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CONSTITUTION D'ANGLETERRE.

CHARTRE (1)

Des communes libertés, où la grande Chartre accordée par le roi Jean à ses sujets, l'an 1215.

JEAN, par la grâce de Dieu, roi d'Angleterre, etc. A tous les archevêques, évêques, comtes, barons, etc; qu'il vous

Après avoir lu les actes formant la constitution d'Angleterre, il est probable qu'autant on sera content du fonds des choses, autant on sera disposé à critiquer l'expression, et que le premier mouvement sera d'attribuer la faute aux traducteurs. Voici notre réponse: nous avons comparé pour les actes déjà traduits, tels que la Grande Charte et la Pétition de Droits toutes les versions, et nous avons adopté celle qui nous a paru la meilleure, en ayant soin de corriger tout ce que nous avons cru devoir l'être, en conservant pourtant quelques expressions surannées, et quelques tournures bizarres qui nous ont paru plus propres à rendre le sens des mots et les idées de l'original. Quant aux actes que nous avons traduits pour Ja première fois, nous avons tâché de présenter toujours un sens clair, malgré la longueur des périodes, et la multiplicité des phrases incidentes, qui rendent les lois anglaises ordinairement si obscures. Pour qu'on ne nous croie point sur parole, dans ce que nous alléguons sur le style de la législation anglaise, nous allons citer un fragment d'un ouvrage nonveau, intitulé: Essai sur la Constitution Pratique, et le parlement d'Angleterre, par M. Amédée R***. Voici comment s'exprime l'auteur, page 274 : « La quatrième cause du vo» lume progressif, si ce n'est même des lois du Parlement, consiste dans le » manque de soin et d'exactitude avec lequel elles sont rédigées : qu'on prenne au hasard une de ces lois, ( dit le quarterly Review, no 42, page 416 et 417), qu'on en lise un paragraphe quelconque, et quelque simple et positif qu'en soit » le sujet, on est accablé d'une masse rebutante de verbosité et de tantologie, dont » il est difficile de parler dans les termes d'une modération convenable, mais qu'a» vec toute la déférence due à l'autorité pour une telle damnable itération, nous » croyons être tout-à-fait sans pareille dans quelque livre que ce soit.» — S'il était permis d'en avoir le soupçon, on serait tenté de croire qu'au lieu d'expri> mer leur pensée avec la plus grande clarté, les législateurs anglais ont quelque intérêt secret à l'envelopper dans la plus grande obscurité possible. » Il serait réellement difficile d'imaginer une multiplicité de mots plus fastidieux, un choix d'expressions plus impropres et plus surannées, un emploi de pleonas»mes plus fréquens, une diction plus vicieuse, une phraséologie à la fois plus diffuse, plus prolixe et plus barbare.» - L'auteur cite à l'appui de son opinion. un statut, pour l'encouragement des statuaires, de la 54e année de Georges III, qui justifie parfaitement toutes ses assertions.

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soit notoire que Nous, en présence de Dieu, pour le salut de notre âme et de celle de nos ancêtres et descendans, à l'honneur de Dieu, à l'exaltation de l'Église, et pour la réformation de notre royaume, en présence des vénérables pères Étienne, archevêque de Cantorbery, Primat d'Angleterre et cardinal de la sainte Église romaine; Henri, archevêque de Dublin; Guillaume, évêque de Londres, et autres nos vassaux et hommes-liges, avons accordé, et par cette présente Chartre accordons, pour nous et pour nos héritiers et successeurs à jamais :

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ART. 1er. Que l'Église d'Angleterre sera libre et jouira de tous ses droits et libertés, sans qu'on y puisse toucher en façon quelconque. Nous voulons que les priviléges de l'Eglise soient par elle possédés, de telle manière qu'il paraisse que la liberté des élections, estimée très-nécessaire dans l'Eglise Anglicane, et que nous avons accordée et confirmée par notre Chartre, avant nos différends avec les barons, a été accordée par un acte libre de notre volonté, et nous entendons que ladite Chartre soit observée par nous et par nos successeurs à jamais.

2. Nous avons aussi accordé à tous nos sujets libres du royaume d'Angleterre, pour nous et nos héritiers et successeurs, toutes les libertés spécifiées ci-dessous, pour être possédées par eux et par leurs héritiers, comme les tenant de nous et de nos successeurs.

3. Si quelqu'un de nos comtes, barons ou autres qui tiennent des terres de nous, sous la redevance d'un service militaire, vient à mourir, laissant un héritier en âge de majorité, cet héritier ne paiera, pour entrer en possession du fief, que selon l'ancienne taxe, savoir: l'héritier d'un comte, pour tout son fief, cent marcs; l'héritier d'un baron, pour un fief entier, cent schellings; et tous les autres à proportion, selon l'ancienne taxe des fiefs.

4. Si l'héritier se trouve en âge de minorité, le seigneur de qui son fief relève ne pourra prendre la garde-noble de sa personne, avant que d'en avoir reçu l'hommage qui lui est dû. Ensuite cet héritier, étant parvenu à l'âge de vingtun an, sera mis en possession de son héritage, sans rien payer au seigneur. Que s'il est fait chevalier pendant sa minorité, son fief demeurera pourtant sous la garde du seigneur, jusqu'au temps ci-dessus marqué.

5. Celui qui aura en garde les terres d'un mineur ne pourra prendre sur ces mêmes terres que des profits et des services raisonnables, sans détruire ni détériorer les biens des tenanciers, ni rien de ce qui appartient à l'héritage. Que s'il arrive que nous commettions ces terres à la garde d'un shériff, ou de quelque autre personne que ce soit, pour nous en rendre compte, et qu'il y fasse quelque dommage, nous promettons de l'obliger à le réparer, et de donner la garde de l'héritage à quelque tenancier discret du même fief, qui en sera responsable envers nous de la même manière.

6. Les gardiens des fiefs maintiendront en bon état, tant les maisons, parcs, garennes, étangs, moulins, et autres choses en dépendant, que les revenus, et les rendront à l'héritier, lorsqu'il sera en âge, avec sa terre bien fournie de charrues et autres choses nécessaires, ou du moins autant qu'ils en auront reçu. La même chose sera observée dans la garde qui nous appartient, des archevêchés, évêchés, prieurés, abbayes, églises, etc., excepté que ce droit de garde ne pourra être vendu.

7. Les héritiers seront mariés selon leur état et condition, et les parens en seront informés avant que le mariage soit contracté.

8. Aussitôt qu'une femme sera veuve, on lui rendra ce qu'elle aura eu en dot, ou son héritage, sans qu'elle soit obligée de rien payer pour cette restitution, non plus que pour le douaire qui lui sera dû sur les biens qu'elle et son mari auront possédés, jusqu'à la mort du mari. Elle pourra demeurer dans la principale maison de son défunt mari quarante jours après sa mort, et pendant ce temps-là, on lui assignera son douaire, en cas qu'il n'ait pas été réglé auparavant. Mais si la principale maison était un château fortifié, on pourra lui assigner quelqu'autre demeure où elle soit commodément, jusqu'à ce que son douaire soit réglé. Elle y sera entretenue de tout ce qui sera raisonnablement nécessaire pour sa subsistance, sur les revenus des biens communs d'elle et de son défunt mari. Le douaire sera réglé à la troisième partie des terres possédées par son mari pendant qu'il était en vie, à moins que, par son contrat de mariage, il n'ait été réglé à une moindre portion.

9. On ne pourra contraindre aucune veuve, par la saisie de ses meubles, à prendre un autre mari, pendant qu'elle

voudra demeurer dans l'état de viduité. Mais elle sera obligée de donner caution qu'elle ne se remariera point sans notre consentement, si elle relève de nous, ou sans celui du seigneur de qui elle relève immédiatement.

10. Ni nous, ni nos baillifs ne ferons jamais saisir les terres ou les rentes de qui que ce soit pour dettes, tant que le débiteur aura des meubles pour payer sa dette, et qu'il paraîtra prêt à satisfaire son créancier. Ceux qui l'auront cautionné ne seront point exécutés, tant que le débiteur même sera en état de payer.

11. Que si le débiteur ne paie point, soit par impuissance, soit par défaut de volonté, on exigera la dette des cautions, lesquelles auront une hypothèque sur les biens et rentes du débiteur, jusqu'à la concurrence de ce qui aura été payé pour lui, à moins qu'il ne fasse voir une décharge des cautions.

12. Si quelqu'un a emprunté de l'argent des juifs, et qu'il meure avant que la dette soit payée, l'héritier, s'il est mineur, ne payera point d'intérêt pour cette dette, tant qu'il demeurera en âge de minorité, de qui que ce soit qu'il relève. Que si la dette vient à tomber entre nos mains, nous nous contenterons de garder le gage livré par le contrat, pour sûreté de la même dette.

13. Si quelqu'un meurt étant débiteur des juifs, sa veuve aura son douaire, sans être obligée de payer aucune partie de cette dette. Et si le défunt a laissé des enfans mineurs, ils auront la subsistance proportionnée au bien réel de leur père; et du surplus, la dette sera payée, sauf, toutefois, le service dû au seigneur. Les autres dettes dues à d'autres qu'à des juifs seront payées de la même manière.

14. Nous promettons de ne faire aucune levée ou imposition, soit pour le droit de scutage (1) ou autre, sans le consentement de notre commun conseil du royaume, à moins que ce ne soit pour le rachat de notre personne, ou pour faire notre fils aîné chevalier, ou pour marier une fois seulement notre fille aînée : dans tous lesquels cas, nous lèverons seulement une aide raisonnable et modérée.

(1) Le scutage était une taxe sur les terres. Il était payé par les possesseurs des fiefs nobles, au lieu du service militaire qu'ils devaient à leur seigneur

suzerain.

15 Il en sera de même à l'égard des subsides que nous lèverons sur la ville de Londres, laquelle jouira de ses anciennes libertés et coutumes, tant sur l'eau que sur terre.

16. Nous accordons encore à toutes les autres villes bourgs et villages, aux barons des cinq ports, et à tous autres ports qu'ils puissent jouir de leurs priviléges et anciennes coutumes, et envoyer des députés au conseil commun, pour y régler ce que chacun doit fournir, les trois cas de l'article 14 exceptés.

17. Quand il sera question de régler ce que chacun devra payer pour le droit de scutage, nous promettons de faire sommer, par des ordres particuliers, les archevêques, les évêques, les abbés, les comtes et les grands barons du royaume, chacun en son particulier,

18. Nous promettons encore de faire sommer en général, par nos shériffs ou baillifs, tous ceux qui tiennent des terres de nous en chef, quarante jours avant la tenue de l'assemblée générale, de se trouver au lieu assigné; et dans les sommations, nous déclarerons les causes pour lesquelles l'assemblée sera convoquée.

19. Les sommations étant faites de cette manière, on procédera sans délai à la décision des affaires, selon les avis de ceux qui se trouveront présens, quand même tous ceux qui auront été sommés n'y seraient pas.

20. Nous promettons de n'accorder à aucun seigneur que ce soit la permission de lever aucune somme sur ses vassaux et tenanciers, si ce n'est pour les délivrer de prison, pour faire son fils aîné chevalier, ou pour marier sa fille aînée; dans lesquels cas, il pourra seulement lever une taxe modérée.

21. On ne saisira les meubles d'aucune personne, pour l'obliger, à raison de son fief, à plus de service qu'il n'en doit naturellement.

22. La cour des plaids communs ne suivra plus notre personne, mais elle demeurera fixe en un certain lieu. Les procès touchant l'expulsion de possession, la mort d'un ancêtre, ou la présentation aux bénéfices, seront jugés dans la province dont les parties dépendent; de cette manière, nous ou notre grand-justicier, enverrons une fois tous les ans, chaque comté, des juges, qui, avec les chevaliers des mêmes comtés, tiendront leurs assises dans la province même.

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23. Les procès qui ne pourront être terminés dans une

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