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époque la prérogative accordée au roi de créer des pairs n'était ni douteuse ni contestée.

A la mort d'Elisabeth, la nation anglaise paraissait si bien soumise au joug; les institutions étaient tellement méprisées, les vieilles traditions de liberté tellement oubliées, qu'il n'était guère probable que la constitution d'Angleterre fût digne, un siècle après, d'être proposée comme modèle à toutes les nations civilisées.

Les lois de trahison, invention tyrannique de Henri VIII, avaient été abolies sous Edouard VI, mais la cour de la chambre étoilée, la cour de la haute commission subsistaient encore. Ces deux tribunaux, sans règles fixes de décisions, imposaient arbitrairement des amendes, prononçaient des emprisonnemens et infligeaient des châtimens corporels : un simple ordre du conseil privé suffisait pour motiver leurs arrêts. La cour de haute commission connaissait spécialement du crime d'hérésie cette terrible juridiction, placée sous l'influence immédiate de l'autorité royale, était un instrument dont l'intolérance religieuse fit un fréquent et déplorable usage.

La loi martiale établie pour les cas de révolte et de troubles était fréquemment appliquée à des crimes d'une autre nature. Au moyen de l'extension donnée à cette loi, tout infortuné qu'il plaisait au prévôt, ou au gouverneur d'un comté, ou à leurs députés, de soupçonner, pouvait être puni comme rebelle ou complice de rébellion (1).

Enfin, ce droit si ancien et si important, de voter les subsides, était éludé et presque détruit : les rois, qui craignaient de trouver de l'opposition dans le parlement, pour la levée des impôts, exigeaient des emprunts, dont la quotité et la répartition étaient fixées arbitrairement, et, dont la perception était assurée par des moyens violens, tels que l'emprisonnement. La demande de la bénévolence, ou don gratuit, était encore un moyen d'extorquer de l'argent sans le concours du (1) Hume.

TOME I.

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parlement. Dans l'énumération des abus qui existaient à cette époque, on ne doit pas oublier le droit de la pourvoirie; ce droit très-ancien consistait à acheter les provisions nécessaires à la maison du roi au prix fixé par les pourvoyeurs euxmêmes.

CHAPITRE V.

Maison de Stuart.

Voilà dans quelles circonstances, Jacques Ir, déjà roi d'Ecosse monta sur le trône d'Angleterre : les deux couronnes se trouvèrent ainsi réunies sur la tête du même prince; mais les deux royaumes conservèrent leurs lois et leur administration particulières.

Jacques voulut régner en maître comme les rois auxquels il succédait; mais, soit que son caractère personnel lui ôtât les moyens de conserver le pouvoir absolu, soit que la nation fût fatiguée du joug, les communes résistèrent ouvertement aux prétentions du monarque; et l'on vit alors ce parlement, si humble et si obéissant sous les princes de la maison de Tudor, revendiquer ses droits avec hardiesse, attaquer les prérogatives de la couronne, et plus tard conduire un roi sur T'échafaud.

Les prétentions du parlement furent d'abord sages et mesurées; la chambre des communes réclama, en 1604, le droit d'être seule juge de la validité des élections, et d'ordonner le remplacement des membres qui ne pouvaient siéger par un motif quelconque : après quelques discussions ce droit fut à-peu-près reconnu. Ensuite les réclamations devinrent plus étendues. Jacques répondit dans le parlement et dans ses ouvrages (1) qu'il était roi absolu, et que ces priviléges que la nation réclamait comme des droits n'étaient qu'un effet de la tolérance de ses ancêtres. En 1610, il termina un discours adressé au parle

(1) V. un livre de Jacques Ier, intitulé: Véritable Loi des Monarchies libres.

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ment, par ces paroles remarquables: « Je conclus donc, touchant le pouvoir des rois, par cet axiôme de théologie, que disputer le pouvoir de Dieu est un blasphême; mais que ⚫ les théologiens peuvent sans offense disputer de la volonté » de Dieu, et que cette dispute ou cette discussion est un de leurs exercices ordinaires. De même c'est une révolte • dans les sujets de disputer sur ce qu'un roi peut faire dans » toute l'étendue de son pouvoir. Mais les rois justes seront toujours prêts à faire connaître ce qu'ils veulent faire,

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s'ils

» ne veulent point encourir la malédiction du ciel. Pour moi, je ne serai jamais content qu'on dispute sur mon pouvoir, » mais je serai toujours disposé à faire connaître les motifs de » mes actions, et même à les régler par mes lois ».

De pareils principes, hautement professés par un roi qui n'avait ni un caractère, ni des forces capables de les soutenir, ne firent qu'irriter les esprits; ces germes de division entre la couronne et les chambres se développèrent assez rapidement. En 1621, on en vint à une rupture ouverte : les prétentions du parlement à une liberté entière dans ses discussions, et au droit illimité d'entrer dans la connaissance des affaires d'Etat, furent violemment repoussées par le monarque, qui, en répondant à une députation des communes, se servit de cette expression outrageante : ne sutor ultrà crepidam. Les communes irritées firent une protestation qu'elles consignèrent sur leur registre; le roi, par une mesure encore plus violente, se fit apporter le registre, et déchira la protestation de ses propres mains.

Cet éclat n'eut aucun résultat favorable pour le roi, et peu d'années après, il fit aux communes des concessions importantes pour prix de légers subsides: il consentit notamment à ce que les sommes qui lui seraient, accordées fussent payées à des commissaires du parlement chargés d'en faire l'emploi; et il ne put empêcher de passer un bill portant que tous les monopoles étaient contraires à la loi et aux libertés de la nation. Sous ce règne, le droit d'accusation contre les conseillers et

les ministres du roi fut exercé deux fois par la chambre des communes; en 1621, contre le célèbre chancelier Bacon, qui, sur son propre aveu, fut condamné comme concussionnaire; et en 1624, contre le comte de Midlessex, grand-trésorier.

Tel était l'état du royaume, et telle était la disposition des esprits, lorsque Charles I succéda à son père. On pourrait réduire l'histoire de ce malheureux prince à dire qu'après avoir manifesté des prétentions qu'il n'eut pas la force de soutenir, les concessions arrachées à sa faiblesse ne purent lui concilier la confiance de la nation, et qu'elles fournirent à ses ennemis des armes pour le perdre.

Les abus qui, sous le règne précédent, avaient excité tant de plaintes et de réclamations, subsistaient toujours; et Charles penchait, comme son père, à embrasser la doctrine du pouvoir absolu. En conséquence, la division ne tarda pas à éclater de nouveau entre le roi et le parlement : les subsides furent refusés ou accordés d'une manière insuffisante. Le monarque eutrecours, tantôt à la force, tantôt à l'adresse, pour se procurer, sans le concours des chambres, les sommes qui lui étaient nécessaires; il essaya de lever des emprunts ou des dons de bénévolence; il menaça le parlement d'établir de nouveaux conseils pour voter les subsides. Des emprisonnemens arbitaires exercés même sur les membres du parlement vinrent seconder ces mesures; mais tous ces efforts furent inutiles; et en 1627, le roi se trouva forcé de convoquer un parlement.

La chambre des communes parut, dès le commencement de la session, déterminée à obtenir la réforme des abus; elle se sentait soutenue dans son entreprise par l'opinion publique, qu'elle captivait sur-tout en défendant les idées religieuses, alors universellement répandues en Angleterre, et en réclamant l'exécution sévère des lois contre les catholiques.

Elle parvint enfin à son but; et dressa un acte nommé pétition ou requête de droit, dans lequel, après avoir exposé ses griefs et les titres sur lesquels elle s'appuyait, elle demandait expressément, qu'aucun don, prêt ou taxe quelconque

ne fût exigé sans le concours du parlement ; que personne ne fût emprisonné pour cause de refus de ces taxes; qu'aucun emprisonnement, pour quelque cause que ce pût être, ne fût arbitrairement exercé, et enfin que les commissions pour les procédures de la loi martiale fussent supprimées.

Le roi fit tous ses efforts pour empêcher ce bill de passer dans l'une et dans l'autre chambre: même après qu'il eut été adopté, il chercha encore à éluder, et au lieu de prononcer la formule ordinaire du consentement, il fit une réponse évasive dont le parlement ne se contenta point.

En sorte qu'après avoir montré sa mauvaise intention, il fut forcé de donner son consentement en termes formels.

Cet acte qui aurait dû satisfaire les vœux des communes, et que le roi aurait dû regarder comme une concession juste et raisonnable, ne parut aux communes qu'un moyen pour acquérir un pouvoir plus étendu; au roi qu'une atteinte à ses prérogatives, qu'un attentat dont il devait se vénger. Ainsi au lieu de ramener la paix, la pétition de droit prépara de nouvelles querelles.

Les motifs, ou si l'on veut, les prétextes des plaintes que le parlement forma dans les sessions suivantes étaient : l'inobservation des lois contre le papisme, ou du moins, l'indulgence qu'on accordait aux catholiques pour de l'argent : et la levée du droit de tonnage et de poundage sans le concours du parlement (1). Il paraît que dans l'origine, ce droit était accordé par le parlement pour toute la durée du règne. Charles demandait que rien ne fût innové, mais les communes voulurent que le roi fût obligé de réclamer cet impôt toutes les fois qu'il en aurait besoin. Le prince suivit, en cette occasion, sa marche ordinaire: il prit des mesures violentes dans lesquelles il n'eut pas la force de persévérer. La dissolution du parlement de 1629 fut ordonnée; mais avant de se

(1) Le droit de tonnage était levé sur les vins importés en Angleterre, et celui de poundage était un droit de douze deniers par livre de la valeur de toute espèce de marchandises importées dans le royaume.

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