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qui devaient rendre plus faciles les progrès de la couronne vers le pouvoir absolu. Le peuple se souvenait à peine des droits qu'il avait exercés, sous le roi Jean, et ne paraissait, par conséquent, nullement disposé à les revendiquer. Le clergé avait séparé sa cause de celle des deux ordres, en traitant avec la couronne, en établissant, relativement à l'impôt, les dons gratuits; la noblesse, enfin, perdant l'espoir de rétablir le gouvernement féodal, s'était rapprochée du trône qu'elle avait long-temps ébranlé; elle demandait une part au gouvernement royal, puisque tout le reste avait été emporté par le temps; elle attendait en retour de son dévouement pour la cause du monarque, un dédommagement de ce qu'elle avait perdu en richesses et en honneurs.

Les grands acquirent alors une autorité considérable, comme premiers conseillers, ou premiers agens du monarque; ils l'aidèrent à établir une milice permanente, et un impôt perpétuel pour l'entretenir. Ce furent la gendarmerie et la taille.

Le joug de fer de Louis XI pesa presque également sur toutes les classes de Français. Il enleva d'abord aux seigneurs, par ses soldats, ou par ses bourreaux, l'influence que son père leur avait laissé prendre; mais il leur donna une existence politique, sur la fin de son règne, en déclarant que son fils, Charles, ne pourrait rien faire d'important, sans le conseil des princes de son sang et des grands officiers de la couronne. Le peuple seul resta donc dans l'état où les règnes précédens et le sceptre tyrannique de Louis l'avaient placé. Il ne vint plus aux Etats, convoqués par son successeur, que pour lui bailler de l'argent à son plaisir, comme disent les auteurs du temps.

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On a vu naître le parlement du sein de la cour du roi. C'était un simple tribunal qui semblait, en quelque sorte,

devenir un corps politique, quand le roi venait y siéger avec ses ministres, ses grands officiers, et sa noblesse, mais seulement alors. Voilà ce qu'il était dans l'origine.

Avant Charles VI, le parlement tenait deux sessions dans l'année, et ses membres étaient annuels. Il devint permanent, sous ce prince. L'usage s'établit aussi, à cette époque, de perpétuer les juges dans leur office, pendant toute la vie du roi qui les en avait pourvus; mais ils durent être confirmés par

ses successeurs.

Des vertus et des lumières avaient assuré à ces magistrats une considération qui ne fit que s'accroître pendant les troubles signalés par tant de crimes. Les rois appelaient quelquefois, plusieurs d'entre eux à leur conseil.

Quand il n'y eut plus d'assemblée nationale pour porter les vœux publics au pied du trône, il est naturel de penser que tous les hommes qu'importunait l'idée du pouvoir absolu, durent tourner leurs regards vers le corps dont la contenance imposante semblait seule susceptible de pouvoir opposer une digue à l'autorité royale. L'opinion augmenta donc encore l'influence dont il jouissait déjà; elle le suscita à se porter pour protecteur naturel du peuple; elle l'investit, en quelque sorte, du droit de remontrances.

Ce droit de remontrances fit que les monarques, et leurs ministres surtout, cherchèrent, avec plus de soin encore à obtenir l'assentiment de la compagnie. Ils la consultèrent sur leurs mesures et leurs arrêts; et, pour constater son approbation, ils introduisirent la coutume de publier les ordonnances dans l'assemblée, et de les faire transcrire sur ses registres. Le parlement fit de cette vaine cérémonie le droit précieux de l'enregistrement.

Ce droit changea totalement la situation politique du parlement; il prétendit successivement que, s'il devait enregistrer la loi, il pouvait l'examiner; que cet examen entraînait la faculté de modifier; que cette faculté forçait, à son tour, le droit de refus; qu'enfin, si l'enregistrement était une qualité

essentielle à la loi, elle n'était loi que quand elle avait subi cette formalité, et qu'elle était jusque-là sans force et sans effet. La compagnie se trouvait ainsi associée à la puissance législative. Malheureusement, la couronne pouvait contester, et contesta toujours aux parlemens cette haute prérogative. Elle pouvait toujours, au moins spécieusement, rappeler à ce corps qu'il n'avait été, dans l'origine, qu'une cour de justice. De-là naquit une lutte, presque perpétuelle, entre l'autorité royale et l'influence parlementaire, où la seconde rivalisa quelquefois avec succès, parce qu'elle était appuyée de toutes les forces de l'opinion.

On a écrit nombre de volumes pour et contre les droits du parlement; mais il semble qu'une réflexion générale qu'on n'a pas faite, décide la question. Un droit politique, en effet, est un principe d'ordre ; on peut dire qu'il est, parce qu'il est : c'est le temps qui le consacre; et chaque jour de durée ajoute à sa valeur première; il devient une légitimité nationale, et il en est alors comme de la légitimité royale; le titre ne signifie plus rien, c'est le fait seul de la possession qu'il faut considérer.

On voit, en appliquant ces principes aux parlemens, que ses droits étaient respectables et sacrés comme ceux de la dynastie; qu'on ne devait pas plus, en traitant des uns et des autres, remonter aux établissemens de Philippe-le-Bel, qu'à l'avénement de Hugues-Capet, et que les parlementaires, quelle que fût leur origine, étaient devenus les dépositaires et les protecteurs légitimes des débris de nos antiques libertés, par cela seul qu'il n'y avait point de corps qui pût remplir ce rôle. Mais, dira-t-on, le gouvernement put toujours revenir aux anciens principes constitutifs de la monarchie, et opposer les états-généraux aux parlemens? Il le put sans doute, et il le fit, mais trop tard. Il ouvrit l'abîme, et il y fut englouti le premier.

S XXXIV.

De la Cour des Pairs.

Le parlement acquit le droit de juger les Pairs, comme il avait acquis celui d'enregistrer les lois, par une marche habile et mesurée. Il était assez naturel, au reste, que ce corps, succédant à la cour du roi, comme tribunal et comme conseil, le remplaçât encore dans ses fonctions de cour des Pairs.

Long-temps ceux-ci refusèrent de reconnaître cette auguste prérogative du parlement. Long-temps ils prétendirent avec raison, sans doute, qu'eux seuls composaient de droit le ban suprême de la pairie, et que des gens de robe, nommés par le roi, n'avaient aucun titre pour les juger; mais ils furent amenés graduellement à leur concéder cette qualité, en la partageant.

D'ailleurs, les nouvelles pairies créées par Philippe-le-Bel et ses successeurs, à l'extinction successive des anciennes, étaient loin de jouir de la même considération dans l'esprit des peuples, quoique des princes du sang en eussent été, la plupart du temps, décorés; et cela contribua encore au triomphe du parlement.

Après avoir donc été appelés dans la cour des Pairs, comme simple conseillers, les parlementaires appelèrent, à leur tour, les Pairs dans leur sein ; et alors s'établit le principe que le parlement était la cour des Pairs, pourvu que ceux-ci eussent été seulement appelés à y siéger. Il y a des exemples de jugemens de la cour des Pairs, où pas un d'eux n'avait assisté; celui du maréchal de Biron entre autres.

S XXXV.

Des Pragmatique-Sanctions.

Le principal titre de gloire des corps parlementaires, c'est d'avoir défendu et maintenu, dans tous les temps, les principes de l'Eglise gallicane contre les tentatives des papes et les ruses des Jésuites; leur milice ordinaire, contre le zèle mal en

tendu des monarques et la condescendance coupable de leurs ministres; c'est d'avoir fixé l'existence du clergé français, d'après des règles également en harmonie avec l'autorité spirituelle du vicaire de Jésus-Christ, et avec la dignité des couronnes et des peuples.

Rassemblons ici les principaux traits de l'intéressante histoire de nos libertés ecclésiastiques.

L'élection des évêques et la collation des bénéfices furent toujours les points principaux en litige entre les papes et les gouvernemens chrétiens. En France, sous la première et la deuxième race, les droits du peuple et du roi y relatifs furent souvent débattus, plusieurs fois proclamés, mais méconnus plus souvent encore. La force décidait alors en cela, comme en tout autre chose.

Saint-Louis, qui sut allier une piété profonde au caractère élevé d'un grand monarque, fixa le premier, d'une manière claire, les droits de l'Eglise de France et les limites où devait s'arrêter l'autorité papale. Voici le sommaire de sa fameuse ordonnance, appelée Pragmatique-Sanction, et dont les ultramontains ont contesté l'authenticité.

« Les prélats et collateurs de bénéfices seront maintenus dans leurs droits.

» Les cathédrales et autres églises, jouiront librement du droit d'élection,

» Le crime de simonie sera sévèrement recherché.

>> Les promotions et collations seront faites selon le droit commun et les décrets des conciles.

» Les exactions et charges très-pesantes, imposées par la cour romaine, cesseront d'avoir lieu si elles ne sont consenties par le roi et par l'Eglise gallicane.

» Les immunités ecclésiastiques seront généralement main

tenues. >>

Il faudrait prendre les plus sombres couleurs pour peindre l'état de désordre de l'Eglise dans les douxième et treizième siècles, et pendant le grand schisme. Il fallait des réformes:

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