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tions du développement et de la manifestation du typhus, il faut néanmoins reconnaître que, pour ces états pathologiques, il existe ce qu'on a désigné sous le nom de germe épidémique, c'est-à-dire quelque chose qui échappe à toutes les données de l'observation et de la logique; aussi est-il des cas où le traitement ne saurait être rationnellement assis.

Les causes sont incertaines, les symptômes variables, changeants, irréguliers, contraires même, peu développés, et donnant de perfides espérances; les autopsies présentent des altérations de texture nombreuses, légères, profondes, variées ou nulles. Dans des cas difficiles, l'analogie nous reste comme dernière ressource; il faut employer, dans dé pareils cas, les médicaments qui ont eu du succès dans des maladies qui avaient, avec celle qu'on a sous les yeux, des caractères semblables et analogues.

Et, qu'on le remarque, nous parlons d'analogie et non d'identité; ce sont deux termes qui ont un sens bien différent. Le second n'est applicable qu'aux faits de la inathématique pure, qu'à ceux qui intéressent la matière inerte ; le second, au contraire, peut appartenir à la science des corps vivants, à leur physiologie comme à leur pathologie. Ces réflexions disent le degré de confiance que nous attachons à la méthode numérique appliquée à l'étude et au traitement des affections pestilentielles.

Parce qu'un ordre de médicaments, une médication quelconque aura plus souvent réussi dans ces graves maladies que tout autre moyen curatif, on n'est pas en droit de l'appliquer aux nouveaux cas qui se présenteront. Il peut arriver que ce qui a été logique et utile cent fois devienne funeste une cent et unième. Le rôle des praticiens n'est pas de compter, mais d'interpréter les observations: non nume1840. T. IV. Décembre.

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randa, sed perpendende observationes. La méthode numérique n'est que l'empirisme le plus facile et souvent le plus dangereux.

Dans le dernier concours qui a eu lieu à la Faculté de Paris, nous avons entendu exprimer la même pensée d'une manière qui, pour être spirituelle et ingénieuse, n'en est pas moins pleine de justesse et de vérité.

La statistique médicale, disait l'un des candidats à la chaire de pathologie interne, amène à cette conséquence, qui n'a pas besoin d'être réfutée ses chauds partisans devront présenter au malade la liste des succès et des revers, et l'engager à choisir, voir s'il adopte le chiffre le plus élevé ou celui qui l'est le moins, se diriger d'après sa détermination, réduire en un mot la pratique médicale à une question de minorité et de majorité. Tout cela peut être fort constitutionnel, mais ce n'est pas du tout médical.

L'histoire des états pathologiques que nous étudions milite plus que toute autre contre les prétentions qu'on a élevées à cet égard.

Il n'est pas deux épidémies de peste, de fièvre jaune, de choléra ou de typhus qui soient identiquement les

mêmes.

Il n'est pas deux observations de chacune de ces affections qui aient offert ce caractère.

Il n'est pas deux maladies quelconques qui l'aient également présenté.

Il n'est pas de méthode thérapeutique qui, à priori, soit applicable d'une manière invariable et absolue.

Qu'on ne croie pas néanmoins que nous rejetions entièrement la méthode empirique dans le traitement des typhus, mais nous regardons comme une exception ce qu'on a voulu

poser comme une règle; on ne doit agir ainsi que lorsque les faits ne peuvent être interprétés, ou que la pratique infirme les déductions sur lesquelles on faisait reposer la thérapeutique. Alors, d'ailleurs, il faut procéder par tâtonnements, par essais prudents et timides, à juvantibus et lædentibus, comme disaient les anciens. C'est le seul cas où, selon nous, l'empirisme peut être employé, c'est alors seulement qu'il est admissible.

Comme médecin convaincu de la dignité et de l'utilité de la profession, nous protestons contre le rôle que la méthode numérique imposerait au praticien. Nous avons trop 'de foi dans l'étude de l'homme malade, considérée comme science et comme art, pour accepter le rôle que les mathéma- ticiens voudraient nous imposer, et nous croyons que notre mission est à la fois et plus belle et plus difficile.

D'après ce qui précède, il est facile de voir que le traitement des affections pestilentielles est complexe, comme les états pathologiques contre lesquels il est dirigé. Nous avons voulu démontrer qu'il devait être basé sur la nature même des typhus, et comme nous avons cherché à déterminer celle-ci d'après l'ensemble des circonstances qui président à leur pathogénie et à leur mode de développement et de terminaison, nous avons été obligés de suivre la même méthode pour la thérapeutique.

L'étiologie nous a fourni des indications utiles; nous les avons constatées. La séméiologie, la symptomatologie et l'anatomie pathologique nous ont apporté des lumières que nous avons acceptées; mais dans les observations malheureusement trop nombreuses où l'épidémie ne pouvait être expliquée, où son apparition, sa marche, son caractère échappaient à nos interprétations, où les investigations de

la physique et de la chimie devenaient inutiles, comme l'observation directe ou le microscope étaient aussi impuissants que le scalpel, nous avons invoqué la méthode par exclusion, parce que seule elle était possible.

Ainsi se trouve justifiée cette assertion, que le traitement des états morbides en général, et de la classe des typhus en particulier, ne doit être que le corollaire et la conclusion de l'étude des causes externes et internes, de celle des signes, des symptômes et des autopsies cadavériques. La pratique, voilà le but : les théories qui n'y aboutissent pas sont des

œuvres morles,

Les considérations auxquelles nous venons de nous livrer ont dû faire sentir toute l'importance de l'étude des affections pestilentielles. Cette question exigerait des développements dans lesquels nous ne pouvons entrer. Notre travail est une étude et non un traité ex professo; nous avons dessiné les grandes lignes, nous avons présenté le cadre; c'est à de plus habiles que nous à le remplir.

QUELQUES FAITS

RELATIFS A LA PATHOLOGIE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ;

PAR M. PRUS,

Médecin de la Salpêtrière.

(Mémoire lu à la Société de médecine de Paris, et imprimé par décision de la Société.)

Malgré les progrès, aussi importants que réels, imprimés depuis trente ans à l'étude des maladies de la moelle épi

nière, cette partie de la science est encore bien imparfaite. Les lacunes qu'elle présente sont tellement nombreuses qu'il y aurait quelque imprudence à vouloir établir prématurément des doctrines qui seraient, dans un avenir prochain, sinon complètement détruites, au moins considéra-, blement modifiées. Vous me pardonnerez donc, Messieurs, le parti que je prends, en vous rapportant, presque sans commentaires, des faits qui m'ont paru dignes de votre attention. Puissent-ils plus tard être rapprochés de faits analogues et amener quelques déductions utiles!

mités inférieures."

PREMIÈRE OBSERVATION.

lité de ces parties.

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Contracture des muscles extenseurs et fléchisseurs des deux extréConservation, mais altération de la sensibiParalysie progressive des sphyncters du rectum et de la vessie. - Ramollissement gélatiniforme des deux tiers inférieurs de la moelle épinière.

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Nicolas Gilles, âgé de trente-quatre ans, de taille moyenne, d'une bonne constitution, exerçant l'état de tourneur sur bois, jouissait d'une bonne santé, lorsqu'en 1826, et sans cause connue, il sentit dans les jambes des engourdisse→ ments accompagnés de fourmillements. Ces engourdissements devinrent de plus en plus fréquents. Bientôt Gilles commença à s'apercevoir qu'il avait de la difficulté à mouvoir le pied à l'aide duquel il faisait habituellement tourner la roue du tour. Cette difficulté allant toujours croise sant, force lui fut d'abandonner le métier de tourneur pour prendre un état qui n'exigeât ni l'immobilité active de la station, ni les mouvements du pied. Il entra comme ouvrier dans un atelier de batteur de paillettes. Sa position

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