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doctrine chrétienne de Bossuet lui fussent tombés sous la main, avec quel enthousiasme son cœur vertueux et reconnaissant eût reçu cette lumière céleste qui détruit tous les doutes, et qui, exaltant toutes les idées d'un bonheur futur, dont le pressentiment est le gage, les perfectionne, les épure et met le sceau de l'éternelle vérité à tous les aperçus qu'il ne pouvait entrevoir que dans le jour nébuleux d'un systême philosophique!

CHAPITRE IV.

De la Religion comparée à la Philosophie, relativement à la destinée de l'homme.

L'UN UN des plus célèbres philosophes modernes a dit : « Par les principes, la philo<< sophie ne peut faire aucun bien que la religion ne le fasse encore mieux, et la «< religion en fait beaucoup que la philoso

phie ne saurait faire (a). » On a recueilli cette phrase avec empressement, parce que, sous la plume d'un écrivain qui passait pour très-peu religieux, elle a paru un aveu que la conviction la plus intime laissait échapper en faveur du christianisme. Mais ce n'est là qu'une demi-vérité. Il est du bien, sans doute, que la philosophie peut faire, et la religion peut faire ce bien comme elle et mieux encore; mais la religion seule peut faire à l'homme le bien que la philosophie

(a) J.-J. Rousseau.

n'a jamais fait, et qu'elle ne pourra jamais faire. Voilà la vérité toute entière; et cette vérité porte sa vive lumière jusque sur l'avenir toujours couvert de voiles pour la philosophie.

Le bien, dans le sens qu'il doit avoir ici, ne peut être autre chose que le résultat d'une excellente morale; c'est-à-dire, d'une règle de conduite qui détermine positivement les actions et les sentimens des hommes, soit par rapport à Dieu, soit par rapport à leurs sembables ou à eux-mêmes. Il est impossible que cette règle soit parfaite, sans une connaissance positive des attributs de la divinité et de l'immortalité de l'ame. Cette réflexion suffirait pour prouver que la philosophie seule n'a jamais pu donner qu'une morale très-imparfaite, parce que la notion nécessaire de ces deux points importans était entièrement abandonnée à la liberté et au vague des opinions. On peut bien s'en rapporter, à cet égard, à Cicéron, qui connaissait bien les variations des systêmes philosophiques qui avaient précédé son siècle, et dont il ne dissimulait pas l'insuffisance. S'il est vrai, comme il l'a dit lui-même, qu'il n'est rien de si absurde qui n'ait été

dit par quelqu'un d'entre les philosophes, c'est sur-tout en matière d'opinions religieuses qu'on peut apprécier la justesse de cette remarque. Et trouverait-on quelque chose de plus propre à humilier la raison. humaine que les idées immorales et révoltantes que le paganisme donnait de la divinité? Un coup d'oeil rapide sur toutes les extravagances de l'idolatrie, et sur les vices qu'elle fit naître, suffit pour montrer dans quel état était la religion populaire, et combien cette raison égarée avait besoin du secours céleste qui devait la tirer de la fange philosophique où elle croupissait depuis si long-temps. Tout était Dieu, excepté Dieu lui-même, a dit Bossuet; mais c'était bien pis encore, puisque tout ce qui usurpait les droits et les hommages dus à la Divinité, était ce qu'il y a peut-être de plus odieux et de plus méprisable. La théologie du paganisme présentait ignominieusement les dieux comme coupables d'adultère, d'inceste et des crimes les plus opposés à la nature, et loin d'exciter à la vertu, ils ne semblaient propres, par leurs défauts et leurs actions fictives, qu'à favoriser le vice et encourager l'impunité. « Mercure était un voleur, Vénus

une courtisane et Bacchus un ivrogne; Jupiter détrôna son père, Saturne tua ses propres fils, et se plaisait à voir sacrifier de jeunes enfans. Les Grecs, ainsi que les Romains, élevèrent des temples à l'injure, à l'Impudence et à la Licence (a). Platon condamna la théologie païenne et les généalogies qu'Homère et Hésiode nous ont données des dieux, comme fausses et impolitiques, et soutient que, quand même elles auraient été vraies, on n'aurait pas dû les publier, parce qu'elles ne pouvaient que corrompre les moeurs de la jeunesse et exciter à la vengeance, au meurtre, au rapt, à l'ivrognerie, au vol et à la révolte contre les parens (b). Ce philosophe condamne Homère d'avoir représenté les dieux constamment engagés dans des querelles ou des guerres, et il observe que les fables poétiques devraient servir aux sages buts du gouvernement et de la morale. Cicéron félicite Platon de ce que ce philosophe a banni Homère et les autres poètes de sa République imaginaire, parce

(a) CICERO, De Legibus, II, 11 et 17. (b) Cic., De Repub., lib. II et III.

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