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turnin, etc., nous prouve qu'actuellement cet homme n'est point sous l'influence de l'intoxication saturnine, mais ne nous prouve pas qu'il n'y ait jamais été.

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En résumé, notre malade a été atteint d'une maladie des voies digestives, hépatiques et urinaires, ayant, d'après la narration de M. Segond, des ressemblances et des dissemblances avec la colique saturnine. Cette affection est suivie de la manifestation de la perte du mouvement d'extension des extrémités des membres supérieurs et inférieurs, paralysie parfaite image de celle qui caractérise une des formes de l'empoisonnement saturnin. Cet individu a exercé une profession dont les ouvriers peuvent contracter des ma- · ladies saturnines, et il a avalé une boisson qui a été suivie presque immédiatement des accidents précités; d'un autre côté, il s'est trouvé exposé, dans un climat malsain, à toute espèce de vicissitudes atmosphériques, que plusieurs regar- › dent comme pouvant donner naissance à ces deux maladies. L'appréciation que nous avons faite de l'influence de chacune de ces causes nous porte à penser, sans preuve certaine cependant, que c'est la dernière circonstance qui a occasionné la paralysie dont est encore atteint aujourd'hui Coudray.

Cette seule observation ne nous prouve donc pas qu'il y ait à Cayenne une maladie produite par le climat de ce pays et semblable à l'empoisonnement saturnin; elle ne prouve pas non plus que cette maladie ne règne pas endémiquement dans cette contrée intertropicale. Nous nous trouvons toujours dans la même incertitude relativement à l'étiologie, à l'existence et à la physionomie de la colique végétale, dite des Indes, de Cayenne. Espérons que cette incertitude cessera bientôt, grâce à l'activité et au zèle d'un

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de nos correspondants, M. Segond, qui cherchera, je l'espère, à éclairer complètement ce point important de la pathologie par de nouvelles recherches faites avec toute la sévérité et tout le soin possible, et en dehors des opinions préconçues des auteurs qui ont écrit sur cette maladie sans l'avoir jamais observée. C'est alors que nous nous estimerons heureux d'avoir par nos doutes provoqué des recherches propres à éclairer cette belle question; et si l'on parvient un jour à prouver l'existence de cette mystérieuse maladie, eût-elle la même physionomie que celle produite par le plomb, ce qui ne nous paraît pas probable, nous serons des premiers à admettre ces vérités; car, avant tout, nous aimons et recherchons la vérité, et nous croyons qu'on peut quelquefois appliquer à la médecine cet adage:

Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.

DU

TRAITEMENT DU VER SOLITAIRE PAR LA FOUGÈRE MALE,

Mise en parallèle avec l'écorce de la racine du grenadier sauvage;

PAR M. RONZEL PÈRE,

Docteur en médecine à Saint-Étienne-aux-Claux (Corrèze).

Un grand nombre de médecins nous ont enseigné la méthode d'expulser le ver solitaire du tube intestinal, et leur traitement a presque uniquement consisté dans l'administration de la racine de fougère mâle ou de l'écorce de la

racine de grenadier sauvage; mais peu se sont suffisamment éléndus sur les accidents qu'il produit et sur les signes qui indiquent sa présence.

Ces signes sont équivoques et pathognomoniques. Les équivoques, en assez grand nombre, consistent principalement dans des coliques légères et fréquentes, des malaises plus fréquents encore, des inquiétudes incessantes, des cardialgies, principalement à jeun ; des douleurs sympathiques dans diverses parties, dans le dos surtout; des borborygmes, des ennuis qui font désespérer les malades de leur guérison, un sentiment de froid dans l'abdomen et les extrémités inférieures, des sensations incommodes d'incube et de succion vers l'épigastre; des douleurs à la poitrine qui s'étendent souvent jusqu'à l'épaule, des démangeaisons aux narines, au fondement, assez souvent des attaques épileptiques qui persistent ordinairement jusqu'à l'expulsion du ver. Tous ces signes, rarement réunis sur le même individu, ne donnent pas une certitude de la présence du ver: le vrai signe, le signe certain, le signe pathognomonique, se décèle par la présence des débris qui se trouvent dans les matières fécales des malades.

Ces débris paraissent plus ou moins souvent, au nombre d'un, de deux, de trois et quelquefois de plusieurs. C'est presque toujours des articulations séparées, bien distinctes, qui se remuent parfois; d'autres fois, ce sont des lambeaux plus ou moins longs du ver désorganisé et sans vie. Ces débris ou lambeaux nous annoncent toujours, de la manière la plus certaine, la présence du ver, et il est prudent de ne pas hasarder le remède sans cette certitude. Deux fois, sur l'insis tance des malades et la présence de la plupart des signes

équivoques ci-dessus relatés, j'ai administré la fougère mâle, et deux fois le traitement a échoué.

Le ver solitaire ne produit pas toujours les mêmes accidents chez tous les malades: il en est qui en sont peu incommodés; c'est en général ceux qui l'ont gardé peu de temps. Ses ravages augmentent au contraire chez ceux qui en sont atteints depuis deux et trois années, et surtout depuis plusieurs. Ils deviennent valétudinaires, perdent l'appé. tit, maigrissent et éprouvent des sensations si incommodes, qu'ils ne peuvent les exprimer. Quelques-uns deviennent sujets à des attaques épileptiques qui persistent jusqu'à la mort ou à la destruction du ver, qui est expulsé quelquefois inopinément sans avoir pris aucun remède.

Je citerai ici un exemple remarquable des ravages produits par le ver solitaire lorsqu'on le garde long-temps.

Louis Chevalier, cultivateur, d'un tempérament robuste, âgé de quarante-un ans, du village de Crescence, près Herment (Puy-de-Dôme), était atteint du ́ver solitaire depuis dix ans. Après avoir éprouvé la plupart des accidents dont j'ai parlé, Chevalier était devenu tellement valétudinaire qu'il ne quittait plus le lit. Il y était toujours en mouvément, se plaignant continuellement de maux divers; remuant sans cesse ses bras et ses jambes, devenus tellement flexibles qu'il portait ses talons derrière la nuque. Il était fortement amaigri, ne prenant pour tout aliment que trois ou quatre litres de lait par jour.

Louis Chevalier avait consulté bien des médecins dans l'espace de dix ans et fait beaucoup de remèdes; mais toujours inutilement on n'avait pas pensé au ver solitaire ni à son antidote. Appelé auprès de lui, je m'informai s'il ne rendait point, de temps en temps avec les fèces, de petits

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morceaux de ver blancs et plats: sur sa réponse affirmative, je fus convaincu qu'il avait le tenia, surtout lorsqu'il m'assura qu'il faisait de ces débris souvent et depuis fort long-temps.

Je lui administrai, sans aucune préparation, la fougère mâle, à la méthode de M. Bourdier le ver fut rendu le même jour dans un lavement fait avec la même décoction. Chevalier fut débarrassé des maux divers qu'il avait éprouvés et bientôt rétabli. Il a toujours joui depuis d'une bonne santé, et n'est mort que l'année dernière, âgé de quatrevingt-un ou quatre-vingt-deux ans. Le lait, qu'il prenait en quantité, le soulageait toujours pour quelques moments. Il est constant qu'il soulage aussi les autres personnes atteintes du tœenia.

Quelques médecins prétendent aussi que l'eau froide calme les douleurs occasionnées par le ver solitaire en l'engourdissant; je n'ai pu vérifier le fait tous les calmants ordinaires ne produisent que des effets passagers.

J'ai pu me convaincre, dans ma pratique, que le tœnia se renouvelait quelquefois au bout d'un certain temps, et je l'ai fait rendre jusqu'à trois fois à la même personne, dans l'espace de dix-huit mois. Il ne m'est jamais arrivé d'en faire rendre deux à la fois. Ayant la précaution de délayer les ma tières avec lesquelles il vient après le purgatif, dans plusieurs seaux d'eau, j'ai pu me convaincre qu'il n'y avait qu'un seul ver en ne voyant qu'une seule tête jointe à un col assez allongé. Il ne m'est pas arrivé non plus de le voir sortir par l'effet des vomitifs.

Il est fort difficile de s'assurer de la longueur du ver solitaire, parce qu'il vient presque toujours en débris de diverses longueurs une seule fois, dans quarante-quatre ans

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