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trois ou quatre mois avant sa mort, qu'il commença à éprouver de petits accès de vertige avec perte momentanée de la vue. Il ressentit aussi un peu de faiblesse et d'incertitude dans les mouvements des membres inférieurs : après le moindre excès, il avait peine à s'empêcher de tomber dans la rue en marchant. Il était toujours pâle et froid; souvent il était tellement faible qu'il était forcé de s'appuyer contre un mur pour se soutenir : deux fois on le rapporta chez lui dans un état de syncope complète. A son entrée à l'hôpital, on observa les symptômes suivants : figure pâle et livide, anasarque générale, sensation de froid dans tout le corps dyspnée très-grande, orthopnée, pouls variable et intermittent, donnant cent vingt pulsations; anxiété très-forte, rèves effrayants. Sur toute la région cardiaque on percevait un frémissement fort intense: le premier bruit du cœur s'accompagnait d'un souffle bruyant. Les contractions du cœur paraissaient énergiques et tumultueuses; il y avait de la matité depuis la seconde jusqu'à la huitième côte. La seconde fois que le malade fut examiné, le frémissement cardiaque était encore plus remarquable, ce qui paraissait tenir à la diminution du bruit de souffle. L'anasarque et l'orthopnée continuaient, et le malade se plaignait de nausées, de vomissements, de céphalalgie et d'accès de faiblesse se terminant par une syncope. Il y avait aussi des attaques épileptiformes, mais non accompagnées d'écume à la bouche. L'intensité du frémissement cardiaque alla toujours en augmentant. Bientôt on entendit au côté droit du cœur un frottement très-distinct; les mouvements du cœur étaient très-tumultueux, il y avait douleur dans la région cardiaque accompagnée d'un sentiment de suffocation et d'impossibilité de se coucher sur le côté droit : il avait un désir extrême de dormir, mais craiguait de se livrer au sommeil de peur d'être suffoqué. Il se plaignait d'une sensation d'agitation dans la poitrine, il lui

semblait qu'il y avait dans sa poitrine un oiseau vivant. Le frémissement était devenu si intense qu'on pouvait le sentir à travers les couvertures. Ce bruit continuel, le sentiment de suffocation, les battements tumultueux du cœur, les syncopes, les nausées, les rêves effrayants, avaient réduit le malade au désespoir. En même temps que le frémissement augmentait, le bruit de souffle diminuait. Le 2 avril, les battements du cœur étaient encore forts et tumultueux, mais le pouls était faible. Il survint un accès épileptiforme et le malade mourut le lendemain. L'autopsie fut faite péu d'heures après la mort. Le péricarde et le cœur étaient sains. Rien d'anormal aux ouvertures auriculo-ventriculaires. Le ventricule gauche était dilaté, mais sans hypertrophie ; le droit peut-être un peu plus épais que dans l'état normal: tous deux étaient remplis de sang noir liquide. En ouvrant l'artère pulmonaire, on découvrit une petite ouverture qui la faisait communiquer avec l'aorte, tout près de son origine. Cette ouverture paraissait déjà ancienne, car ses bords étaient épais et arrondis. Au niveau de cette communication l'aorte était dilatée, et sa membrane interne présentait des traces évidentes d'artérite. On pouvait enlever de sa surface interne plusieurs couches pseudo-membraneuses. Probablement l'ouverture s'était formée quand la santé du malade commença à se déranger. On ne remarquà dans les autres organes d'autre altération qu'une forte congestion de la partie postérieure des deux poumons. On ne trouva, pour expliquer le bruit de frottement perçu pendant le séjour du malade à l'hôpital, que la présence d'un assez grand nombre de vésicules aériennes sous-pleurales à la surface du lobe inférieur du poumon gauche. Il en existait quelques-unes, mais en beaucoup moins grand nombre à la surface du poumon droit. Ce cas serait un de ceux dans lesquels, comme le pensait Láënnec, un emphysème sous-pleu

ral peut, sans pleurésie concomitante, déterminer un bruit de frottement très-notable.

(Dublin journal of medical sciences, september 1840.)

IV. Cas de succès de la transfusion du sang pour une hémorrhagie traumatique; par S. LANE. —G. F., âgé de 11 ans, était affecté de strabisme dont ses parents désiraient beaucoup qu'il fût guéri. Le docteur Lane se décida à pratiquer la section du muscle droit. L'opération ne présenta rien de particulier, sinon que l'enfant eut une syncope, et que l'écoulement du sang fut plus abondant que cela ne s'observe habituellement. Mais il ne tarda pas à s'arrêter, et l'enfant put retourner à pied chez ses parents.

Mais dans la soirée M. Lane fut appelé parce que l'hémorrhagie avait reparu. Au bout d'une demi-heure il parvint à l'arrêter : il apprit qu'un quart d'heure après le retour de l'enfant (midi ), le sang avait commencé à couler et n'avait pas cessé pendant 6 ou 7 heures. Il apprit de plus que cet enfant avait déjà été plusieurs fois en danger par des hémorrhagies survenues à la suite de plaies fort légères. Il y a quatre ans il était entré à l'hôpital de Guy pour une hémorrhagie causée par l'extraction d'une dent elle avait duré 4 jours entiers. Six mois plus tard il fut admis dans le même hôpital pour la même cause: l'éc coulement sanguin s'était prolongé 15 jours. Quelques mois plus tard s'étant fait une petite coupure au doigt," 'il perdit beaucoup de sang on y remédia par la compression. En septembre 1839 il était à l'hôpital Saint-Georges pour une affection de l'articulation du genou; des sangsues furent appliquées; on eut beaucoup de peine à arrêter le sang; il fallut fermer les piqûres au moyen de la suture entortillée. Dans le cas actuel l'hémorrhagie persista avec quelques interruptions pendant 6 jours et 5 nuits, mal

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gré l'emploi de tous les moyens ordinaires, soit généraux soit locaux. Les interruptions à l'écoulement du sang s'obtenaient en comprimant la petite plaie ou en plaçant le malade sur son séant ce qui déterminait un état de demi-syncope. Quelquefois le sang continuait à couler bien qu'on ne sentit pas le pouls aux artères radiales; mais on sentait toujours distinctement les battements du cœur. Le sang paraissait plus fluide et moins coagulable que dans l'état normal; il semblait que ce fût de l'eau sanguinolente qui coulait le long du visage. Quelquefois cependant il se prenait en un caillot très-mou. Le troisième jour on parvint à se rendre maître pendant quelques heures de l'écoulement sanguin par l'application d'un tampon de pluche saupoudré de gomme adragante, de la grandeur de la main de l'enfant, placé sous l'orbite et maintenu solidement. Mais bientôt l'hémorrhagie reparut plus abondante que jamais et il fallut renoncer à ce moyen. Le quatrième jour, l'estomac rejetait tout ce qu'on tentait de le lui faire prendre; l'enfant était dans un état d'extrême faiblesse. L'hémorrhagie continua aussi long-temps qu'on put sentir les battements des carotides. Le cinquième jour il était dans un état presque continuel de syncope; il eut deux accès convulsifs très-effrayants, accompagnés de vomissements; les matières rejetées de l'estomac n'ayant pas été rendues par la bouche, le malade fut sur le point d'être asphyxié. La mort était imminente; ce qu'il y avait à faire devait être fait promptement. M. Lane se décida pour la transfusion; au moment où il allait la pratiquer l'hémorrhagie s'arrêta et le moribond parut se raviver un peu. L'opération fut remise. Le lendemain il était dans un état pire encore, s'il est possible, que le jour précédent. L'hémorrhagie avait recommencé pendant la nuit. Les traits du visage étaient décomposés, la peau pâle avec le froid de la mort; pas de

pouls; immobilité complète. La transfusion ne pouvait être retardée plus long-temps sans perdre toute chance de succès. Elle fut pratiquée à 7 heures du soir en présence de plusieurs personnes.

Une veine étant choisie au pli du bras, on fit à la peau une incision d'un pouce d'étendue parallèle au vaisseau. Un stylet d'Anel fut passé sous la veine à la partie inférieure de l'incision, afin de soulever la veine, de la maintenir et d'empêcher la sortie du sang au moment où on l'ouvrit avec une lancette. L'appareil préalablement chauffé, on introduisit dans la veine la canule de la seringue pour s'assurer qu'aucun obstacle ne se présentait; on la retira pour charger de sang la seringue avec environ deux onces du sang d'une jeune femme forte et bien portante. Après avoir bien expulsé tout l'air qui pouvait être contenu dans l'instrument, on réintroduisit la canule dans la veine. Mais, malgré toute la célérité qu'on y avait mise, le sang avait déjà commencé à se coaguler. On renonça à l'employer. Il fallut recommencer avec plus de précaution et par un pro'dé plus expéditif. Une demi-once de sang fut d'abord injectée, et progressivement on poussa la quantité de sang introduite jusqu'à cinq onces et demie.Ce ne fut pas sans interruption qu'on put le faire. Il fallut quatre fois retirer l'appareil à cause de la tendance du sang å se coaguler. Quand la jeune femme eut perdu dix à douze onces de sang, le jet commença à diminuer et il fallut renoncer à en obtenir une plus grande quantité. Les bons effets de l'opération ne purent s'observer immédiatement. Le pouls seul reparut au moment même de l'injection. Mais au bout d'une heure ou deux le malade put se soulever et boire, sans qu'on l'aidât, un verre d'eau et de vin; il était difficile en ce moment de pouvoir se figurer que ce fût bien là le malade qui était expirant quelques heures auparavant. L'hémorrhagie de

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