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pas seulement un témoignage précieux de la difficulté qu'il avait à vaincre et de la manière dont il a cru pouvoir s'en tirer, mais elle est encore le point de départ de l'humorisme pyrétologique que notre auteur semble vouloir reconstituer sur de nouvelles bases. Cette réponse est le premier pas un peu téméraire, après toutefois la définition du stimulus rapportée plus haut, qu'il ait aventuré dans la carrière. Ce premier pas fait, les autres se suivent avec une croissante rapidité. Décidément à la hardiesse de la pensée qui distingue éminemment ce qui précède, il fait succéder une audace, une témérité que rien n'arrêtera; ainsi, par exemple, il va conclure: 1° qu'un stimulus, physiologique fourni au sang par le gaz vivifiant produira une chaleur physiologique; 2o qu'un stimulus pathologique fourni au sang par un gaz délétère, par une matière hétérogène et irritante, produira une chaleur morbide, une fièvre; 3° que, bien que ces deux manifestations de la chaleur, la chaleur physiologique et la chaleur pathologique, ne se ressemblent pas (febris est calor præter naturam), toutes deux pourtant sont produites selon le même mécanisme et subordonnées à des lois identiques.

En d'autres termes : dans la fièvre, comme dans la fonction de calorification, comme dans la fonction d'assimilation, le phénomène a lieu en vertu du stimulus qui est le sang, du support qui est le tissu cellulaire, et de la capacité réciproque qui est la force vitale. Le caractère pathogénique qui distingue la fonction pathologique ou fébrile, des fonctions physiologiques ou non fébriles, est fourni par la présence dans le sang d'un stimulus morbifique. Celui-ci tenant la place d'un stimulus normal est bientôt manifesté par la réaction de la force vitale obligée d'accroître la capacité du support ou du tissu cellulaire pour tenter l'assimilation re

belle de ce stimulus ou pour en provoquer l'élimina

tion.

II. Jusqu'ici M. Pidoux n'a rien négligé pour nous faire partager ses illusions de doctrinaire hippocratiste. A quelques hardiesses près que d'autres pourront appeler des hérésies, il s'est maintenu dans les limites du sanctuaire, puisque en définitive, il n'a fait que mettre ses observations et ses inductions au service du fameux axiome: natura medicatrix. Il a même été plus loin dans son orthodoxie : il a fait rentrer le stimulus, conception moderne et tant soit peu hétérodoxe, dans le giron hippocratique; il n'a pas craint pour cela, de fausser la signification traditionnelle de ce mot. Il a encore été plus loin : il a forcé le tissu cellulaire, ce support de la fonction vitale par excellence, de prendre sa place au soleil de Cos: il a ainsi poussé son zèle jusqu'à adopter à l'égard de ce tissu inoffensif la maxime fameuse : compelle intrare. Et pour dernier holocauste à l'orthodoxie, il a sacrifié le système nerveux qui a le malheur de venir un peu tard dans l'évolution embryogénique et dans la série zoologique. Il a peut-être fait preuve d'un zèle plus difficile et plus méritoire : il a sacrifié sa propre doctrine sur le rôle que jouent, dans la production d'un même phénomène morbide, tantôt le support, tantôt le stimulus, tantôt enfin la capacité récriproque. Tout entier à la restauration, dans la pathogénésie de la fièvre, de la discrasie humorale, de l'intempérie des qualités des liquides, de l'altération de la crase, il laisse dans l'ombre et la lésion du support et la lésion de la capacité réciproque elle-même qui devait conquérir une si grande importance; il ne songe qu'à mettre en relief l'altération du stimulus dans laquelle prennent leur source tou

tes les fièvres essentielles. S'il en était resté là, notre pathologiste, loin d'être accusé de prévarication, mériterait peutêtre la palme du martyre; car il n'aurait pas seulement dévoué toutes les forces de son esprit fertile en expédients à la défense, au triomphe et au développement de l'hippocra➡ tisme, il aurait encore sacrifié ce qu'il en coûte toujours beaucoup de sacrifier, cette même logique sévère pour laquelle il montre en toute occasion une si rare aptitude, une si profonde vénération.

Mais notre pathologiste ne s'est pas arrêté en si beau chemin. Il a bientôt mis le pied sur une route nouvelle. Nous allons l'y suivre.

Les lecteurs se demandent, sans doute, ce que devient le système nerveux dont nous avons eu à peine l'occasion de mentionner l'existence. Le rôle assigné à ce système par la physiologie et par la pathologie modernes est assez grand pour que celle question soit posée avec quelque malice. Serait-il possible qu'une tentative de vaste coordination des phénomènes de la vie eût lieu sans qu'il y fût question de ce système, à l'action duquel se rattachent tant et de si importantes fonctions? Cela ne saurait être, sans doute; mais il importe pourtant de bien s'expliquer. M. Pidoux ne s'est occupé jusqu'ici que des fonctions vitales communes; il n'a encore étudié la vie que dans ses manifestations les plus simples, la nutrition et la calorification. Il n'avait pas besoin d'aller au-delà pour arracher à la nature le secret pathogénique de la fièvre essentielle, générale, primitive. Il lui a suffi pour cela de trouver un support, le tissu cellulaire, un stimulus, le fluide nourricier, une capacité réciproque la force vitale. Ces trois éléments fonctionnels une fois trouvés, le système nerveux qui, en définitive, chez les êtres

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vivants qui en sont doués, entre pour quelque chose dans la recherche et l'élaboration du fluide nourricier ou du stimulus, devait prendre son rang et solliciter l'attention de notre pathologiste. Voici comment il explique le silence qu'il a gardé jusqu'ici. « On remarquera que, dans tout ce » qui précède, il ne nous est pas arrivé de prononcer une >> seule fois le mot système nerveux. En faisant intervenir çe » phénomène dans la calorification vitale, nous aurions » violé la loi formulée plus haut et que nous reproduisons » ici : Un appareil, un organe, un tissu quelconque ne reçoi» vent jamais ni leur raison d'activité, ni leur aptitude fonc»tionnelle, d'un appareil, d'un organe ou d'un tissu postérieur » à eux dans l'évolution embryogénique et dans l'échelle zoolo» gique. » Nous voici donc placé dans le sillon profond qu'a tracé devant M. Pidoux le deuxième ordre de données physiologiques que nous avons mentionné en commençant cet article. A la considération du support, du stimulus, et de la capacité réciproque succède la considération de l'ordre suivi dans l'évolution embryogénique et dans la série zoologique. A la science ancienne succède la science moderne. Le moment est arrivé où notre auteur s'élance sur une route inconnue en physiologie et en pathologie, et qui doit infailliblement le conduire vers des rivages inexplorés, dans un monde nouveau. Le défenseur passionné de la tradition va se montrer novateur et novateur fougueux, comme le sont en général ceux qui, tout en bouleversant de fond en comble l'ordre établi dans la société, croient de bonne foi ramener les choses dans la voie où elles étaient au commencement.

« Autant dans l'étude de la chaleur végétative, dit M. Pi» doux, nous avons négligé l'influence du système nerveux, » autant dans l'examen que nous allons faire de la chaleur

>> par influx nous serons obligé d'avoir recours à l'appareil de l'innervation. C'est même à lui seul que nous devons » nous adresser. La production de la chaleur, dont nous » venons de chercher le mode et les lois de génération, se »liait à l'exercice des actes qui produisent et qui entretien» nent immédiatement la matière organisée; tandis que la » production de celle qu'il nous faut maintenant étudier se lie » à l'exercice des forces spéciales dont les résultats sont pu»rement dynamiques et immatériels, incapables d'altérer » directement la matière organisée, de changer ses qualités et > sa composition, puisqu'elles sont destinées seulement à » lui imprimer des modifications de sensibilité et de mou>vement plus ou moins évidentes. » Pourquoi cette distinction si tranchée entre la chaleur végétative ou vitale et la chaleur par influx? parce que la première constitue la vie par excellence, ou le phénomène qui en est l'expression la plus générale, la nutrition; tandis que la seconde ne constitue en quelque sorte que l'ensemble des forces spéciales qui dirigent vers le phénomène général de la nutrition le mécanisme compliqué des animaux supérieurs et de l'homme. « C'est, dit encore M. Pidoux, comme si nous >> disions que tous jouissent d'un tissu cellulaire, d'un fluide >> nourricier et des fonctions nutritives qui résultent immé>> diatement de l'action réciproque de l'un sur l'autre; tan>> dis que tous ne sont pas doués d'un système d'influence » motrice, sensitive et harmonisatrice, c'est-à-dire d'un » système nerveux, vérité anatomique et incontestée. » C'est ainsi que notre auteur biffe d'un trait de plume tout ce que les physiologistes ont dit ou pu dire de l'action dynamique, directe et immédiate, du système nerveux sur les fonctions vitales communes, sur l'assimilation et la calorification,

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