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n'a point été puisée dans les discussions ni dans les conférences du conseil d'État; car la contradiction qu'elle renferme n'aurait pas manqué d'y être signalée, surtout par les jurisconsultes éminents qui formaient le comité de législation; Qu'une inconséquence de cette nature ne peut s'expliquer que par la préoccupation d'un homme isolé et réduit à ses propres lumières;

» Considérant que le législateur de 1810, en supposant qu'il voulût réprimer le duel, était obligé d'avoir une opinion arrêtée sur la question de savoir s'il avait été compris dans les dispositions générales de la législation précédente; Que, dès lors, il devait arriver de deux choses l'une ou il pensait que les actes résultant du duel avaient été assimilés aux blessures et à l'homicide ordinaires, par les codes de 1791 et de l'an 4, ou bien que les actes n'avaient pas été incriminés par ces deux codes; - Que, dans le premier cas, il devait, sans doute, expliquer son intention quant au duel; mais que, s'agissant de maintenir une incrimination préexistante à ses yeux, il lui suffisait de déclarer dans ses procès-verbaux, exposés de motifs ou rapports, qu'il s'en tenait, à cet égard, à ce qui existait déjà; —Que, dans cette hypothèse, on ne comprend pas les efforts qu'a faits la commission du corps législatif par son rapporteur, ni les développements dans lesquels elle est entrée, pour motiver la conservation de ce qui était, le maintien du statu qua se justifiant de luimême ;-Qu'on ne comprend pas non plus pourquoi elle considère comme une objection à faire à la loi nouvelle le silence qu'elle garde sur le duel, tout en voulant le réprimer, puisque, depuis vingt ans, la loi existante, bien qu'applicable au duel, s'était aussi abstenu de le nommer; qu'enfin, on comprend encore moins qu'au nombre des raisons qu'elle s'efforce à trouver pour motiver la répression du duel, elle oublie précisément celle qui devait être prépondérante, l'autorité et l'exemple de l'assemblée constituante dont elle s'est prévalue maintes fois sur des points moins importants; - Qu'enfin, au lieu de raisonner constamment comme s'il s'agissait de faire entrer le duel dans le droit commun, elle ne se soit pas bornée à prouver qu'il n'en devait pas sortir; - Que, dans le cas contraire, c'était pour lui une innovation législative de la plus haute importance, entourée des difficultés les plus ardues, qui devait susciter de nombreuses objections, provoquer un choc d'opinions contradictoires, et qui, pour cela seul, demandait à être mûri par de longues et graves méditations ;Que, rompre subitement avec un passé qui comptait vingt ans d'existence; abandonner les voies de l'assemblée constituante, jusque là suivies avec tant de confiance; ouvrir tout à coup la lutte avec une opinion publique qui devait se croire d'autant plus forte, qu'elle avait pour elle les codes de 91 et de l'an 4; enfin, ériger le duel en meurtre et en assassinat, en face de l'ascendant militaire du régime impérial, c'était une entreprise qui valait bien qu'on en délibérât, qui méritait bien qu'on en dit quelque chose, et demandait, au moins, à être expliquée par quelques motifs; qu'alors, on ne conçoit pas qu'une telle résolution ait été proposée, délibérée, arrêtée et convertie en loi, sans qu'il en soit resté la moindre trace dans les procès-verbaux du conseil, sans qu'il en ait été dit un seul mot dans l'exposé de ses orateurs, et que le pouvoir législatif ait délaissé ce soin à une commission composée de sept membres, et qui n'était point son véritable et principal organe; Qui, de son autorité propre, ne pouvait rien introduire dans la loi qui n'y fût déjà; qui n'en connaissait que traditionnellement, en quelque sorte, l'esprit et la portée; qui, enfin, constitutionnellement parlant, ne pouvait en dire et en penser que ce qu'avant elle en avait déjà dit et pensé le conseil d'État lui-même;

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>> Que c'est inutilement qu'on voudrait suppléer au silence du conseil d'État par un mot attribué à un de ses membres, qui, interrogé pourquoi le code pénal n'avait pas parlé du duel, aurait répondu qu'on n'avait pas voulu lui faire l'honneur de le nommer; Que cette parole, empreinte de plus d'impatience que de réflexion et dépourvue de tout caractère officiel, ne peut sous aucun rapport fonder un argument juridique; Que l'induction qu'on voudrait en tirer s'évanouirait devant cette vérité incontestable que les lois, et surtout les lois pénales, ne sauraient consister en graves abstractions, et qu'elles doivent se formuler en déclarations explicites, vérité qu'en la singularisant, un récent arrêt de cour royale a exprimée avec justesse, en disant que le législateur ne punit pas les crimes par un dédaigneux silence; Que le législateur manquerait à sa propre dignité et à la justice tout à la fois, si, se jouant de la fiction légale qui répute les lois connues de tous les citoyens, il prétendait l'étendre à de mystérieuses réticences ou à des pensées intimes qu'aucune forme extéTieure ne rendrait apparentes et vulgaires; Que, pris au sérieux, ce mot n'aurait pas de sens aux yeux de la raison; - Qu'on ne peut comprendre qu'après avoir épuisé la triste nomenclature des forfaits dont est capable la perversité humaine, la loi ait répugné à inscrire le mot duel sur les mêmes tables où elle avait déjà écrit les mots viol, assassinat, parricide; - Que cette répugnance serait surtout incomprehensible chez une nation où, loin d'avoir été universelle et absolue, comme celle de l'homicide ordinaire, la moralité du duel a varié d'époque à autre et a subi de brusques et complètes transformations; où l'autorité de la loi qui a voulu le proscrire s'est vue paralysée par la force des mœurs, et où la

ch. correct. 12 juill. 1858, M. André, pr., aff. Lévy; Bourges, 31 juill. 1837, aff. Pesson, V. l'arrêt du 15 déc. 1837, n° 108;

question de son incrimination, aux jours même où nous vivons, éprouve plus de résistance et plus d'obstacles qu'en nulle autre contrée; - Que celte divergence de sentiments sur le caractère du duel considéré comme fait répressible était, au contraire, un motif de plus de le nommer en toutes lettres, si le législateur avait voulu l'incriminer par le code de 1810; car alors, dans cette hypothèse, il y avait erreur commune sur son incrimination le fait patent de son impunité avait produit la croyance de son impunité en droit; l'opinion publique s'égarait en consacrant une contume meurtrière et barbare: les citoyens les plus honorables, ceux-là mêmes qui, par état, doivent l'exemple du respect aux lois, se laissaient subjuguer eux-mêmes par l'empire tyrannique de cette coutume, sans se douter qu'ils les violassent; Que, dans un pareil état de choses, c'était pour le législateur un devoir de justice et d'humanité d'éclairer l'opinion publique et de détruire l'erreur commune, en proclamant bien haut que le duel serait désormais considéré et puni comme un crime;

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>> Que, de toutes ces considérations de droit et de fait, il sort la preuve évidente que l'avis exprimé dans le rapport de la commission du corps législatif, quant à l'incrimination du duel, n'a pas été la pensée collective du pouvoir législatif de cette époque, et qu'il n'était que l'opinion isolée d'une des trois branches de ce pouvoir, qui n'avait aucune mission pour déterminer l'esprit et la portée de la loi; — Qu'ainsi s'expliquent le discrédit et le défaut d'autorité de cette opinion, même à l'époque la plus voisine de son émission;-Qu'aucun des jurisconsultes qui ont écrit sur le nouveau droit criminel n'en a tenu le moindre compte, pas plus l'auteur du Répertoire de jurisprudence que l'auteur du nouveau Répertoire, bien que tous deux aient fait partie, l'un du conseil d'État, l'autre du corps législatif, lors de la discussion du code pénal de 1810; Que, chose plus remarquable encore, la cour de cassation, qui maintes fois sur des questions douteuses a cité comme autorité les documents puisés dans la discussion des nouveaux codes, a toujours gardé le silence le plus absolu sur cet avis de la commission du corps législatif, chaque fois qu'elle a été appelée à se prononcer sur la question du duel; — Que, durant toute la période de sa première jurisprudence, l'autorité de cet avis a été plusieurs fois discutée devant elle, même en sections réunies, et par son procureur général en personne; Que, depuis que sa jurisprudence a changé sur cette question, le même avis a encore été soumis plusieurs fois à son appréciation et dans des circonstances non moins solennelles, et que cependant jamais, soit qu'on le lui dénoncât comme une opinion sans valeur et ne méritant pas qu'on s'y arrêtât, soit qu'on le lui présentât comme le commentaire officiel de la loi et formant un argument sans réplique, elle n'a voulu en faire aucune mention dans les motifs de ses arrêts, ni pour le repousser ni pour l'admettre silence d' ant plus significatif que la plupart des arrêts de cours royales, sur pourvoi desquels elle a eu à statuer depuis vingt ans en matière dɔ, étaient fondés en partie sur l'effet qu'ils lui avaient ou refusé ou cards; —Que cette constante et unanime persévérance à n'y voir ni une objection assez sérieuse pour avoir besoin d'être réfutée ni une autorité assez grave pour qu'on pût s'en prévaloir, révèle assez clairement la pensée de la cour de cassation ellemême sur le valeur de ce document législatif; Que, postérieurement & la promulgation du code pénal de 1810, le législateur a plusieurs fois prouvé, par ses actes ou ses paroles, que ce code n'avait point incriminé les faits résultant du duel; - Qu'en 1824, voulant apporter un premier adoucissement aux rigueurs de ce code, il a choisi, dans ses diverses catégories, les faits qui par leur nature appelaient les premiers une atténuation dans les peines dont ils étaient frappés; Qu'au nombre de ces faits, à l'égard desquels il a permis une déclaration de circonstances atténuantes, se trouvaient une variété de l'homicide et les blessures graves; -Que, si l'homicide résultant du duel avait été compris alors dans la catégorie des meurtres et des assassinats, il n'est pas douteux qu'à raison de son caractère particulier, il eût été rangé aussi parmi les faits à l'égard desqnels les tribunaux avaient la faculté de déclarer des circonstances atténuantes; Que cela paraît d'autant moins douteux qu'aujourd'hui même les partisans de l'incrimination du duel reconnaissent qu'il porte en lai des motifs d'atténuation du droit commun; Qu'il y a même cela de remarquable, qu'à l'époque de la promulgation de la loi du 25 juin 1824, le conflit de jurisprudence entre la cour de cassation et les cours royales, sur la question du duel, était précisément au plus fort de sa crise, et qu'il devait nécessairement fixer l'attention du législateur; Que d'ailleurs, en appelant les actes résultant du duel à participer aux modifications introduites en faveur de certains crimes, il aurait obtenu le double avantage de faire un acte de justice et de mettre un terme à la contrariété des arrêts; Que si néanmoins il a gardé le silence sur le duel, la conséquence qu'on doit en tirer, c'est qu'il ne pensait pas qu'il fût alors répressible d'après le droit commun.

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» Que, du reste, il l'a déclaré lui-même quelques années plus tard en termes assez explicites pour lever tous les doutes; qu'en 1829, il fut présenté à la chambre des pairs un projet de loi sur le duel, dont les principales dispositions avaient pour objet: 1° d'attribuer aux chambres d'accusation, à l'exclusion des chambres du conseil, la connaissance de toute

Orléans, 15 avril 1838, afr. Gilbert; Nancy, 27 fév. 1839, aff. Lévy sous Cass. ch. réun. 11 déc. 1839 au numéro précédent;

procédure instruite pour cause de duel, mais de leur interdire le droit d'apprécier elles-mêmes les circonstances qui, de droit commun, ôtent aux faits leur criminalité; 2° d'admettre comme cause d'excuse la provocation par outrages ou injures graves; 3° d'attribuer au jury le jugement de tous les faits résultant du duel, quelque minime que fut la gravité de leurs résultats; 4° de rendre obligatoire, dans chaque affaire, la position d'une question relative aux faits d'excuse; 5° de rendre, moyennant ces modifications, le code pénal applicable à tous les faits de duel déclarés constants par le jury;-Que le ministre de la justice, bien que, dans l'exposé des motifs de ce projet, il n'ait pas fait connaître l'opinion du gouvernement sur la question alors si vivement débattue entre la cour de cassation et les cours royales, n'a cependant pas tardé à l'exprimer dans le cours de la discussion;-Qu'à la séance du 12 mars, ayant à justifier le projet du reproche d'enlever aux chambres d'accusation le jugement des faits constitutifs de la criminalité, et aux chambres du conseil la conduite de la procédure primitive, droits qui leur appartiennent dans les matières ordinaires, il s'est exprimé en ces termes :-«< On a supposé qu'on enlevait aux chambres d'accusation des cours royales une de leurs attributions. On n'a pas fait attention que les faits résultant du duel, dans l'état actuel, ne sont point incriminés par le code pénal; que la loi que nous proposons a pour but de les atteindre; qu'on établit à leur égard un mode spécial et particulier de procéder. On n'ôte donc rien aux chambres d'accusation; on se contente de déterminer le rôle qu'elles auront à jouer dans cette procédure nouvelle.-On s'étonne, dit-on, que le projet de loi qui investit les chambres d'accusation d'une confiance spéciale, en les substituant par privilége aux chambres du conseil, leur refuse cependant le droit qu'elles ont, dans les circonstances ordinaires, d'apprécier les exceptions qui effacent la criminalité du fait, mais on ne réfléchit pas que ces exceptions, inscrites dans un code qui n'a pas prévu les fails résultant du duel, ne lui sont pas naturellement applicables, etc., etc. Si l'on considère les faits qui résultent du duel comme pouvant être assimilés aux délits ou aux crimes communs définis par le code pénal; si l'on pense que rien ne les distingue d'un vol simple ou d'un vol qualifié, d'un faux en écriture publique ou d'un assassinat, on a raison de dire qu'il ne fallait rien changer à la marche ordinaire de la procédure. Mais si l'on pense, avec nous, que les faits résultant du duel ont un caractère particulier; qu'ils se compliquent des mœurs, des préjugés, des habitudes; que, dans cette noble enceinte même, tant de bons esprits, tant d'hommes supérieurs sont divisés sur leur appréciation, on sera porté à croire, avec nous, qu'il y a quelque chose à changer à la procédure, et que la conduite n'en doit pas étre abandonnée à un simple juge d'instruction et à un tribunal peut nombreux ; » - Que, dans ce projet de loi, bien qu'il n'ait pas eu de suite après le vote de la chambre des pairs, il y a deux choses à considérer : d'abord ses dispositions en elles-mêmes, notamment celle qui érigeait en fait d'excuse légale la provocation par outrages ou injures graves, dispositions qui, par l'importance de leur résultat, quant à la nature de la peine applicable, s'écartaient si loin du droit commun, qu'elles témoignaient clairement de l'impossibilité, en fait et en droit, de l'appliquer, d'une manière absolue aux actes résultant du duel, surtout dans des législations qui, comme cello de 1791, de l'an 4 et de 1810, ne comportaient aucune atténuation discrétionnaire dans l'application de la peine; ensuite, le caractère officiel des paroles du ministre de la justice, qui, dans cette circonstance, était l'organe du gouvernement exercant son droit législatif pour l'initiative de la loi;

» Qu'en 1852, une nouvelle occasion s'est présentée au législateur de manifester son opinion sur la question du duel;-Que la loi du 28 avril a eu pour objet, non-seulement de proportionner toutes les peines à la gravité des délits, mais encore de lever les doutes que la rédaction du code de 1810 avait fait naître à l'égard de certains crimes et de la peine qu'ils encouraient; Que, notamment en matière d'homicide, elle a créé une nouvelle spécialité pour faire cesser la divergence d'opinions qui existait quant à la peine applicable à l'homicide résultant de blessures faites sans intention de donner la mort ; qu'à l'époque où cette loi était discutée, on était encore sous l'empire de la première jurisprudence de la cour de cassation, et sous l'impression de la lutte qui se continuait entre elle et plusieurs cours royales, quant à l'incrimination du duel; que les esprits étaient d'autant plus préoccupés de la divergence des opinions à cet égard, qu'elle avait déjà donné lieu à un référé trois années auparavant; qu'ainsi le pouvoir législatif était suffisamment averti; que même il avait été mis officiellement en demeure de se prononcer sur l'interprétation de la loi; --Que, s'il avait pensé que l'opinion de la cour de cassation n'était pas conforme à l'esprit du code 1810, et que les faits résultant du duel étaient soumis au droit commun, il se fût d'autant moins abstenu de le déclarer, que le système atténuant qu'il proposait d'établir levait un des obstacles qui, sous les précédentes législations, s'étaient opposées à l'assimilation entre l'homicide commis en duel et l'homicide ordinaire; - Que cependant il s'est tu, et, chose remarquable, dans une conjoncture où son approbation de l'un ou de l'autre des deux systèmes opposés offrait cette différence qu'elle ne pouvait s'exprimer que par le silence à l'égard de ce

Rennes, 16 juill. 1845, aff. Talhouarn, D. P. 45. 4. 169). — La cour de Paris a été plusieurs fois saisie de la question;

lui de la cour de cassation, et, qu'à l'égard de l'autre, elle avait besoin d'une déclaration positive; Qu'ainsi, son silence, en 1832, n'est pas moins significatif que les paroles du gouvernement, en 1829; Considérant que, si le legislateur de 1791 n'a pas voulu incriminer les actes résultant du duel, et si, en 1810, celui des organes du pouvoir législatif qui était en possession du droit exclusif et non contesté de déterminer la portée des lois et d'en faire connaître les motifs, n'a témoigné nulle part qu'il voulût basarder une pareille innovation législative, on ne peut chercher à l'induire de la généralité des dispositions du code actuellement en vigueur, sans encourir le reproche de donner à la portée de co code une extension que sa pensée désavoue, et de l'entraîner de viva force au delà des limites qu'il s'est posées à lui-même; - Que, s'il se pouvait que le sens indéfini des expressions dont il s'est servi se prêtât à colorer littéralement cette interprétation excessive, celle-ci n'en serait ni plus vraie ni moins illégale. Mais que les termes combinés de la loi de 1810, abstraction faite de son esprit, ne peuvent pas même autoriser lo sens exubérant qu'il faudrait leur donner pour atteindre les actes résultant du duel;

>> Considérant qu'afin d'établir l'incrimination de ces actes, on se prévaut des art. 295 et 296 c. pén., pour le cas où le résultat du duel a été un homicide, et des art. 309 et 310, pour le cas où le duel n'a occasionné que des coups ou des blessures;-Que cette application du droit commun aux résultats du duel a pour première conséquence une contradiction avec les principes du droit commun lui-même; - Qu'on ne com

prend pas d'abord qu'un homicide commis en duel, et dès lors précédé d'une convention intervenue entre les deux adversaires, convention qui présente toujours les caractères d'une volonté arrêtée à l'avance, puisse constituer un simple meurtre, c'est-à-dire un crime exclusif de la préméditation; Que, dans l'hypothèse d'une attaque par surprise et dépourvue des garanties destinées à préserver de toute perfidie ou déloyauté, le fait, sortant de la catégorie des agressions appelées duels, deviendrait étranger à la question en litige ;-Qu'on n'aperçoit donc pas en quel cas l'art. 295 pourrait recevoir application à l'homicide commis en duel; — Qu'en vain on veut tirer avantage de ce que la disposition de cet article est absolue, et qu'elle ne comporte aucune exception; Que tout péremptoire qu'il paraisse au premier coup d'œil, le raisonnement rencontre bientôt un obstacle à la portée indéfinie qu'on veut lui donner; Que, pour peu qu'on y réfléchisse, on est forcé de reconnaître que la définition donnée par l'art. 295 au meurtre considéré sous le rapport de l'incrimination pénale, ne peut se suffire à elle-même, et qu'elle demande, sous ce rapport, une précision plus spécifique ; que cette précision, qui la restreint, il faut de toute nécessité qu'elle l'accepte et la subisse; car elle résulte forcément de la conférence de l'art. 295 avec l'art. 296; - Que de la comparaison de ces deux textes sort la conséquence inévitable qu'il n'y a crime de meurtre qu'autant qu'il n'y a pas de préméditation, et que, dès lors, le meurtre ne peut être autre chose que l'homicide volontaire commis dans un premier mouvement, et sans dessein formé avant l'action; Que tel est d'ailleurs, le caractère qui lui a été explicitement et officiellement assigné par le législateur de 1791, dans l'instruction décrétée par l'assemblée constituante, les 29 sept. et 21 oct. 1791, et par celui de 1810, dans l'exposé des motifs du 7 fév. même année; que tello est encore, ainsi qu'on l'a vu, la définition qu'en ont donnée les anciens criminalistes, sous le nom d'homicide simple qu'il portait alors; qu'on peut nier la nécessité et la légalité de cette définition, mais qu'on ne la réfutera point, parce qu'elle est dans la nature des choses, parce qu'elle ressort du parallèle des textes de la loi aussi ostensiblement que si elle y était écrite en toutes lettres, et parce que, isoler des textes essentiellement corrélatifs, pour éviter la lumière qui jaillirait de leur contact, serait une methode qui n'a jamais été et ne sera jamais juridique ;

>> Que vouloir s'attacher exclusivement à la formule grammaticale de l'art. 295, se retrancher dans le vague qui l'embarrasse, s'obstiner à n'en pas sortir, repousser comme étranger à cette disposition tout ce qui ne s'y trouve pas littéralement énoncé, et de ce qu'elle déclare meurtre tout homicide commis volontairement, conclure que l'homicide résultant du duel étant volontaire constitue nécessairement un meurtre, ce serait étreindre la lettre de la loi, pour en combattre l'esprit, et se servir du sophisme pour étouffer le raisonnement; - Qu'un tel système d'argumentation ne conduirait à rien moins qu'à faire revivre d'anciennes récriminations qui, de l'avis unanime des criminalistes, sont aujourd'hui abolies, et à en créer qui n'ont jamais existé ;--Qu'ainsi, à l'aide de ce sophisme, on arriverait à ériger en crime le fait de tout individu qui aurait en vain. tenté de se détruire lui-même, ou qui, par une coopération indirecte, aurait facilité soit le suicide consommé, soit seulement sa tentative, puisque le suicide étant un homicide volontaire, sa tentative, comme sa complicité, devraient constituer celles du meurtre; que, par une conséquence: ultérieure, mais nécessaire, on pourrait aussi punir comme crimes ou délits, suivant les circonstances, les blessures ou mutilations qu'il plairait à chacun de faire ou d'exercer volontairement sur sa propre personne;' --- Qu'il n'est pas, en effet, un seul des raisonnements employés pour as

mais elle ne l'a pas résolue d'une manière uniforme. Ainsi, elle a jugé que l'homicide, les blessures ou coups résultant du

sujettir le duel au droit commun qui ne puisse également servir à y soumettre les faits de suicide non consommé;— Qu'ainsi, à supposer qu'avec les seuls moyens que fournit le code pénal actuel, et pour échapper aux embarras d'une loi spéciale, on prît la résolution d'arrêter, par une répression sévère, la déplorable tendance qui, de nos jours et dans toutes les classes de la société, entraîne tant d'individus à mettre eux-mêmes un terme à leur existence, il n'y avait qu'un nom à substituer à un autre, et aussitôt tous les raisonnements puisés dans le texte des art. 295, 296, 309 et 310 se trouveraient applicables à l'homme qui tente de se suicider, ou qui se blesse ou se mutile volontairement; - Qu'il n'y a pas jusqu'aux considérations puisées dans la morale, la religion et l'ordre public, qui ne pourraient aussi venir en aide à ce mode d'interprétation du code pénal;

» Qu'en vain on opposerait que du principe que la mort éteint l'action ynblique, et de l'abolition des peines de la claie et du refus de sépulture, nfligées autrefois aux cadavres des suicidés, résulte la preuve que la loi a laisse les faits de suicide sans répression;-Qu'à cela on répondrait que le suicide est un homicide volontaire, et que celui-ci est qualifié meurtre par l'art. 295 c. pén.;-Que, si le fait de suicide consommé échappe à la répression, ce n'est pas que la loi n'ait pas voulu le punir, mais parce qu'aucune des peines qu'elle a sanctionnées ne peut lui être appliquée, pas plus qu'à l'homicide réciproque commis dans un duel, ou à la tentative d'homicide imputable à celui des deux adversaires qui y a succombé; Qu'il n'y a d'exceptions au droit commun que celles qui résultent de la force des choses ou d'une disposition expresse, et que son empire s'étend sur tout le reste;-Que le code punit la tentative d'homicide volontaire, ainsi que les faits de complicité indirecte qui se rapportent, soit à la tentative, soit au crime consommé; Que, par conséquent, la complicité indirecte et la tentative de suicide sont régies par le droit commun, par cela seul qu'ils constituent des actes d'homicides volontaire;-Que, si on objectait que les codes de 1791 et de 1810 n'ont pas nommé les actes du suicide, on répondrait, comme pour le duel, que le suicide étant une variété de l'homicide, les actes qui s'y rapportent se trouvent de plein droit compris dans l'homicide volontaire qui est le genre ;-Que, si on voulait se prévaloir de ce que, par homicide volontaire, le code pénal n'a évidemment voulu parler que de l'homicide d'autrui; Que, si on ajoutait que cette définition, bien qu'elle ne soit pas écrite littéralement dans l'art. 293, ne résulte pas moins, au plus baut degré de certitude, du rapprochement de cet article avec plusieurs autres qui ont avec lui des rapports intimes et nécessaires, on répondrait encore, comme pour le duel, que la disposition de l'art. 295 est absolue, et qu'elle ne comporte aucune exception;Que, si, enfin, insistant sur les règles particulières à l'interprétation des lois criminelles, on faisait observer qu'il est de principe incontestable qu'aucune action ne peut être passible d'une peine quelconque, si elle n'a pas été formellement déclarée crime, délit ou contravention par la loi, on répondrait toujours, comme pour le duel, que les faits relatifs au suicide n'ont pas été rangés par la loi au nombre de ceux qu'elle déclare légitimes ou excusables;

» Considérant que si la qualification de meurtre ne peut appartenir à l'homicide commis en duel, celle d'assassinat ne lui convient pas davantage;-Que le caractère propre de l'assassinat n'a jamais été sujet à la controverse, ni dans l'ancien ni dans le nouveau droit; Que ce crime comporte avec lui, suivant le langage des anciens jurisconsultes, l'idée d'un avantage, d'un dol, d'une surprise ou d'une trahison; - Qu'il consiste essentiellement dans une agression préméditée contre un tiers, mais non concertée d'avance avec lui, et lors de laquelle, s'il y a eu résis ance, la défense a été précédée et provoquée par l'attaque; Qu'à cette doctrine, professée pendant un grand nombre d'années par la cour de cassation elle-même, on n'a jamais pu rien opposer, si ce n'est l'objection prise de ce que les termes de l'art. 296 c. pén. sont absolus et ne comportent aucune exception; mais que, si cette objection a été détruite en ce qui concerne l'art. 295, elle l'est aussi, et par les mêmes raisons, quant à l'art. 296, puisque, pour l'un comme pour l'autre, elle aurait les mêmes conséquences; - Qu'il est de toute évidence qu'en substituant à la thèse du duel celle du suicide, elle conduirait en droite ligne à l'incrimination de celui-ci, à titre d'assassinat, tout aussi facilement qu'à titre de meurtre, par la raison que les actes de suicide comportent aussi la préméditation, el que même, er énéral, elle en est une des circonstances habituelles; Qu'ainsi, à moins d'admettre que, dans le système du code pénal, la tentative ou la complicité indirecte du suicide constitue un crime capital, on est obligé de reconnaître que les termes des art. 295 et 296 reçoivent au moins une exception; Que, par conséquent, le prestige a tiaché à leur généralité est détruit ;-Que l'argumentation qu'on en tirait était fausse; — Qu'il n'est pas plus vrai de pretendre que tout homicide volontaire, accompagné de préméditation, constitue le meurtre dans tous les cas; et qu'enfin s'autoriser du vague de ces deux dispositions pour atteindre les actes du duel, ce serait prendre pour la vertu de la loi ce qui précisément constitue l'imperfection de son texte;- Que, d'ailleurs, co mode d'interprétation, le plus vicieux de tous, qui consiste à combattre

duel constituent des crimes ou délits répressibles par la législation ordinaire (Paris, 8 fév. 1839, ch. d'acc., M. Silvestre, pr.,

le sens doctrinal et universel d'une loi par la matérialité de son texte, rencontrerait encore un obstacle insurmontable dans une autre de ses conséquences, et que si, d'un côté, il fournit le moyen d'établir l'incrimination du duel, de l'autre, il donne ceux de paralyser complétement cette incrimination;-Que, s'il était une fois admis qu'il ne faut voir dans la loi pénale que sa lettre exclusivement, ce principe, qui, sans doute, n'aurait pas été établi uniquement en vue des art. 295 et 296, devrait s'appliquer aussi à l'art. 528, portant qu'il n'y a ni crime ni délit, lorsque l'homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nésité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui;-Que, dans le duel, cette nécessité existant pour les deux adversaires du moment où le combat, une fois commencé, les met, suivant les expressions de la commission du corps législatif, dans l'horrible alternative de se faire égorger ou de donner la mort, il faudrait en conclure que l'homicide et les blessures résultant du duel sont en eux-mêmes légitimes;

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>> Que, si on voulait contester cette conséquence, en soutenant que, dans le duel, le danger ayant été volontaire, fait par cela même disparaître la nécessité et la légitimité de la défense, on répondrait que l'art. 328 est absolu dans ses termes, et qu'il ne fait point ces distinctions; - Qu'en se servant des mots nécessité actuelle, il témoigne suffisamment qu'il n'entend s'occuper que de la réalité du danger au moment où il commence, sans distinguer entre les causes plus ou moins lointaines, plus ou moins volontaires qui ont pu lui donner naissance; - Qu'il ne dit nulle part que la légitimité de la défense devra disparaître là où le danger aura été facultatif dans son principe, bien qu'il ait cessé de l'être dans son actualité, ni que la participation quelconque de la volonté à la cause primitive du fait qui met la vie en péril privera celui que ce péril menace du droit de s'en défendre, il lui imposera l'obligation légale de se laisser mettre passivement à mort; Que la disposition de l'art. 328 est générale; — Qu'elle ne comporte aucune exception, et que là où le législateur ne distingue pas, le juge ne doit pas distinguer; Que si, néanmoins, pour établir que l'exception de la légitime défense n'est pas applicable aux actes résultant du duel, on ne se fait pas scrupule de sortir du texte de l'art. 528, afin de s'éclairer de son commentaire, il n'y a pas de raison pour qu'il n'en soit pas de même à l'égard des art. 295 et 296; Qu'on ne comprend pas pourquoi il serait permis de dissiper le vague de l'art. 328, en ce qui concerne les caractères de la légitime défense, et d'imposer a la généralité de ses termes des restrictions prises en dehors de son texte et empruntées à la doctrine, tandis qu'il serait interdit d'agir de la même façon et de puiser à la mème source, pour éclairer la lettre trop indéfinis des art. 295 et 296, en ce qui concerne les caractères exclusivement distinctifs du meurtre et de l'assassinat; pourquoi, lorsqu'il serait question d'incriminer le duel, il y aurait latitude discrétionnaire de consulter les lumières de la science, ou de leur résister, d'écouter la voix des jurisconsultes ou de lui imposer silence, de voir dans les termes de la loi un texte sacramentel, ou une formule flexible et sujette à controverse, tandis que, lorsqu'on voudrait réfuter cette incrimination, il faudrait rester asservi a la lettre morte du texte, quelque défectueux qu'il pourrait être; pourquoi, enfin, dans cette matière plutôt qu'en toute autre, la loi aurait deux faces, deux poids et deux mesures;

-

>> Qu'une fois les caractères de l'assassinat déterminés d'une manière spécifique et exclusive, il devient certain que l'homicide résultant du duel ne peut pas les revêtir, puisqu'il est de l'essence de ce genre d'agression que l'attaque et la défense scient simultanées et réciproques; qu'elles aient lieu du consentement des parties, et qu'elles aient été entre eux l'objet d'une convention antérieure ; Qu'à la vérité, on oppocs que la convention qui précède le duel étant contraire aux bonnes mœurs et a l'ordre public, est nulle de plein droit et ne peut produire aucun effet. Mais que, raisonner ainsi, c'est confondre des idées fort distinctes et méconnaître le rapport sous lequel cette convention demande à être envisagée; Que, s'il s'agissait de la considérer comme un contrat en vertu duquel deux bommes prétendraient se donner l'un sur l'autre droit de vie ou de mort; transformer, de leur autorité privée, un crime qualifié en ane action licite ou indifférente, et se faire remise à l'avance de la peine que la loi attache à ce crime, il faudrait. sans nul doute, se prononcer pour la nullité d'un pacte aussi déraisonnable qu'odieux. Mais qu'il n'est jamais venu à l'esprit de personne d'attribuer de pareils effets à la convention du duel; - Que jamais on ne s'en est prévalu comme d'un con trat capable de former un lien de droit entre les deux agresseurs, ou d'enchaîner l'action publique contre un crime qualifié, et encore moins de métamorphoser un fait criminel en un fait licite, licite en ce sens surtout que, par sa légitimité absolue, il dût échapper à toute incrimination ullérieure ; Qu'il faut simplement voir dans cette convention une circonstance inhérente au duel, et qui en forme un de ses éléments obligés; un fait matériel dont il est bien impossible de prononcer la nullité à aucun titre; un fait appréciable comme toutes les autres actions humaines, un fait enfin dont l'influence réelle et morale a pour résultat, non pas de rendre le duel légitime en soi ni d'empêcher qu'une loi ultérieure puisse l'atteindre avec justice, mais seulement de différencier tellement ses ré

aff. Busche, etc.; 21 mai 1840, ch. corr., M. Silvestre, pr., aff. Andrey; 27 mai 1840, ch. corr., M. Silvestre, pr., aff. Rovigo).

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sultats du meurtre, de l'assassinat et des blessures ordinaires. que la qualification de ces crimes ou délits ne puisse pas lui être appliquée, et d'en faire, par sa constitution propre, un acte spécial qui, pour trouver place dans la catégorie des lois penales, a besoin d'une disposition expresse et particuliere; Que l'influence de cette convention, considérée comme fait et non comme contrat, sur le caractère des actes résultant du duel, est tellement inévitable, qu'elle est admise même par les jurisconsultes qui soutiennent applicables au duel les lois penales actuelles; Que, seulement, au lieu de lui laisser sa portée tout entière, ils la modifient, la restreignent et ne l'acceptent que partiellement; Qu'ainsi, pour déterminer le degré d'incrimination applicable à de simples blessures faites en duel, on s'est autorisé de la convention qui avait précédé le combat, et on a décidé qu'elles ne constituaient qu'un simple délit, parce que, avant l'agression, il avait été convenu qu'elle cesserait au premier sang; que, cependant, la convention de ne se faire que de simples blessures n'est pas plus valable, sous le rapport de la légalité, que celle de se faire des blessures mortelles;

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» Qu'ainsi encore on a concédé, bien qu'avec une sorte de réserve, que l'effet de la convention pourra constituer, soit une excuse légale, soit une circonstance atténuante; - Mais que cette restriction des effets de la convention est évidemment inadmissible, parce qu'elle est tout à la fois arbitraire, illégale et irrationnelle: - Arbitraire, parce que la loi, dans aucune de ses dispositions, n'en a fixé ni le degré ni les limites;-Illegale, parce que les faits d'excuse ont été spécifiés d'une manière exclusive par la législateur, et que la convention préalable du duel n'ayant pas été comprise dans leur nombre, ne saurait y trouver place; -Irrationnelle enfin, parce que le pouvoir atténuant étant une création nouvelle et de longtemps postérieure à la promulgation du code pénal, on ne s'explique pas comment juges ou jurés auraient pu faire droit à l'atténuation résultant de la convention, durant toute la période de temps qui a précédé la promulgation de la loi du 28 avr. 1852; Mais que ce système encourt un autre reproche d'illégalité bien plus grave encore, en ce qu'il aurait pour résultat de créer une catégorie de crimes et de délits inconnus dans la législation française, c'est-à-dire des crimes et des délits atténuables de p ein droit et par leur propre nature; Que la convention étant un éléinent inséparable du duel, si, par sa propre vertu, elle devait constituer une circonstance atténuante, il s'ensuivrait que tous les actes résultant du duel porteraient en eux-mêmes, toujours et dans tous les cas, une cause nécessaire d'atténuation, et que les peines que la loi y attache nominalement seraient aussi toujours comminatoires, puisqu'elles devraient chaque fois être remplacées par une peine d'un ou de plusieurs degrés

inférieurs ;

-

>> Que cependant il est dans la nature des causes d'atténuation d'être accidentelles, de faire l'exception et non la règle, d'avoir leur principe dans des circonstances variables et placées en dehors des éléments constitutifs des faits incriminés; Que notre système pénal n'en reconnaît pas qui soient acquises de plein droit, d'une manière permanente et irrévocable, à tels crimes ou délits; - Que le législateur, lorsqu'il décerne des pénalités, les proportionne à la gravité des faits qu'il incrimine, considérés dans leur état normal; Que, si ces faits portent avec eux, et dans leur propre nature, des causes d'atténuation, c'est lui-même qui en tient compte, en modifiant proportionnellement la peine ou la qualification; qu'il se manquerait a lui-même et cesserait d'être juste si, pour faire droit à une atténuation dont le principe est invariable et certain, il s'en remettait aux hasards du jugement des hommes; Que, du reste, l'effet de ces concessions, plutôt indiquées qu'offertes, ne pouvait servir qu'a pallier, et non à surmonter les obstacles que la nature du duel oppose à l'application du droit commun; mais que leur illégalité devait, tôt ou tard, en entraîner la rétractation; Que la nécessité s'en est fait sentir promptement, et que tout récemment elles viennent d'être retirées; Que déjà il en avait été de même d'une autre modification qu'on espérait aussi apporter aux rigueurs du droit commun en ce qui concerne les duels non suivis d'homicide, de coups ni de blessures; - Qu'à leur égard et à l'exemple du ministre de la justice de l'an 9, l'organe du ministère public avait déclaré, devant la cour de cassation, qu'ils ne donneraient lieu à aucunes poursuites, ni, par conséquent, à l'application d'aucune peine, parce que la nouvelle législation De voulait s'attacher qu'au résultat matériel; Que cependant six mois plus tard, et jour pour jour, la cour de cassation jugeait déjà qu'un duel où personne n'avait été tué ni blessé n'en constituait pas moins un crime entraînant la peine capitale; - Que ces contradictions prouvent mieux que tout ce qu'on pourrait dire combien, en matière criminelle, il est dangereux de soumettre au droit commun des matières qui n'y sont pas naturellement appropriées; car le droit commun puise dans l'inflexibilité de ses principes et dans l'inexorabilité de leurs conséquences une force d'entrafoement irrésistible qui ne comporte aucun ménagement, et que nul n'a le pouvoir de modérer au gré des circonstances; - Qu'entin les mécomptes auxquels on s'expose, quand, forcé de reconnaître l'influence irrésistible de la convention sur le caractère des actes résultant du duel, on veut lui assiguer des limites et lui imposer des restrictions arbitraires, démontrent

-La même solution résulte implicitement d'un arrêt de la même cour, du 1er juin 1842, aff. Granier de Cassagnac (V. infri

suffisamment qu'à son égard il n'y a que deux partis à prendre, ou la nier et refuser d'en tenir aucun compte, ce qui est moralement et juridique ment impossible, ou bien lui laisser toute sa portée et reconnaître qu'au lieu d'une simple atténuation elle imprime aux faits auxquels elle s'ap plique des modifications tellement essentielles qu'elles exigent une incrimination spéciale;

» Considerant que c'est mal à propos qu'on voudrait se prévaloir de ce que les faits résultant du duei n'ont pas été rangés par la loi au nombre de ceux qu'elle déclare légitimes ou excusables; - Que l'excuse et la dé claration de légitimité ne sont que des correctifs de l'incrimination; Qu'un fait n'a donc besoin d'être qualité excusable ou légitime qu'autant. qu'il a été préalablement rangé dans la classe des crimes ou des délits ;. Qu'ainsi l'objection repose sur une pétition de principes; Considé rant que, s'il est de maxime en droit public que nul ne doit se faire justice à soi-même, il faut reconnaître aussi que l'infraction de cette maxime ne peut, en aucun cas, se transformer d'elle-même en crime ou délit, sans le secours d'une loi positive qui lui imprime cette qualification; — Qu'une telle infraction peut être incriminable en droit, mais qu'elle ne peut être, incriminée de fait que par une déclaration expresse du législateur; - Que l'aptitude à l'incrimination et l'incrimination effective sont deux choses fort différentes qui demandent à n'être pas confondues; Que, relativement au duel, pas plus que relativement à tout autre fait, on ne saurait induire celle-ci de celles, parce qu'on ne peut rien conclure de la faculté à l'action; - Considé at que les principes ci-dessus exposés sont applicables aux blessures, tout comme à l'homicide résultant du duel: - Condérant, enfin, que la vérité de ces principes est si peu contestable, qu'elle vient d'être sanctionnée tout récemment dans une autre matière, par un arrêt solennel de la cour de cassation, dont le dispositif est fondé sur ce que les tribunaux ne peuvent étendre les dispositions pénales des lois, des cas qu'elles expriment a d'autres cas qu'elles n'expriment pas, et sur ce qu'il n'appartient qu'au législateur d'ajouter à ces disposition où d'en combler les lacunes; Par ces motifs, rejette l'appel interjeté par le procureur du roi de rasbourg, du jugement rendu par le tribunal correctionnel de ladite vie, le 10 mai 1858. »— -Pourvoi. Arrêt.

-

LA COUR; Vu les art. 2, 295, 302, 309, 310 et 311 c. pén.; Vu aussi les art. 59 et 60 du même code;- Attendu, en droit, que, si les lois de l'assemblée constituante ont aboli la législation spéciale sur les duels, il n'en faut pas conclure que le meurtre commis et les blessures, faites par suite d'un duel ne sont prévus par aucune loi pénale; - Qu'il l'empire du droit commun;-Qu'en effet, les dispositions du code, des faut, au contraire, en tirer la conséquence que ces faits sont tombés sous delits et des peines de 1791 et celles du code du 5 brum. an 4 su' l'homicide et les blessures volontaires étaient générales et absolues, et que celles des art. 295 et suiv., 509 et suiv. c. pén., sur la même matière, ne le sont pas moins; - Qu'il n'y a d'exception légale à ces deux dispo sitions que dans deux cas, celui où l'homicide et les blessures sont ordonnées par la loi ou par l'autorité légitime, et celui où ils sont commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense. de soi-même ou d'autrui; - Qu'on ne saurait établir aucune assimilatio a entre ces deux cas, prévus par les art. 527 et 528 c. pén., et celui d'o ne convention par laquelle les parties s'arrogent le droit de se faire, par 'ies armes, justice à elles-mêmes. Que, si la législation actuelle ne pun it pas une telle convention, elle n'enlève pas aux faits qui en sont là saite le caractère criminel que peut leur imprimer la législation généra le, et que ces faits, étant soumis aux dispositions du droit comun, doivent être appréciés non-seulement relativement aux articles du cod pénal ci-dessus cités, mais encore relativement aux autres dispositions de ce code;

Attendu, en fait, que l'arrêt attaqué constate que le 27 fév. 1858, dans un bal qui se donnait à Strasbourg, il est surver u entre Pingenot et Michel Levy une altercation à la suite de laquelle le premier a provoqué l'autre en duel; - Que le lendemain Pingenot et Levy se sont rendus sur le glacis de la ville avec leurs témoins Guillaume Bernède, Henri Mathern et Abraham Lippmann, en présence desquels ils se sont battus au sabre, arme choisie par Pingenot; - Que, dans ce combat, ce dernier a reçu dans la poitrine une blessure qui lui a été fai'.e par Levy, et qui a occasionné une incapacité de travail de moins de vingt jours;

Attendu que ces fails présentent non-seulement à l'égard de Levy la prévention du délit de blessures volontaires prévu par l'art. 311 c. pen., mais encore, à l'égard de Guillaume 'Bernède, Henri Mathern et Abraham Lippmann, la prévention de compli cité du même délit ; - Que cependant la cour royale de Nancy, par l'arrêt allaqué, a rejeté l'appel interjeté par le procureur du roi de Strasbourg du jugement rendu par ce tribunal le 10 mai 1838, par le motif que les blessures faites dans un duel ne pouvaient tomber sous l'application d'aucune loi pénale, en quoi ledit l'arrêt rendu par la cour royale de Nancy, le 27 fév. 1.839. arrêt a formellement violé les articles ci-dessus cités; - Casse et annule

Du 11 déc. 1839.-C. C., ch, réun.-MM, Portalis, 1er pr.-Hervé, rap.Dupin, pr. gén., c. conf.

n° 120). Mais elle a jugé, en sens contraire, d'abord par un arrêt du 10 août 1838, aff. Gilbert, cassé par arrêt du 2 fév. 1839, puis par deux autres arrêts (aff. Servient, D. P. 45. 1. 60, aff. Beauvallon, eod., 4. 169).

111. Malgré ces dissidences, on peut regarder la jurisprudence française comme définitivement et irrévocablement fixée, sur cette question, dans le sens des derniers arrêts de la cour de cassation, puisque la loi du 1er avr. 1837 donne à cette cour le pouvoir d'imposer ses doctrines aux juridictions placées audessous d'elle dans la hiérarchie judiciaire.

112. Du reste, elle avait été devancée dans cette voie par la jurisprudence belge. Un premier arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, 3 ch., du 20 fév. 1834, aff. Kœlmann, avait jugé que les blessures, quoique faites dans un duel, constituent le délit prévu par les art. 309 et 311 c. pén. Bientôt après, la cour de cassation belge, par un arrêt longuement et soigneusement motivé, confirma cette jurisprudence et jugea que l'homicide ou les blessures qui sont la suite d'un duel ne tombent sous aucune des exceptions apportées par le code pénal à la règle générale qui qualifie crime ou délit ces divers actes; et que, par cela même, ils rentrent sous l'application de cette règle générale (C. cass. belge 12 fév. 1835, MM. de Sauvage, pr., Plaisant, av. gén., c. conf., aff. min. pub. C. Paz...). Depuis, il est vrai, quelques cours d'appel ont jugé, en sens contraire, que l'homicide commis et les blessures faites e duel ne constituent ni crime ni délit punissable d'après le code pénal (Gand, 13 déc. 1836, aff. Michaels). Cette question ne peut plus aujourd'hui se présenter en Belgique, le duel y étant, régi, comme nous l'avons vu, par une loi spéciale, la loi du 8 janv. 1841.

113. Revenons à la dernière jurisprudence de la cour de cassation; voici quelques corollaires qui résultent de ses arrêts: 1o Dans les colonies comme en France, l'homicide et les blessures qui sont la suite d'un duel, doivent être poursuivis comme rentrant dans le cas de l'homicide et des blessures volontaires prévues par le code pénal (Crim. cass. 4 janv. 1839, MM. Bastard, pr., Vincens, rap., int. de la loi, aff. Louisy-Lefrère) ;2° L'homicide et les blessures qui sont la suite d'un duel doivent être punis comme l'homicide commis et les blessures faites dans toute autre circonstance (Crim. cass. 6 juin 1839, MM. Bastard, pr., Dehaussy, rap., int. de la loi, aff. Lasage);-3° L'homicide est les blessures qui sont le résultat d'un duel constituent les crimes d'homicide et de blessures volontaires prévus par les art. 295, 296, 297, 302 et 304 c. pén. (Crim. cass. 2 août 1839, MM. Bastard,pr., Dupin, pr. gén., c. conf., int. de la loi, aff. Denys; Ch. réun. cass. 11 déc. 1839, aff. Levy, V. n° 109; Crim. cass., 10 sept. 1840, M. Dehaussy, rap., aff. min. pub. C. Champglen, etc.; 12 nov. 1840, M. Dehaussy, rap., aff. min. pub. C. Dunoday, etc.; 4 janv. 1845 aff. Servient, D. P. 45. 1.60; Ch. réun. cass. 25 mars 1845, même aff., D. P. 45. 1. 135; 14 | août 1845, aff. Talhouarn et aff. Beauvallon, D. P. 45. 4. 168); -4° Les coups ou blessures ou le meurtre résultant d'un duel ne peuvent être excusés comme commandés par la nécessité actuelle de la défense de soi-même (Crim. cass. 4 janv. 1845, aff. Servient, D. P. 45. 1. 60; ch. réun. cass. 25 mars 1845, même aff., D. P. 45. 1. 135) ;-5° Le duel ne peut perdre le caractère de délit, ni être soustrait à la vindicte publique, sous prétexte que les coups, blessures ou le meurtre qui en résultent, sont l'effet de l'accord mutuel des combattants et de leur renonciation réciproque à recourir à l'action répressive de la loi (Crim. cass. 4 janv. 1845, aff. Servient, D. P. 45. 1. 60).

114. Enfin la cour de cassation a depuis jugé par plusieurs arrêts, et conformément à sa jurisprudence, que les blessures ou l'homicide commis en duel constituent un crime ou un délit tombant sous la répression de la l'oi pénale; que ces blessures ou cet homicide ne peuvent être excusés comme commandés par la nécessité d'une légitime défense, i perdre leur caractère de criminalité à raison de l'accord mutuel des combattants (Crim. cass. 12 avr. 1850, aff. Vallein et cons., M. Quénault, rap.; 19 avr. 1850, aff. Anthoine et cons., M. Barennes, rap.; 11 juill. 1850, aff. Chabrol, M. de Glos, rap.; 20 déc. 1850, aff. Crouzat et cons., M. Grandet, rap.; 20 déc. 1850, aff. Léonardon, M. Grandet, rap.).

115. Parmi les jurisconsultes qui se sont occupés de cette

question, quelques-uns se sont prononcés pour la doctrine à la quelle la cour de cassation s'est ralliée depuis 1837.- Ce sont notamment MM. Rauter, Traité de dr. crim., t. 2, p. 15, no 444; Bourguignon, Jurisp. des c. crim., sous l'art. 295 c. pén., nos 4 et 5, auxquels il faut ajouter trois magistrats éminents: MM. Bellart, Courvoisier et Dupin, qui se sont exprimés en ce sens, le premier dans un réquisitoire prononcé devant la cour des pairs, dans l'affaire de Saint-Morys, jugée par arrêt du 15 mai 1818; le second dans un réquisitoire du 18 mai 1824; le dernier, enfin, dans plusieurs réquisitoires, et notamment dans celui du 22 juin 1837 sur lequel fut rendu l'arrêt qui a en quelque sorte inauguré la nouvelle jurisprudence de la cour de cassation. D'autres, au contraire, se sont prononcés dans le sens de la première jurisprudence de cette cour, suivant laquelle le duel ni ses suites ne sont prévus ni punis par le code pénal: ce sont notamment MM. Merlin, Rép. et Quest., v° Duel; Carnot, code pén., sous l'art. 295, n° 26; Chauveau et Hélie, Théor. du code pén., 2o édit., t. 3, p. 505 et suiv., et même M. Dupin, dans un écrit publié en 1821, sous ce titre Observations sur plusieurs points importants de notre législation criminelle, p. 294. A ces autorités il faut joindre celle de M. le procureur général Mourre, sur les conclusions conformes duquel avait été rendu l'arrêt du 8 avril 1819. Mais il paraît que, dans ses derniers jours, Merlin a rétracté l'opinion qu'il avait soutenue dans ses ouvrages. En effet, M. le procureur général Dupin, dans le réquisitoire à la suite duquel fut rendu l'arrêt du 15 déc. 1837, aff. Pesson (V. suprà, no 108), annonça avoir reçu de l'illustre jurisconsulte une lettre dans laquelle il disait « Votre réquisitoire du 22 juin m'a convaincu, j'adhère à la doctrine de l'arrêt. » — Quant à M. Cauchy, il ne s'explique pas d'une manière bien catégorique sur la question; il s'attache plutôt à montrer comment et sous l'influence de quelles circonstances la cour de cassation a dû être amenée à changer sa jurisprudence; quant à la question en elle-même, on peut induire des termes dans lesquels il s'exprime sur ce sujet, que l'interprétation consacrée par les arrêts de 1837 et suiv. lui paraît fort douteuse.

116. Jusqu'à présent nous nous sommes bornés au rôle de simples rapporteurs; nous avons exposé les solutions qu'a reçues la grave question qui nous occupe, exposé la marche qu'a suivie la jurisprudence, et fait connaître les autorités qui peuvent être invoquées de part et d'autre. Nous devons maintenant examiner la question en elle-même, peser la force des arguments qui ont été produits dans l'un ou l'autre sens, dire, enfin, quelle est, entre l'ancienne et la nouvelle jurisprudence de la cour de cassation, celle qui nous paraît contenir l'interprétation la plus saine et la plus exacte de la loi pénale. C'est surtout dans les réquisitoires de M. Dupin, et notamment dans celui du 22 juin 1837, que nous chercherons les arguments par lesquels peut être défendu le système qu'il a fait prévaloir devant la cour de cassation.

Et d'abord que faut-il conclure du silence gardé sur le duel par le code de 1791? On pourrait presque dire que toute la question est là, puisque, le même silence ayant été continué par les codes qui lui ont succédé, et notamment par les codes du 3 brumaire an 4 et de 1810, on est autorisé à penser que ce qu'a voulu, à cet égard, le législateur de 1791, les législateurs de l'an 4 et de 1810 l'ont voulu également. - Suivant M. Dupin et suivant l'arrêt du 22 juin 1837, les anciens édits sur les duels constituaient une législation exceptionnelle, privilégiée, applicable aux nobles seuls; quant aux duels entre roturiers, ils étaient soumis aux règles du droit commun sur l'homicide, les blessures et les coups. Or le code de 1791, en abolissant les anciens édits et déclarations, n'a point entendu conférer au duel le bénéfice de l'impu nité il a seulement détruit l'exception, et par là replacé les duels des nobles, comme ceux des roturiers s'y trouvaient déjà, sous l'empire du droit commun. Le duel a donc cessé d'être par lui-même un fait punissable, et ses suites sont devenues passibles des peines ordinaires applicables au meurtre, aux blessures et aux coups. Pour répondre à cet argument, on a justement fait observer que le fait sur lequel il repose, à savoir que les anciens édits sur les duels auraient été applicables aux nobles seuls, se trouve contredit par les termes mêmes de ces édits. En effet, si nous nous reportons au premier acte législatif qui ait prohibé et puni les duels, à l'ordonnance rendue à Moulins en 1566 (V. su

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