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pour n'échapper pas aux malades eux-mêmes. Or, cette relation ne serait-elle qu'un simple fait de coïncidence? Croira-t-on qu'elle soit le résultat du hasard, de causes purement fortuites? Je ne le pense pas. Il y a là un lien de cause à effet, une preuve indirecte, mais presque péremptoire, qu'il s'opère dans certains aliments une transformation qui en rend l'emploi éminemment dangereux.

Toutefois, on a dû faire des recherches pour en déterminer la nature elles laissent beaucoup à désirer. Une chose s'oppose d'ailleurs à leur plein succès. C'est l'impossibilité de reproduire à volonté des conditions qu'on ignore. Il y a des cas où ni la vétusté, ni l'odeur, ni la saveur des aliments ne pourraient faire soupçonner leur altération. Forcé qu'on est de n'agir que sur des substances avariées, ce qui restreint tout-à-fait le champ de l'expérience, on n'arrivera jamais qu'à des résultats partiels et d'une valeur bornée. C'est l'aliment suspecté lui-même qu'il faudrait pouvoir soumettre à l'analyse et expérimenter sur les animaux. Cela serait surtout désirable quand les substances paraissent être dans leur état naturel. On l'a rarement fait, et il sera toujours difficile de le faire.

Ce qui ressort de moins obscur des travaux entrepris à ce sujet, c'est qu'il se formerait dans la plupart des cas et spécialement dans les viandes, un principe particulier acide, qui jouirait de propriétés délétères; mais on n'est pas d'accord sur sa nature. Schumann ayant traité par l'alcool des saucisses fumées altérées, obtint ce qu'il nomme un acide gras. Ce corps, soluble dans l'alcool et l'éther, saponifiant par les alcalis, irrite vivement la gorge. Des expériences faites sur les animaux avec cet acide furent à peu près stériles. M. Buchner est arrivé aux mêmes conclusions.

Emmert d'abord, et M. Berres de Vienne ensuite (1823) supposèrent l'un que l'agent toxique était de l'acide hydrocyanique, l'autre de l'acide pyroligneux. M. Saladin a extrait des corps gras à l'état de rancidité (voy. Journ. de ch. méd., t. vir, p. 325 1852) une substance qu'il regarde comme de l'acide oxiacétique; mais on n'a fait aucune expérience sur les animaux.

La partie graisseuse paraîtrait être le siége spécial de cette décomposition. On sait, en effet, avec quelle promptitude les huiles et les graisses exposées à l'air libre et à l'humidité rancissent et s'acidifient. L'absence d'accidents chez l'enfant de la famille Lecointe, qui n'avait point mangé de gras comme les autres, viendrait aussi appuyer cette opinion. On pourrait même, sans un rapprochement trop forcé, expliquer, par la rancidité de la partie butireuse, les qualités nuisibles de ce fromage dont M. Serternuer a retiré un extrait acide si vénéneux.

Une telle incertitude demande, on le sent, de nouvelles investigations. Il conviendrait de fixer la nature et les effets de cet acide, qui joue là un rôle essentiel, puisque, même lorsqu'on ne peut l'isoler, il manifeste encore sa présence par les qualités qui lui sont propres. Rien n'indique cependant qu'on le rencontre toujours, ou qu'il existe constamment seul. Il se peut que très-souvent des agents plus subtils encore viennent lui faire concurrence. Des expériences suivies et mieux dirigées devraient, ce me semble, porter quelque jour sur ces questions délicates, à l'étude desquel ́les se rattache d'ailleurs un intérêt palpable; car le médccin légiste et le praticien ne puiseraient pas seuls dans ses résultats d'utiles lumières dans certaines circonstances; mais que de précieuses données elle pourrait fournir à l'autorité

sous le rapport de l'hygiène publique, en lui indiquant ici l'urgence de telle mesure sanitaire, là la nécessité de mieux régler ces établissements où les malheureux ouvriers vont trop souvent chercher avec la nourriture des germes de maladie. Espérons que bientôt quelque habile observateur s'efforcera de remplir une aussi utile tâche.

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DES

AFFECTIONS TYPHOIDES EN GÉNÉRAL

(Pestes des anciens, typhus des modernes);

PAR LE Dr HIPPOLYTE COMBES,

De Castres (Tarn),

Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier.

La pratique, voilà le but.....

Observer, réfléchir et croire, c'est là toute la médecine.

Le mot typhus n'a pas eu, pour tous les auteurs qui ont écrit des traités de pathologie générale, la même signification. Les uns lui ont fait désigner une simple individualité morbide, les autres au contraire ont rapporté à cette dénomination ce groupe de maladies que les anciens connaissaient sous le nom de peste. C'est sous ce dernier rapport que nous l'envisageons nous-même, après avoir cependant constaté que nous n'attachons pas aux étymologies plus d'importance qu'elles ne peuvent en avoir, ce qui sera rendu évident dans la question que nous allons traiter.

La stupeur (túpos) n'existe pas dans toutes les maladies typhoïdes; dans certains cas elle ne se présente pas. Loin d'être d'une manière constante le caractère dominant de toutes les pestes, on remarque dans quelques-unes d'entre elles que d'autres fonctions que l'intelligence sont plus spécialement troublées; et d'ailleurs nous croyons avec le père de la médecine qu'un symptôme ne caractérise jamais un état pathologique, mais bien l'ensemble des symptômes et toutes les autres circonstances qui s'y rattachent. Si nous employons donc le mot de typhus, ce ne sera que parce qu'il est consacré par l'usage, et après avoir réduit à sa juste valeur ce que nous voudrons lui faire dire : nous nous en servirons indifféremment avec celui d'affection pestilentielle. Après cette explication qui nous a paru nécessaire dans l'état actuel de la science, nous allons tracer la marche qu'il nous reste à suivre pour faire l'histoire générale de divers modes morbides qu'on a rapportés aux dénominations que nous venons d'indiquer.

Dans toutes les questions qui intéressent l'homme en état de santé ou de maladie, il est nécessaire de faire constater les rapports qui lient la fonction ou l'affection dont on s'occupe avec les autres pliénomènes physiologiques ou anormaux, et les différences qui les constituent, qui lui assignent un caractère propre et individuel. Dans l'étude des typhus, il sera facile d'établir les rapports et les différences qui les séparent ou les unissent.

Nous trouverons ces rapports et ces différences dans l'origine de ces maladies, dans leur étiologie externé et interne, dans la marche des phénomènes que l'on observe au lit du malade, dans la rapidité ou la lenteur qu'ils mettent à se développer, dans l'état de simplicité ou de complication

qu'ils peuvent offrir, dans leur mode d'apparition, dans leur propagation, dans leurs terminaisons et dans leurs méthodes de traitement. Les terminaisons funestes comme le retour à la santé fournissent des inductions utiles, et les nécropsies éclai rent certaines conditions de la maladie. Nous constaterons donc tout ce que la notion de siége offre d'utile pour la pratique, nous rejetterons ce qu'on lui a fait signifier d'incomplet et d'exagéré.

L'anatomie pathologique est toujours utile comme moyen de diagnostic et quelquefois comme source d'indications thérapeutiques.

Ce plan nous semble embrasser dans son ensemble tout le problème : nous ne prétendons pas tout expliquer. L'homme se lasse plutôt d'étudier que la nature de fournir des maté riaux de labeur et d'étude; mais nous arriverons à avoir une connaissance du sujet moins imparfaite que celle qu'en ont eue les médecins, qui, guidés par une fausse philosophie, n'allaient puiser des lumières qu'à une seule source, qui basaient leurs doctrines ou sur la symptomatologie ou sur le cadavre.

Pour bien connaître la nature d'une maladie et celle du typhus en particulier, il faut interroger à toutes les circon→ stances qui peuvent devenir bases des moyens curatifs. Il faut interroger les causes qui ont produit l'état morbide, la manière dont il se présente, les résultats positifs ou négatifs de l'autopsie, et le traitement lui-même.

C'est ce que nous allons faire dans chacune des divisions qui vont suivre.

Etiologie. - Vere scire per causas scire, a dit Bacon. Ce précepte trouve une application des plus heureuses dans toutes les questions de la science médicale et dans les ressources

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