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non-seulement des animaux supérieurs, mais encore des animaux inférieurs. Il ne veut reconnaître à ce système qu'une action indirecte, médiate, en quelque sorte supplémentaire sur la production des phénomènes les plus généraux de la vie, dite organique. C'est là un des points culminants de la doctrine de M. Pidoux. Nous devons nous y arrêter un instant et le montrer dans tout son jour; car c'est à cette source secondaire de la chaleur animale qu'il va faire correspondre un grand nombre d'affections qu'il appellera spontanées, nerveuses, sympathiques, etc., auxquelles il refu sera le titre de fonctions pathologiques, et qui ne sauraient prendre rang parmi les fièvres essentielles. Notez-le bien : il y a dans les affirmations qui précèdent le germe d'un système nosologique qui doit se frayer une issue plus tard.

On s'est habitué, dans ces derniers temps surtout, à faire jouer au système nerveux un rôle universel dans la produc-. tion des phénomènes de la vie. C'est la voie ouverte par Haller, qui a conduit les physiologistes au point où nous les voyons arrivés aujourd'hui. Il serait assez difficile, au sein des préoccupations régnantes, de faire surgir et triompher une doctrine qui assignât au système nerveux un rôle plus modeste. En vain, faisant un appel à l'anatomie comparée et à l'embryogénie, serait-on en droit de le limiter aux phénomènes harmonisateurs de sensibilité et de contractilité en vain, éclairé par une savante et délicate analyse, seraiton en droit de ne lui accorder qu'une influence indirecte et médiate sur les phénomènes diffus et communs de caloricité et de plasticité le vent de la science qui souffle avec violence dans une direction opposée ferait courir de grands risques au novateur téméraire qui oserait l'affronter. M. Pidoux le sait bien; aussi il faut voir avec quelle inépuisable

verve, avec quel inextricable flot d'arguments il se jette dans la mêlée! Il faut voir comment il se cuirasse et comment il s'apprête à frapper le côté vulnérable de ses nombreux adversaires! On prend à cette lutte d'un seul contre tous un intérêt dramatique autant que scientifique. Le système nerveux, si on en croit M. Pidoux, est un système dont les usurpations croissantes ont étouffé les voix qui s'étaient élevées dès les temps anciens en faveur du tissu cellulaire aujourd'hui opprimé, annihilé. Il est temps de donner le signal de l'insurrection; le tocsin de la révolte doit enfin se faire entendre; et si pour obtenir le redressement des griefs, pour assurer le triomphe, l'appel aux vieilles et saintes traditions ne suffit plus, qu'on arbore un principe nouveau et qu'on s'écrie: Un appareil quelconque reçoit toujours le principe de son action spéciale de l'appareil immédiatement antérieur à lui dans l'évolution embryogénique et dans la série zoologique. Il paraîtra alors évident à tous ceux qui sont plutôt avides de doctrines nouvelles que partisans des anciennes, comme pour tous ceux qui recherchent la vérité avec bonne foi, sans subir le joug de leur orgueil ou de leurs préjugés; il paraîtra alors évident que le système nerveux, nouveauvenu dans l'évolution embryogéniqué et dans la série animale, loin de prétendre donner un principe d'action au système cellulaire qui l'a précédé et qui a pu se passer de lui, doit au contraire se résigner à reconnaître que s'il est assez heureux pour posséder un principe d'action, une capacité fonctionnelle, il le doit à la préexistence du tissu cellulaire, sans lequel il ne serait rien. Voyez l'aveuglement! le fils veut faire la loi à celui par qui il est; la partie veut régenter le tout; cet aveuglement doit cesser. Le système spécial rendra au système général le rang qui lui appartient. Le pou

voir harmonisateur, et si savamment hiérarchisé, du système nerveux, sera rappelé à la conscience de son origine et à la spécialité de sa mission. Ce sera en physiologie, comme en politique, le triomphe du principe de la souveraineté générale sur celui de la souveraineté d'une caste ou d'une famille. A bas les priviléges, même ceux du système nerveux, lorsqu'ils sont le fruit illégitime de l'usurpation !

Quel sera le résultat de cette provocation que nous venons de traduire en termes figurés, afin de mieux frapper l'esprit de nos lecteurs?... La lutte s'engagera-t-elle? J'en doute fort. Pour mon compte, je voudrais bien qu'elle s'engageât, car, indépendamment des émotions qu'elle occasionnerait et qui font toujours du plaisir, elle ferait jaillir d'intéressantes révélations. Mais je crains bien que, pour long-temps au moins, l'idée de vie et celle d'innervation ne puissent pas divorcer dans l'esprit des physiologistes. Voyez ce qu'ils ont fait ils ont résolu d'octroyer une matière nerveuse diffuse (qu'ils n'ont jamais vue) aux amorphozoaires, voire même un système ganglionaire aux végétaux, plutôt que de refuser au système nerveux le rôle d'incitateur biotique, ou, comme vous le diriez, d'agent ou de support du principe vital. Vous-même, M. Pidoux, vous adoptez l'hypothèse d'Ocken, de Carus, de M. de Blainville, tant la contagion est grande, envaliissante. Il est vrai que vous ajoutez qu'une matière nerveuse diffuse ne représente pas un système, c'est-à-dire une série d'organes ou d'appareils coordonnés hiérarchiquement en vue d'une fin plus où moins éloignée. Mais cette explication n'exclut pas la contradiction que je vous reproche, Impressionnabilité, contractilité, caloricité el plasticité, telle est, selon vous, la série des phénomènes de la vie de l'animal et de l'homme

considéré en tant que vivant. En vain, vous voulez scinder par le milieu cette série indivisible, en vain vous voulez séparer dans votre esprit les deux premiers des deux der. niers; vous vous trouvez entraîné à les confondre, par cela seul que vous admettez l'indivisibilité de la trame cellulaire et de la matière nerveuse. Vous donnez, ce me semble, aux phénomènes de la nutrition et de la calorification, deux supports au lieu d'un seul, le tissu cellulaire et la matière nerveuse, au lieu du seul tissu cellulaire. Mais supposons que, procédant logiquement, vous refusiez cette matière nerveuse aux amorphozoaires, je vous le répète, vous ne viendrez pas à bout de vous faire entendre des physiologistes. Au train dont ils vont, ils ont bien autre chose à faire qu'à vous écouter. C'est à qui découvrira, par les expériences les plus burlesques, quel est le renflement, le lobe, le lobule, le ganglion, le ganglionule, le nerf, le filet, etc., qui préside aux phénomènes les plus formidables de la vie de relation, de la vie animale et même de la vie spirituelle. C'est à qui découvrira, par des expériences plus burlesques encore, l'influence qui appartient au cerveau, au cervelet, aux moelles allongée et épinière, au grand sympathique, dans la production des phénomènes les plus imperceptibles de la vie de nutrition. Aussi quelle Babel que la physiologie qu'ils ont édifiée! Que d'efforts incohérents pour nous démontrer en définitive que Ja lésion par le fer et le feu des grands appareils du système nerveux est nuisible à la santé, funeste à l'intégrité des fonctions de l'organisme! Voyez la merveille! Evidemment, en dehors de cette admirable induction, ils ne s'entendent plus eux-mêmes. Eh bien! malgré cel énorme inconvénient de n'avoir pas une opinion un peu originale qui ne soit contestée par le voisin, nos physiolo

gistes positifs iront long-temps encore dans la direction du vent qui les emporte, et toutes vos bonnes ou mauvaises raisons ne les en détourneront point. La routine de tous est une force capable d'abattre l'énergie, non-seulement d'un seul, mais même de plusieurs. Toutefois, ne désespérez point. Si vous êtes dans le vrai, si vous enseignez la vérité, prêchez sur les toits et dans le désert, allez toujours; vous aurez ravivé la source qui, dans la tradition, ne doit jamais tarir. Ce qui n'est aujourd'hui qu'un filet d'eau pure et limpide arrosant quelques rares oasis, se convertira plus tard en nappes argentées qui féconderont le sol un moment desséché de la science.

Revenons à notre exposition.

T..

A l'instant bù un animal s'élève dans la série, il se trouve doué de fonctions spéciales qui établissent des rapports nouveaux avec le monde extérieur, et qui compliquent le mécanisme physiologique de son organisme. Lorsque ces fonctions spéciales se dessinent, un système nerveux devient nécessaire, soit pour servir de support aux phénomènes d'impressionnabilité et de contractilité (qui ont pourtant lieu dans les amorphozaires privés d'appareils spéciaux), soit pour constituer des relations consensuelles et harmonisatrices nécessaires à la synergie de ces appareils, là où ils existent. Chez l'étre vivant, doué de ces appareils, « les gan» glions viscéraux, la moelle épinière, avec toutes ses dé» pendances, et le nerf grand sympathique qui unit ses dif»férents centres d'actions nerveuse, viscérale, sensitive et » locomotrice, én un mot, ce que nous nommons le cercle » ganglio-rachidien, » constitue le support de la calorification herveuse, ou par influx. Nous avons de la peine à exposer toute la pensée de M. Pidoux, lorsqu'il s'efforce de nous 1840. T. IV. Octobre,

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