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tout cela. Je n'ajoute rien à ses idées, car voici son texte : « Les plus ingénieuses de leurs espèces, qui vivent en société, longtems avant nous ont appris beaucoup de physique, une morale mieux écoutée que la nôtre, plus d'arithmétique, de géométrie, d'hydraulique et d'architecture, que n'en savent encore nos semblables en Amérique, en Afrique, au nord-est de l'Asie, aux vastes îles de la nouvelle Zélande, au continent austral de la nouvelle Hollande et en mille autres lieux.... Les progrès des animaux, dit-il encore, sont plus bornés que les nôtres, parce que leur langage est moins étendu et qu'ils ne savent pas conserver, par l'écriture et le dessin, les monumens de leur expérience.... Mais sait-on s'ils n'apprendront pas un jour quelque chose d'équivalent?... >>

Cette réflexion, qui ressemble bien à une plaisanterie, aurait dû éclairer M. Dupont. Il est bien évident que, puisqu'on n'a jamais pu apprendre à un perroquet qui parle l'art d'attacher à ses paroles un sens qui forme une pensée dans sa tête, ni au singe à tenir une plume pour écrire sous la dictée une phrase qu'il comprît, il est, dis-je, bien évident que, quand on leur supposerait une

aptitude qu'ils n'ont point et des études qu'ils ne peuvent pas faire, ils resteraient éternellement au point où ils sont depuis qu'ils existent et dans le même cercle dont ils ne peuvent sortir. La pensée est au-delà de ce cercle, et n'appartient qu'à l'espèce humaine. Celui dont la main toute-puissante a posé des limites aux flots de la mer, a tracé entre l'homme et l'animal cette ligne de démarcation que celui-ci ne dépassera jamais.

Il a fallu disserter un peu dans ce chapitre, et se soumettre à des répétitions nécessaires pour répondre à des assertions puisées dans des ouvrages qu'on peut regarder comme de graves autorités. Cette forme scolastique est plus sévère que celle d'un discours où l'enchaînement des preuves n'est interrompu par aucune discussion; mais elle gagne peut-être en solidité ce qu'elle perd en agrément. Les conclusions en sont plus nettes et les principes mieux établis.

Ainsi la solution de la question relative à l'ame des bêtes ne doit être que la conséquence des principes suivans. Elle est impossible, sans distinguer entre les animaux ceux qui n'ont que des sensations sans idées, et ceux

chez lesquels les idées sont les résultats des sensations comparées. Les premiers n'ont que de l'instinct, les autres ont de l'intelligence; ou, dans d'autres termes, l'ame des uns est seulement sensitive, celle des autres est intelligente. Cette faculté de comparer des sensations, qui donne à ceux-ci la mémoire, le jugement et une sorte de raisonnement, ne peut appartenir à la matière, même la mieux organisée, telle que nous la connaissons; il est donc en eux un principe différent de cette matière, une substance qui, comme celle que nous avons indiquée dans un chapitre antécédent, participe en quelque sorte de la matière et de l'esprit, un agent qui détermine toutes celles de leurs actions dans lesquelles nous sommes obligés de reconnaître les traces d'une combinaison intellectuelle, une ame, en un mot, puisque nous n'avons pas d'autre terme pour l'exprimer; mais tellement différente de l'ame humaine, que la dissolution des organes matériels, qui ne fait que volatiliser celle-ci, ne laisse rien subsister de l'autre dans l'animal qu'elle décompose entièrement.

CHAPITRE VI.

Résultat sur la nature de l'ame dans les êtres intelligens.

L'EXAMEN

EXAMEN que nous venons de faire d'une question dont maintenant on doit sentir l'importance, n'était point étranger à l'objet de nos études, puisque nous y avons trouvé, par des observations physiologiques établies sur des faits avérés, la preuve incontestable qu'il existe dans la nature une substance encore inapercue et à laquelle on n'avait point donné de nom, parce qu'elle avait échappé à toutes les recherches. En rattachant à cette espèce de découverte les idées principales répandues dans les chapitres précédens, essayons d'en former un résumé aussi satisfaisant qu'il sera possible sur la nature de l'ame dans les êtres intelligens.

Esprit et matière, tels sont les seuls mots que nous ayons pour exprimer deux substances entièrement opposées par leur nature, de manière que nous refusons à l'une ce que nous attribuons exclusivement à l'autre.

On pense donc communément que l'être spirituel ne saurait avoir les propriétés de la matière, et que l'être matériel ne saurait avoir les propriétés de l'esprit.

Cependant on a beaucoup de raisons de regarder comme certain qu'il existe dans la nature, et d'après l'ordre de la création, des êtres intermédiaires qui participent également aux propriétés de la matière et à celles de l'esprit, et qui forment une nuance entre l'une et l'autre, comme les zoophytes forment la nuance entre les végétaux et les animaux.

Dans cette supposition qui s'accorde aussi parfaitement avec les connaissances que nous puisons dans l'observation de la nature qu'avec l'idée que nous devons avoir d'une puissance créatrice à laquelle notre imagination ne saurait donner de bornes, dans cette supposition, dis-je, l'espèce de substance à laquelle seraient unies les facultés intellectuelles, n'aurait aucune des propriétés sensibles de la matière que nous connaissons, et pourrait être considérée comme un atome organique qui constituerait le sens intérieur dans l'animal, et qui dans l'homme formerait l'imperceptible enveloppe de l'ame,

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