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qu'elle ne peut satisfaire, faute de rapports entre eux et les objets qui l'environnent, s'échappe enfin de l'asile momentané qui la retenait pour s'emparer du séjour de la félicité qu'elle invoque.

Ainsi donc, appuyer l'immortalité de l'ame humaine sur sa moralité et sur les rapports qui lient évidemment son existence actuelle avec une existence future, c'est établir cette vérité sur la constitution même de l'homme et sur l'invariable loi de la nature. La différence mise par elle entre les animaux et lui en donne la démonstration parfaite. Dans l'ordre de la création, les ames des brutes ne sont, par leurs sensations et même par leurs idées, que dans un rapport physique avec les objets qui les environnent; en finissant, elles accomplissent leurs destinées tandis que l'ame humaine est, par sa moralité, par ses desirs, par son espérance, en rapport avec un ordre de choses futures qui seul peut, dans l'avenir, lui donner le complément de son existence et du bonheur auquel elle aspire.

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CHAPITRE III.

Du Bonheur après la vie.

IL Il n'est, aucun systême de politique, de morale ou de religion, dont cette idée, ou plutôt ce sentiment profond, n'ait cimenté la base. Une sorte de délire philosophique a pu tenter quelquefois d'étouffer dans le cœur de l'homme ce sentiment qui renaît de lui-même et qu'il doit à la nature mais la raison, toute pervertie qu'elle est, se débat encore contre un instinct plus fort qu'elle. Le matérialiste et l'athée sont des êtres qui font un songe pénible, et qui, la main appuyée sur un cœur qu'ils sentent plein de mouvement et de vie, nient la circulation du sang, parce qu'ils ne la voient point ils ne sont pas de bonne foi. La candeur doit être toujours inséparable de la vraie philosophie, bien différente du philosophisme de nos jours. En la rappelant à l'étymologie même du mot, est-elle autre chose que l'amour de tout ce qui peut

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éclairer l'esprit de l'homme, guider sa raison, porter son cœur à la vertu, et lui préparer par ce moyen le seul bonheur qui puisse satisfaire ses desirs au-delà même des limites de la vie (a). Tel est le but vers lequel le porte sans cesse l'imagination qui le domine et le vide de toutes les jouissances.

Que ce soit la superstition, la crainte ou le desir d'un meilleur sort, qui aient entretenu ce rêve de l'homme de tous les pays et de tous les siècles, il n'en est pas moins vrai qu'il se retrouve par-tout, dans les grands génies comme dans les esprits médiocres, chez les peuples les moins civilisés comme chez les nations les plus policées, et dans les absurdes traditions du sauvage comme dans les plus brillantes fictions de la mythologie (9). L'histoire de l'esprit humain, sous ce rapport, présente par-tout la même idée, avec des variations relatives seulement au

(a) C'est la pensée d'un illustre écrivain du quatrième siècle, qui, après un examen réfléchi de tous les systèmes philosophiques de son temps, sut apprécier et reconnaître le but de la véritable philosophie « Nulla est homini causa philosophandi nisi ut beatus sit. » (AUG., De Civ. Dei, l. 19.)

génie des différens peuples qu'elle fait passer sous nos yeux.

Les Celtes, qui avaient emprunté beaucoup des dogmes des Orientaux, admettaient une espèce de palingénésie ; ils croyaient que le trépas n'est qu'un repos après lequel la vie, interrompue et non cessée tout à fait, recommence sous une nouvelle forme; que par conséquent la mort n'est pas à craindre, puisqu'elle sert de passage d'une vie à l'autre, et qu'on ne doit point regretter ce qu'on ne peut pas perdre (a). Ils inventèrent en grande partie la philosophie mythologique, dont l'origine remonte jusqu'aux savans d'Asie et aux disciples de Zoroastre, et furent les précurseurs de tout ce qu'il y a eu de philosophes parmi les Grecs. Personne n'ignore combien l'imagination des poètes de cette nation répandit de charmes sur les idées fabuleuses qui donnèrent naissance à cet Élysée si embelli par Virgile, et qui fut toujours une partie essentielle de la religion des Romains. Quoi qu'en ait dit un écrivain célèbre, je ne crois pas que l'immortel au

(a) DESLANDES, Hist. crit. de la Philosophie, tome I.

teur du Télémaque ait puisé dans une autre source que celle d'une raison épurée ce tableau du bonheur des ombres vertueuses dans l'Élysée, où il conduit son héros. « Une jeunesse éternelle, une félicité sans fin, une gloire toute divine est peinte sur leur visage; mais leur joie n'a rien de folâtre ni d'indécent; c'est une joie douce, noble, pleine de majesté; c'est un goût sublime de la vérité et de la vertu qui les transportent : ils sont sans interruption, à chaque moment, dans le même saisissement de cœur où est une mère qui revoit son cher fils qu'elle avait cru mort, et cette joie qui échappe bientôt à la mère, ne s'enfuit jamais du cœur de ces hommes. »

Les Mages qui, chez les Perses, étaient en même-temps philosophes et théologiens, croyaient une espèce de métempsicose astronomique tout opposée à celle que Pythagore avait apprise chez les Indiens. Ils s'imaginaient que les ames, après la mort, étaient contraintes de passer par sept portes, ce qui durait plusieurs millions d'années avant que d'arriver au soleil, qui est le ciel empirée ou le séjour des bienheureux. (a)

(a) DESLANDES, Hist. crit. de la Phil., tome I.

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