaine.

cour.

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Loisel, Opuscules.

Delhommeau, Max.-Lebret, Traité de la Souveraineté.- Dupuy, Traité de la Maj. -- Traité des Droits de la reine, pag. 129, 402, 403, 414. — Max. du Droit pub. fran., chap. 4. De Réal, Science du Gouvernement, tom. II. Pocquet de Livonière, liv. I, tom. I, sect. 1. Des Offices, liv. 1, chap. 2, no So et suiv., etc.

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ati prince du sang le plus proche, à l'exclusion de tout måle descendant des filles;

3o Les enfans naturels sont exclus du trône, même à défaut de princes légitimes de la famille royale. Dans ce cas, la Nation ou les Etats-Généraux qui la représentent, ontseuls le droit d'élire le nouveau souverain.

4o Le royaume de France ne peut être divisé : il passe tout entier sur la tête de l'aîné de la famille royale ; des lois particulières fixent l'apanage des princes du sang;

5o Le domaine et les droits de la couronne sont inaliénables, le prince ne peut démembrer son royaume ni même l'obliger, soit pour dettes ou alliance, sans le consentement libre et solennel de la Nation;

6o Du jour de son avènement au trône, tout ce que le roi possédait en propre est réuni à la couronne, et devient partie du domaine.

7° Le roi ne meurt pas en France: son successeur est saisi immédiatement, et de plein droit, de l'autorité royale.

Les stipulations faites par les différentes provinces, lors de leur réunion à la couronne, ne font point partie des lois fondamentales.

Du Roi (1).

Le roi est le chef de la monarchie; en lui réside le suprême pouvoir; à lui seul appartient le droit de faire la guerre et la paix, de lever des tributs, de faire battre monnaie, d'accorder grâces et rémissions, de nommer aux différens emplois. La personne du roi est inviolable et sacrée.

La majorité des rois est fixée à quatorze ans commencés (2). Toutes les autorités du royaume ne tiennent leur pouvoir que du roi (3), et ne l'exercent qu'en son nom.

(1) Voy. Lebret, Traité de la Souverain. Delhommeau, Maximes. Pocquet de Livonière, Règles du Dr. franç., liv. 1, tom. 1, sect. 1.— -De Réal, la Science du Gouvernement, chap. 7, sect. 1. — Dupuy, Traité de la Maj. des rois. Edit de juillet 1717; édit de 1374.

(2) Ordonu. de Charles V, exécutée par Charles IX, Louis XIII, Louis XIV et Louis XV.

(3) Déclar. des avocats du parlem. de Paris, sur l'aut. souv, des rois. De Réal, Science du Gouvernement.

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TOME 1.

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