Page images
PDF
EPUB

opérations intellectuelles : le cerveau éprouve donc de la part de l'ame des changemens ou des modifications particulières propres à chacune de ses opérations; et si, par quelque vice de conformation ou par maladies, ce viscère résiste à l'ame, elle ne peut en produire aucune. Si, par exemple, le cerveau de Pierre se modifiait comme celui de Jean lorsqu'il réfléchit que deux et deux font quatre, il est incontestable que Pierre porterait à l'instant le même jugement, par la raison que les effets physiques étant les mêmes, les opétions morales qui leur sout unies devraient nécessairement être semblables or c'est ce que nous éprouvons tous lorsque nous entendons une leçon d'arithmétique: nos cerveaux se modifient exactement comme celui du maître à l'instant où il parle, ou tout le fruit de la leçon est perdu pour nous. Quelle que soit donc l'espèce de modification imprimée au cerveau par l'ame lorsqu'elle veut, pense où agit, c'est toujours, en dernière analyse, un changement de forme qui ne peut avoir lieu sans que le fluide électrique contenu dans les fibres médullaires et les nerfs qu'elles constituent n'éprouve un mouvement quelconque, qui peut être communiqué par le contact, ou, à des distances limitées, par un fluide de même nature; d'où il résulte que si le cerveau de celui qui reçoit le mouvement par l'extrémité de ses nerfs est aussi mobile que le cerveau de ma cataleptique, le mou

[ocr errors]

vement imprimé le met dans la même disposition; et par l'effet d'une autre loi, celle de la réaction, qui, conjointement avec la première, gouverne toute l'économie animale, l'ame doit avoir à l'instant les idées attachées à cette nouvelle disposition, et s'occuper des mêmes objets comme si elle les tirait de son propre fonds. »

Cette explication est ingénieuse, quoiqu'elle ne soit peut-être pas sans difficultés; mais j'y trouve un principe de fait que je crois très-vrai, et qui peut servir à appuyer l'opinion très-vraisemblable que le fluide électrique est le véritable et seul agent qui fait naître dans le cerveau l'idée, qui, réunie et combinée avec d'autres, devient la pensée, par le moyen de la parole, dont l'homme seul a la faculté. Ce principe est que l'ame ne peut avoir ni les idées ni les pensées qui en sont le résultat, sans que le fluide électrique contenu dans les fibres médullaires du cerveau et les nerfs qui y correspondent, n'éprouve un mouvement quelconque. Effectivement toute idée est produite par une sensation; aucune sensation ne peut avoir lieu sans qu'il y ait une vibration, un ébranlement dans les nerfs qui aboutissent à nos organes; nulle vibration ne peut avoir lieu sans qu'il y ait un mouvement communiqué, et le fluide électrique est le seul agent auquel la nature ait confié ce pouvoir. Je suis persuadé que si le mouvement de ce fluide venait à être interrompu ou supprimé

totalement et subitement, l'homme cesserait à l'instant d'avoir des sensations et des idées; qu'il perdrait même la mémoire et le jugement. Il lui arriverait ce qui lui arrive lorsque son cerveau et ses nerfs sont paralysés: car, que le fluide électrique cesse d'agir d'une manière quelconque sur ceux-ci, ou qu'ils soient dans l'impossibilité d'en ressentir l'impression, l'effet doit nécessairement être le même.

Quoi qu'il en soit, la guérison de la cataleptique prouve que le docteur avait bien raisonné sur sa maladie. Il lui paraissait qu'une électricité surabondante dominait dans le cerveau et dans les nerfs; il conjectura qu'il existait deux foyers électriques chez la malade, l'un dans le cerveau et l'autre dans l'estomac, et qu'il la soulagerait beaucoup en les diminuant ou en les remettant en équilibre. Son moyen fut très-simple, et il est probable, par la note qu'il ajoute à son texte, que l'expérience des grenouilles galvaniques lui en a donné l'idée. Il s'établit lui-même comme conducteur de la tête à l'estomac : il posa une main sur la tête de la malade et l'autre sur l'épigastre, et aspira d'abord, puis inspira fortement au bout du nez. En répétant trois ou quatre fois ce remède, le docteur parvint à diminuer, puis à supprimer tout à fait les accès, enfin à obtenir en peu de jours le rétablissement de la malade dans son état naturel.

NOTE (2), TOM. I, chap, I, page 312.

Personne peut-être n'est plus en garde que moi contre les idées systématiques et les théories qui ne sont pas appuyées sur des faits positifs et des observations multipliées; mais lorsqu'elles out ce double avantage et qu'elles ont pour but direct celui de soulager l'humanité souffrante, et de faire, pour ainsi dire, l'anatomie du mal pour en découvrir le remède, alors on ne peut guère éviter la tentation d'y avoir confiance; et si elles ne sont pas la vérité même, au moins peut-on leur accorder le genre d'estime que l'on doit à tout ce qui lui ressemble.

Le galvanisme, ou la découverte de l'électricité animale, est de ce genre. Elle est due au hasard, comme presque toutes les découvertes les plus importantes dans la physique générale et dans les arts; et quoiqu'elle soit bien nouvelle encore, les travaux, les recherches et l'adhésion des savans les plus éclairés, lui donnent un intérêt qui mérite toute l'attention des physiologistes. C'est pour ce motif, et pour attacher quelques pièces justificatives à mon opinion, que j'ai cru devoir rapporter ici un précis des propositions et des expériences que le docteur Aldini a consignées dans l'ouvrage que j'ai cité, et dont cette note donnera une suffisante idée.

2.

ΙΟ

Je dois observer d'abord que, quoique ce ne soit pas entièrement l'opinion de ce savant, malgré la différence qu'on peut remarquer entre le fluide électrique, en général, et le fluide galvanique, on ne peut guère douter de l'extrême analogie qu'il y a entre l'un et l'autre, d'après ses propres observations. Il a entre autres constaté les faits analogiques suivans par des expériences réitérées.

La pile galvanique et les substances animales ont la faculté d'absorber l'air atmosphérique, comme la bouteille de Leyde. (8e Propos.) La flamme empêche l'action de cette bouteille, de même que celle de la pile qui ne produit plus alors de contractions musculaires. (9o Propos.)

L'électricité artificielle accélère la putréfaction des substances animales; on obtient les mêmes effets par l'action de la pile galvanique. L'action du galvanisme produit la décompositon de l'eau, ainsi que l'électricité ordinaire. Nous avons vu que la torpille, qui n'est vraiment autre chose qu'une pile galvanique, donnait la commotion et l'étincelle comme la bouteille de Leyde; enfin, le galvanisme parcourt une chaîne, soit métallique, soit animale, d'une manière tout à fait analogue à celle du fluide électrique. (13e Prop.)

M. Aldini a fait plusieurs belles expériences à ce sujet, soit sur la mer, soit sur de très-grandes rivières, d'un bord à l'autre ; et il est prouvé que le galvanisme parcourt, comme l'électricité, avec

« PreviousContinue »