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un digne héritier de Gustave Wasa et de Gustave Adolphe ; que les souverains de l'Europe ont solennellement reconnu ses droits à une couronne reçue des mains de la nation, et vaillamment défendue par son épée; qu'enfin la France s'énorgueillit de voir un de ses enfans gouverner une nation aussi jalouse de sa liberté que fidèle à son souverain.

Dans un ouvrage consacré à recueillir les monumens du droit public, et à présenter le tableau des révolutions politiques, comment parler de la révolution encore récente qui a renversé du trône de Suède le descendant de Gustave Wasa, sans examiner comment a été appliqué dans cette occasion le principe de la légitimité.

Il est de fait que l'ordre légal a été interverti; que le chef de la dynastie a été dépouillé de son droit; que par suite la dynastie a été exclue du trône, et qu'une nouvelle race y est

montée.

Il est de fait que cette révolution a été consacrée par l'adhésion libre de tous les souverains de l'Europe, et qu'on a vu le chef de la nouvelle dynastie suédoise marcher l'égal et l'allié des descendans de toutes les anciennes dynasties, précisément pour renverser un monarque de fait, moins dangereux comme conquérant que comme principe, selon les doctrines proclamées par la diplomatie européenne.

Ces faits semblent présenter des applications contradic toires de la même règle, et avec des recherches bien superficielles, on trouverait des contradictions semblables dans l'histoire de presque toutes les nations modernes.

Que faut-il conclure de là? Doit-on penser seulement que les passions des hommes ont, suivant les circonstances, respecté ou méprisé le principe de la légitimité? Ne doit-on pas peut-être aussi reconnaître que ce principe est moins absolu que ne le pensent certains publicistes, et que, souvent là où on ne voit d'abord qu'une infraction violente de la règle, on aperçoit ensuite une exception nécessaire?

Cette distinction paraîtra fausse à quelques-uns, trop

subtile à d'autres, et vraie, nous osons le croire, à tous ceux qui l'examineront avec attention et bonne foi.

Les développemens qui seraient nécessaires pour bien faire entendre notre pensée, nous entraîneraient trop loin; mais nous devons du moins la préciser de manière à ce qu'elle puisse être jugée en connaissance de cause.

* Un orateur a dit (1) : C'est un avantage immense qu'une famille antique sur un trône incontesté. Voilà le principe exprimé dans toute son étendue raisonnable: dire moins, c'est le nier; dire plus, c'est l'exagérer et le fausser. C'est un avantage immense pour la société que la stabilité dans le pouvoir; car le pouvoir est lui-même une des nécessités de la société : mais si ce pouvoir allant contre la fin qui lui est assignée, tend à la dissolution du corps social, il cesse d'être le pouvoir légal; sa stabilité n'est plus un avantage; et alors le fait qui le renverse est-il réellement une infraction de la règle ?

Certes, la question ainsi posée est plus délicate que difficile à résoudre.

Mais hâtons-nous de dire que, si l'examen théorique des principes nous enseigne dans quelles bornes on doit les restreindre; la prudence la plus consommée, la bonne foi la plus grande, les lumières les plus étendues, sont souvent des guides insuffisans dans l'application. A quels signes reconnaîtra-t-on que le pouvoir cesse d'être conservateur de la société ? qui osera dire que sa stabilité devient un fléau? qui indiquera le moyen légal de le renverser? qui pourra prévoir les résultats de tentatives violentes pour y parvenir? Celui qui prononce légèrement sur de pareilles difficultés est un insensé; celui qui ne veut pas qu'on les soulève est un fou d'une autre espèce, l'un se confie trop à ses lumières, T'autre fait abnégation de sa raison.

Ainsi, il est vrai que la force qui brise un joug oppresseur ne doit pas être assimilée à la violence qui renverse le

(1) M. Benjamin-Constant.

pouvoir légitime; la difficulté consiste à distinguer l'un de l'autre. L'expérience de tous les siècles, de tous les peuples, de tous les partis, est là pour soutenir notre doctrine par des exemples.

C'est ici l'occasion de recueillir les paroles d'un roi, où l'on trouve le même système exprimé avec une admirable énergie. Le 14 mars 1817, le roi de Suède, alors prince royal, dans un discours adressé aux députés de la bourgeoisie de Stockholm, après avoir rappelé les circonstances dans lesquelles il avait été appelé en Suède, et les agitations qu'on avait récemment voulu exciter, s'exprimait en ces termes : Je me dévouai au service d'une nation jadis célèbre, et » alors si malheureuse; je vins au milieu de vous; je vous apportai pour titres et pour garantie mes actions et mon épée. Si j'avais pu y ajouter une ligne d'ancêtres depuis » Charles-Martel, je ne l'aurais désiré que pour vous, car » pour moi je suis également fier de mes services et de la gloire qui m'a élevé. A tous ces titres, je joins ceux de » l'élection unanime d'un peuple libre et de l'adoption du roi; • c'est sur ceux-ci que je base mes droits, et aussi long-temps » que la justice et l'honneur ne seront pas bunnis de cette terre, • ces droits seront plus légitimes et plus sacrés que si je descendais d'Odin (1). »

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Ce noble langage dit mieux que l'on ne pourrait le faire, en entassant des volumes, ce qu'il faut entendre par légitimité, et cette citation, en terminant le précis des événemens que nous avions à retracer, montre à chacun dans quel sens il faut entendre les réflexions que nous y avons ajou

tées.

(1) Nous avons transcrit ce passage et l'acte d'élection du prince de PontcCorvo, dans l'ouvrage intitulé: Mémoires pour servir à l'Histoire de Charles XIV. Jean, roi de Suède, et par MM. Coupé de St.-Donat et B. de Roquefort. Cet ouvrage contient une foule de documens curieux, et il nous a été très-souvent très-utile de le consulter et fort agréable de le lire.

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CONSTITUTION

PUBLIEK

PAR GUSTAVE III, EN 1772

GUSTAVE, par la grâce de Dieu, roi de Suède, des Goths et des Vandales etc., etc. Depuis notre avénement au trône, nous nous sommes occupés sans relâche du bien-être et de la prospérité du royaume, ainsi que du bonheur et de la sûreté de nos fidèles sujets; mais la situation actuelle de la -Suède, rendait indispensablement nécessaires quelques changemens, dans les lois fondamentales de l'état, avant que nous puissions mettre complètement en exécution notre bonne volonté à cet égard; après les réflexions les plus mûres et l'examen le plus sérieux, nous avons dressé un plan d'administration, que la diète, actuellement assemblée, a accepté et juré d'observer; en conséquence, nous approuvons et confirmons par ces présentes, dans un sens littéral, cette forme de gouvernement, telle qu'elle a été acceptée par la diète.

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Nous, dont les noms sont écrits plus bas, sénateurs, états, comtes, barons, évêques, chevaliers et nobles', clergé, officiers militaires, bourgeois, et membres de la commune, actuellement assemblés à Stockolm, etc., nous avons reconnu qu'un grand nombre de Suédois, sous le nom de liberté, se sont approprié une autorité et une domination d'autant plus insupportables, qu'ils se sont livrés à toutes les violences de l'intérêt particulier, et qu'enfin ils ont été appuyés par des forces étrangères; que l'explication forcée qu'on a donnée aux lois, a plongé le royaume dans le plus grand danger, et le menace des malheurs dont l'anarchie affligea, dans tous les temps, les peuples, et en particulier nos voisins. Le courage de quelques citoyens, zélés pour la patrie, et secondés par les soins du très-haut et très - puissant prince et seigneur Gustave III, roi de Suède, etc., notre très-gracieux souverain et maître, ayant préparé une heureuse révolution, nous avons recherché des moyens d'af

fermir notre liberté, de manière qu'elle ne soit plus ébran lée par des ministres ou des princes ambitieux, par des citoyens traîtres à la patrie ou par des puissances ennemies, et que l'ancien royaume de Suède et des Goths puisse demeurer un état libre et subsistant par lui-même, nous avons approuvé et confirmé, et par ces présentes, notifions et confirmons la forme de gouvernement que voici : elle sera, dès aujourd'hui, une loi fondamentale et inviolable, à laquelle nous nous soumettons, ainsi que nos descendans nés et à naître, promettons de l'observer et de la suivre en entier, suivant son sens littéral et mot à mot, et de regarder comme nos ennemis et les ennemis de l'état, ceux qui voudraient nous engager à y manquer.

Art. 1. L'union dans la religion et le culte, étant le fondement le plus solide d'un bon gouvernement, le roi, ainsi que tous les officiers et sujets du royaume, resteront constamment attachés à l'avenir à la parole pure et simple de Dieu, telle qu'elle a été révélée par les prophêtes et les apôtres, et expliquée dans le catéchisme de Luther, et la confession d'Augsbourg, déjà approuvée dans le synode d'Upsal et souvent dans les décrets et les déclarations des diètes. Nous confirmons ici les droits des ecclésiastiques, sans cependant leur permettre jamais d'empiéter sur les droits et les privilèges de la couronne et des laïques.

2. C'est au monarque à gouverner le royaume, suivant la teneur des lois suédoises; c'est à lui, et non pas à d'autres, qu'appartient le droit de soutenir la vérité, et de la faire aimer, d'abolir et de détruire l'injustice et l'iniquité; il ne doit attenter à la vie, l'honneur, le corps ou la propriété de personne, avant de l'avoir fait juger et convaincre par les lois, ni priver qui que ce soit de ses biens réels et personnels, sans une condamnation juridique. En tout, il est obligé d'administrer le royaume suivant les lois et la constitution du pays, telle qu'elle est expliquée ici.

3. Quant à ce qui regarde l'ordre de succession à la couronne, on observera la convention héréditaire, telle qu'elle a été fixée à Stockholm en 1745, laquelle est conforme à celle de Westeras de 1544, et à celle qui fut faite à Norkioping, en 1604.

4. A l'avenir, ainsi que dans les temps passés, après les les princes du sang, les sénateurs ou les membres du conseil du roi, seront regardés comme les premiers en rang et en

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