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après cassation, la cour de Nancy a discuté la question avec le

Messieurs, un grand assentiment public avait suivi votre arrêt contre les duels. Solennellement discuté, mûrement réfléchi, profondément motivé, tous ceux qui s'intéressent au maintien de la morale publique y avaient applaudi. Les familles se rassuraient; la société commençait à en ressentir les heureux effets; des duels avaient été refusés, sans que la considération des personnes en eût souffert aux yeux du monde. La chambre des députés avait donné son approbation à l'un de ces refus; et ceuxla même qu'on avait vus naguère chercher une satisfaction dans un duel à mort, donnant un meilleur exemple, avaient recouru à la justice pour en obtenir la réparation des injures plus récentes dont ils étaient devenus l'objet. Déjà la jurisprudence des cours royales reprenait son ancienne direction, et la cour d'Aix, par exemple, avait rendu deux arrêts conformes à votre dernière décision. On a été généralement surpris que la cour saisie par votre renvoi n'eût pas suivi la même impulsion. Et pourtant il ne faut point s'en affliger, puisque vous y trouverez l'occasion, qu sans cela eût pu se faire attendre, de terminer la lutte par un arrêt solennel, qui cette fois sera souverain. - Cet arrêt, rendu par toutes les chambres réunies, s'il est tel que nous l'espérons, fera cesser l'anarchie des ilées sur cette grave question: il se fortifiera de l'assentiment de tous les amis de la justice, de l'ordre social et des lois; et vous aurez mis par là, autant qu'il est en vous, un terme à ces guerres privées, reste grossier de la barbarie du moyen âge, indigues d'un siècle qui se donne avec orgueil comme une époque de philanthropie, de civilisation et de progrès. -- Mon intention n'est pas de rentrer dans les détails historiques qui servaient d'introduction à mon premier réquisitoire devant la cour. Je suppose qu'il en est resté quelques traces dans vos souvenirs, et, d'ailleurs, le rapport remarquable que vous venez d'entendre a beaucoup simplifié ma tâche, par le soin qu'a pris son auteur de résumer tous les éléments de la première discussion. Cependant souffrez que je discute à mon tour (l'absence d'un défenseur à la barre m'en impose l'obligation): je ne demande rien qu'à la conviction, et il importe qu'elle soit complète dans une question où mon plus redoutable adversaire est le préjugé.

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» Le véritable contradicteur du pourvoi est l'arrêt qui vous est déféré : cet arrêt est longuement motivé; il reproduit les arguments, il résume tout le système favorable à l'impunité des duellistes. Tous ses raisonnements peuvent se réduire, à leur tour, à trois objections principales :1° Il y a lacune dans la législation sur les duels. Avant 1789, ils étaient soumis à une législation spéciale; l'assemblée nationale ayant aboli cette législation sans y rien substituer, a aboli nécessairement et simultanément pour tous la pénalité attachée à leurs résultats, si exceptionnels de leur nature. - 2o Cette lacune a été hautement signalée de 1791 jusqu'à re jour; elle l'a été par la convention nationale, dans la deuxième partie de son décret du 29 mess. an 2; par la chambre des pairs, en 1817; par plusieurs arrêts de la cour suprême; par la présentation géminée de projets de loi sur la matière; par l'opinion de jurisconsultes éminents; par le silence du ministère public: d'où est résultée l'erreur commune qui a pu faire croire aux duellistes qu'ils étaient à l'abri des poursuites de la loi. -3° Il est évident qu'on ne peut rattacher le duel à aucune des catégories d'homicide punissable, ayant chacune, dans le code pénal de 1810, leur expresse et exclusive qualification, qualification logiquement incompatible avec la notion du duel, c'est-à-dire d'un fait qui, bien qu'odieux et digne de toute réprobation, se trouve pourtant, et si l'on scrute surtout dans les méfaits les intentions de l'auteur, à une distance infinie des intentions qui caractérisent le meurtre et l'assassinat.

>> Reprenons successivement ces trois objections. Il est vrai qu'autrefois la législation sur le duel était exceptionnelle cela tenait à la maDière dont le duel s'était introduit dans notre histoire et dans nos mœurs; car il a fait partie de notre législation dans des temps d'ignorance; de notre histoire, dans les temps de féodalité, et de nos préjugés, même après qu'il eut été proscrit. La législation des duels etait exceptionnelle par la qualité du délit : c'était un fait d'insubordination au premier chef, un crime de lèse-majesté. Elle était exceptionnelle par la qualité des personnes, car elle atteignait surtout les gens que, par privilége, on appelait gentilshommes, et les querelles dont on leur réservait pour ainsi dire le monopole en les qualifiant de point d'honneur, à la différence des vilains, qui n'étaient pas censés faire profession de l'honneur. Partant de cette distinction, les édits prononçaient des peines diverses, à raison de la qualité des personnes, quoiqu'il n'y eût pas de différence dans le délit. Enfin cette législation était encore exceptionnelle, en ce point qu'elle ne faisait pas juger les duellistes par les tribunaux ordinaires, mais bien par le tribunal des maréchaux. Mais remarquez de suite (et je recommande cette observation à vos méditations) que, si la législation des duels était exceptionnelle autrefois, c'était par aggravation et non par faveur. Le droit commun avait paru trop faible: on voulut une législation plus ferme, plus sévère; on fit une législation draconienne contre les duels. Je n'ai pas à examiner si l'on a réussi. Peu importe l'effet qui a été produit; mais telle avait été la pensée du législateur, tandis qu'auourd'hui vous n'entendez que doléances sur ce qu'on prétend appliquer au duel le droit commun, qu'on trouve trop sévère. On accumule les arguments pour exciter la sensibilité du juge chargé d'appliquer la loi pénale,

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plus grand soin, et, s'élevant contre le système répressif dt

à ce point qu'il se trouve des gens qui se font scrupule de croire que le code pénal ait voulu atteindre des hommes aussi estimables, aussi recommandables que les duellistes. Voilà la direction des sentiments que j'ai à combattre.

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» Cette législation exceptionnelle n'a pas été abolie par une loi spéciale. Si l'on cût procédé ainsi par une loi séparée, sans rien mettre à la place, on pourrait croire, en effet, que cette abolition pure et simple aurait créé une lacune. Non, messieurs, on n'a point procédé ainsi. L'abolition de la législation spéciale est résultée de ce qu'on a refait la législation pénale tout entière, et de ce qu'en tête de cette législation, et pour poser d'abord le principe (non pas seulement un principe de droit criminel, mais un principe de droit constitutionnel et de moralité), le legislateur a proclamé que les mêmes crimes seraient punis des mêmes peines, sans distinction de personnes. Ainsi on a retranché l'exception en ce qu'elle avait de contraire à la différence des juridictions, basée sur la qualité privilégiée des personnes. C'est parce qu'il n'y a plus eu qu'un seul code pénal, un code unique, uniforme, applicable à toutes les personnes, que le duel a disparu de la législation. C'est le code pénal de 1791 qui a produit cette abrogation, en proclamant l'égalité de tous devant la loi. Cela ne veut pas dire qu'on n'ait rien mis à la place: cela veut dire seulement que, dans la refoute générale de la législation, au lieu de faire du duel l'objet de dispositions spéciales, on a voulu le comprendre dans les dispositions générales relatives à l'homicide.

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» Il existe à cet égard des preuves qui sont sans réplique. M. Lan juinais avait eu l'idée de reconstruire une législation spéciale pour les duels dans ce dessein, il préscuta un projet de loi en sept articles, qu'il voulait faire voter séparément. Mais ce projet fut renvoyé à la commission du code pénal, et après une conférence entre les comités, on renonça à faire une législation spéciale pour les duels; on préféra établir un droit commun, mais dans des termes si généraux qu'ils ne comportassent aucune exception favorable aux duels. Ce code commence par déclarer tous les cas où un homicide commis sera excusable: ce sera, s'il y a eu imprudence, défaut de volonté; si le meurtre est légal, s'il est commandé par la loi ou par la juste défense de soi-même ou des autres, s'il a eu lieu enfin pour repousser un danger qu'on ne se sera pas créé par convention, Enfin, après toutes ces exceptions, qui déjà de leur nature sont limita tives, le code pose la règle en ces termes :-«Art. 7. Hors les cas déter◄ minés par les précédents articles, tout homicide commis volontairement envers quelques personnes, avec quelques armes, instruments, et par quelque moyen que ce soit, sera qualifié et puni, ainsi qu'il suit, selon le caractère et les circonstances du crime.»-Ainsi plus de distinction pour le gentilhomme qui fait profession de l'honneur; car désormais tous les citoyens sont placés sur la même ligne, et le législateur les honore assez pour ne pas les humilier par de semblables distinctions. La loi est la même pour tous; elle n'a qu'un but, c'est d'atteindre tous ceux qui combattent et tuent avec telle arme que ce soit, avec le poing,ļavec un bâton, avec le pistolet ou avec l'épée. Tu ne tueras point.

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>> En présence de ce droit commun si général, fait en telle connaissance de cause que sept articles spéciaux renvoyés pour figurer dans la loi n'y ont pas été insérés, il ne suffirait pas que le code n'eût pas nommé le duel, il faudrait qu'il en fût nominativement excepté, et il n'en est pas ainsi. La loi procède de cette double manière : elle consacre d'abord les exceptions; elle pose ensuite la règle générale, dans laquelle le duel se trouve ainsi naturellement compris. Autre preuve de la volonté du législateur : - Le décret du 17 sept. 1792 est remarquable en ce qu'il est postérieur à la promulgation du code de 1791, el cependant il renferme une amnistie pour les provocations en duel or celte amnistie eût été superflue s'il eût été vrai que, depuis la promulgation de ce code, les duels avaient cessé d'être des délits.

» En effet, à la différence des matières civiles qu'il faut régir par les lois existantes au moment où les intérêts se sont formés, les matières criminelles se règlent par la législation en vigueur, au moment où l'on poursuit et où l'on prétend sévir. Si donc il se trouve qu'à cette époque le fait a cessé d'être mis au rang des actions punissables, il n'y a plus possibilité d'atteindre ce fait. Par conséquent, s'il était vrai que rien n'eût été substitué, dans la loi de 1791, à ce qui existait auparavant contre les duels, si le nouveau code ne s'appliquait pas aux duels, il n'y avait pas de poursuites possibles contre les duellistes. Cependant voici le législateur de 1792, à moins d'une année de distance du code de 1791, qui croit nécessaire de rendre une loi spéciale d'amnistie, afin d'empêcher qu'on ne donne suite aux accusations pour cause de duel: le duel était donc encore au rang des crimes à la date de ce décret.

» L'arrêt de la cour de Bourges essaye encore de se prévaloir du dé. cret du 29 mess. an 2. Cela porte à une réflexion douloureuse sur la ma nière dont s'introduisent certaines jurisprudences. Si un argument a élé donné par un premier arrêt, on le retrouve successivement dans tous ceux qui adoptent le même système, et l'erreur se propage sans qu'on prenne désormais la peine de l'examiner. Rien, en effet, dans l'espèce actuelle, pe porte plus à faux que les considérants tirés du décret du 29 mess. an 2. il a eu lieu à l'occasion d'un article du code pénal militaire de 1793, ains

duel, elle l'a poussé jusque dans ses arguments en apparence les

conçu :-« Tout militaire convaincu d'avoir menacé son supérieur de paroles ou de gestes sera puni de deux ans de prison, destitué et déclaré incapable de servir dans les armées de la République, et, s'il y a voie de fait, il sera puni de mort. » - C'est sur cet article que la convention fut consultée pour savoir s'il pouvait s'appliquer aux inférieurs qui appelaient leurs supérieurs en duel. Vous voyez qu'il s'agit ici d'une question de pure discipline militaire; or la discipline des camps et des casernes est tellement étrangère à la question, que l'on voit de suite la faiblesse de l'argument. La convention décide la question négativement; elie pense que l'article ne s'étend pas au fait de provocation au duel; mais comme ce fait tient à la discipline militaire, et qu'il peut être important de la ré. gler, la convention renvoie la question au comité de recensement des lois, pour l'examiner et proposer ce qu'elle avisera sur les duels. Eh bien! de ce renvoi il résultera au moins ceci : c'est que, dans la nouvelle rédaction d'un code pénal qui se prépare, on aura à examiner s'il faut rester dans les mêmes termes de la loi de 1791, ou bien parler des duels nominativement. Or, quand on a fait le code de brumaire an 4, on s'est renfermé dans les mêmes termes de généralité que le code de 1791, et l'on a pensé encore que ces termes suffisaient. Je dois même signaler un fait plus décisif. Un doute s'éleva en l'an 9 on se demanda si la simple provocation au duel, sans qu'il s'en fût suivi mort ou blessures, pouvait être poursuivie en vertu du nouveau code pénal. Le ministre de la justice, consulté sur ce point, répondit en ces termes, le 13 prair. an 9: «Dans l'état actuel de la législation, le duel qui n'a été suivi d'aucune blessure, contusion ou meurtre, ne peut donner lieu à des poursuites judiciaires; mais il est hors de doute que les blessures, contusions ou meurtres effectués, étant par eux-mêmes des atteintes portées à la sûreté ou à la vie du citoyen qui en a été victime, ces voies de fait rentrent dans la classe de toutes celles de la même nature qu'ont prévues les lois pénales et que doivent poursuivre les tribunaux, d'après la nature des circonstances et la gravité du fait matériel. »>

» Ainsi, à mesure qu'on marche, les faits s'expliquent. En 1789, en 1791, il ne peut plus y avoir de législation exceptionnelle et privilégiée. Le droit commun est proclamé par le code de 1791 on aurait pu insérer dans la loi des articles particuliers au duel; mais on ne le veut pas. Le droit commun régira le duel comme les autres homicides; on en est bien averti par le rejet du projet spécial présenté en sept articles et destiné à y être inséré. En messidor an 2, on élève la question de savoir s'il n'y a pas lieu de renvoyer au comité de recensement général des lois, pour s'occuper de la question de provocation au duel, et à dix-huit mois de distance on décide encore qu'on restera dans les termes du droit commun. On se refuse à faire une loi d'exception pour la provocation; mais s'il y a mort, s'il y a attentat à la vie d'un citoyen, même de son consentement, ce fait, ce crime, comme tous les autres crimes, sera atteint et puni par la disposition générale du code. Telle est la réponse du ministre de la justice. En 1810, lorsque, pour la troisième fois, on va refaire le code pénal, on agit en pleine connaissance de cause, puisque la question avait été déjà soulevée plusieurs fois. L'imagination en a été suffisamment frappée. On ne pouvait prendre que trois partis: ou de punir le duel, comme autrefois, par aggravation de peine; ou de le laisser dans l'impunité, comme le prétend l'arrêt attaqué et comme le voudraient les partisans de ce système; ou enfin de le comprendre dans les dispositions générales de la loi. On se décide pour ce dernier parti: le duel restera dans le droit commun; le duel n'est qu'un crime vulgaire qui ne mérite pas plus de colère et pas plus d'indulgence que les autres crimes, el qui par conséquent doit être puni par les peines du droit commun. Le code de 1810 est conçu dans cet esprit: il punit l'homicide volontaire; il consacre quelques exceptions qui ne s'appliquent pas au duel. Donc le duel est compris dans ses dispositions répressives.

» Mais il existe sur ce point un document bien puissant, dont je m'étonne qu'on ait méconnu la force je veux parler du rapport présenté par M. de Monseignat. Voyons d'abord, et ne craignons pas ici de nous répéter, comment il s'exprime sur la question. Mais avant de citer ses paroles, j'ai besoin d'arrêter votre attention sur quelques considérations préliminaires, afin de donner une idée juste de l'espèce d'autorité qui doit s'attacher à ce rapport. - Les formes de la législation étaient fort différentes en 1810 de ce qu'elles sont actuellement. Aujourd'hui le gouvernement présente un projet de loi accompagné d'un exposé de ses motifs; des commissaires sont chargés d'examiner le projet. Leur rapport exprime la pensée de la commission, dans laquelle existe souvent une majorité d'un côté, une minorité de l'autre. Cette pensée de la commission peut souvent ne pas s'adapter à l'idée première du projet et s'écarter beaucoup de l'exposé du gouvernement elle en diffère nécessairement s'il y a des amendements, des changements, des modifications qui réagissent souvent, et quelquefois à l'insu même de ceux qui les ont proposés, sur les autres dispositions de la loi. Que dirai-je ensuite de ce nouveau projet, livré à la discussion de l'autre chambre, et qui vient se compli quer de nouveaux discours, de nouveaux amendements? Sans doute, en dernier résultat, la loi, soumise à ces épreuves, sera mieux l'expression des vœux du moment et des besoins de la société; mais il sera dificile

plus solides. De nouveaux pourvois ayant été formés tant contre

de trouver toujours une exacte concordance entre ses divers exposés et la rédaction finale du projet.

>> Ces formes ont été introduites dans notre constitution actuelle, et jo n'ai certes pas l'envie d'en faire la critique; mais les lois ne se discutaient pas avec autant de liberté sous l'empire.

>> Le code civil avait été rédigé avec grand soin, communiqué à toutes les cours du royaume, afin de s'environner de leurs lumières. Il avait été discuté dans le conseil d'État, et cette discussion restera comme un monument éternel du respect dû à ses rédacteurs, hommes de science et de talent, à celui surtout qui sut descendre à toutes les questions du droit civil, à des discussions qui semblaient au-dessous de son génie, et qui prouva par là qu'il n'était étranger à aucune des idées sur lesquelles se fondent l'état de la famille, celui de la propriété et toutes les conditions d'ordre public et de sociabilité. On peut le dire aujourd'hui sans flatterie. Eh bien! ce code si savamment élaboré fut rejeté dans ses trois premiers livres, sur les critiques de membres du tribunat, d'auteurs dramatiques, de littérateurs dont je ne veux pas citer les noms, quoique l'histoire les ait conservés hommes de beaucoup d'esprit sans doute, mais dont les critiques n'étaient pas inspirées de cet esprit qui fait les bonnes lois. Les trois premiers livres du code ainsi rejetés, il devenait impossible de continuer l'œuvre, si l'on se fût obstiné à le soumettre au même mode de délibération. » Ici Napoléon n'hésita pas à briser la constitution que lui-même avait faite, quoique soumise à l'acceptation du peuple français. Ce n'est pas que j'approuve ce changement violent; mais le fait est accompli, il est désormais historique, et je ne fais que raconter. Le tribunat fut supprimé, et remplacé par une commission prise dans le sein du corps législatif. Il résulte du sénatus-consulte, du 19 août 1807, que cette commission instituée en remplacement du tribunat, et investie des attributions de cette branche du pouvoir législatif, était un corps constitutionnel (art. 1) dont l'objet était de concourir, avec le conseil d'Etat, à la formation de la loi et à l'exposé du sens et des motifs de ses dispositions, délibérant séparément, se réunissant en conférence sous la présidence de l'archichancelier de l'empire (art. 4), en cas de discordance d'opinion avec la section du conseil d'Etat qui avait rédigé le projet de loi; faisant ses rapports en présence des orateurs de ce conseil; avant eux s'ils n'étaient pas du même avis, et après eux dans le cas contraire (art. 5); qu'ainsi ces rapports nom contredits par ces orateurs complètent l'exposé fait par eux, et sont une preuve certaine de l'esprit qui a présidé à la rédaction et à l'adoption des lois. Cette commission parlait devant un corps législatif muet, dont les membres n'avaient pas le droit d'amendement ni celui de prendre la parole. Ils écoutaient, ils formaient leur conviction sur les rapports prononcés devant eux, comme une cour qui rend un arrêt après avoir entendu les plaidoiries leur seul droit était d'adopter ou de rejeter la loi propo sée. Vous comprenez à présent quelle était la puissance et l'autorité du rapport fait devant le corps législatif, par sa commission de législation. Or c'est comme rapporteur de cette commission que M. de Monseignat adressait au corps législatif les paroles suivantes :

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« Vous me demanderez peut-être (et encore non; ils ne pouvaient pas le lui demander, puisqu'il leur était interdit de prendre la parole; mais c'est un doute au-devant duquel il va), vous me demanderez peut-être pourquoi les auteurs du projet de loi n'ont pas désigné particulièrement un attentat aux personnes, trop malheureusement connu sous le nom de duel? C'est qu'il se trouve compris dans les dispositions générales du projet de loi qui vous sont soumises. Nos rois, en créant des juges d'exception pour ce crime, l'avaient presque anobli. Ils avaient consacré les atteintes au point d'honneur en voulant les graduer ou les prévenir; en outrant la sévérité des peines, ils avaient manqué le but qu'ils voulaient atteindre. Le projet n'a pas dû particulariser une espèce qui est comprise dans un genre dont il donne les caractères. » - N'est-il pas maintenant de toute évidence que, dans le texte du code pénal de 1810, on a entendu comprendre le duel? Si M. de Monseignat s'était trompé, s'il avait exprimé autre chose que ce qui avait été discuté, arrêté dans le sein du conseil d'État, le conseil d'État avait la parole pour lui répondre. Il y eût eu contradiction. Mais le conseil d'État, dont M. de Monseignat exprimait aussi la pensée, n'apporta aucune contradiction, et la section du code dont il s'agit fut votée immédiatement dans la même séance (V.le Moniteur). Il est donc bien évident que M. de Monseignat a exprimé la véritable pensée du code pénal de 1810. Et cette opinion ne m'est point particulière, c'est aussi celle de l'auteur d'un ouvrage bien remarquable que je recommande à vos méditations: l'Histoire du droit français, par M. Laferrière, lorsque après avoir rendu compte de la manière dont se firent les codes de l'empire, il dit,t. 2, p. 536 :... « De là cette fixité de pensées, cette harmonie des exposés et des rapports avec les lois proposées et votées, qui permettaient de chercher dans ces travaux la pensée du législateur, le commentaire naturel de la loi. »-Ainsi, en nous résumant sur ce premier motif de l'arrêt, il faut dire : 1° que le code pénal, par la seule force de la logique, comprend le duel, parce qu'il ne l'excepte pas; 2° il faut reconnaitre que l'on n'est pas réduit à une simple induction lo gique, puisqu'on trouve dans le rapport la pensée du législateur très-explicitement exprimée.

cet arrêt que contre plusieurs autres dont on va présenter l'énu- | mération (V. no 110), la cour de cassation a persévéré dans sa

» Maintenant les objections tirées du second motif de la cour de Bourges deviennent bien futiles et bien faciles à réfuter. On s'appuie, dans l'arrêt de Bourges, sur l'arrét rendu en 1817, par la cour des pairs, dans l'affaire Saint-Morris; on rappelle que des arrêts rendus par la cour de cassation ont décidé la question dans le sens du silence de la loi pénale en matière de duel. Il n'y a qu'une chose à répondre à ces rapprochements, à ces citations: c'est que ce sont là des erreurs de la jurisprudence; c'est que, comme toutes les choses humaines, la jurisprudence est sujette à erreur. Il n'y a en pareil cas qu'une vertu : c'est de revenir à la vérité quand on s'est trompé, et la cour n'a jamais manqué à ce devoir. La jurisprudence a pu varier, c'est un malheur; mais au milieu de ces variations, la loi est toujours restée immuable. La jurisprudence a pu pivoter autour d'elle; mais ces variations ont cessé par votre arrêt du 22 juin dernier. On conçoit qu'à la vue des arrêts de la cour suprême, qui menaçaient de nullité toutes les poursuites, le ministère public a dû cesser d'agir contre les duellistes; on conçoit également qu'on a dû recourir aux chambres pour essayer d'en obtenir une loi nouvelle, puisque l'action des tribunaux était arrêtée par la déclaration de la cour de cassation qu'il y avait une lacune à combler; mais ces perturbations ont dû cesser du moment qu'on est revenu à une meilleure interprétation du code.

Le

» On parlé de l'opinion des auteurs, et l'arrêt de la cour de Bourges va jusqu'à citer nominativement M. Merlin. C'est sans doute une autorité fort respectable que celle de ce docte jurisconsulte; mais le savoir, même le plus étendu, s'éclaire par l'expérience des faits et par la réflexion. plus grand jurisconsulte de Rome, Papinien, s'était trompé sur une question, et il n'hésita point à dire : « J'étais d'abord de cet avis autrefois, mais Sabinius m'a ramené à son opinion. }}- Sic nobis aliquandò placebat; sed in contrarium me vocat Sabini sententia. — Eh bien ! messieurs, tel a été le langage de M. Merlin. Après votre arrêt, ce savant magistrat, mon prédécesseur, modèle que je ne puis certainement atteindre dans le genre qu'il a si fort illustré, m'écrivit une lettre trop flatteuse pour que j'en donne ici lecture; il me dit : « Votre réquisitoire m'a convaincu; j'adhère à la doctrine de l'arrêt.» (Sensation prolongée.)—Qu'on ne vienne donc plus parler, sous l'autorité de ce grand nom, de l'erreur commune. Cette erreur est loin d'avoir été aussi générale qu'on le prétend. En effet, dix cours royales n'avaient-elles pas jugé en sens inverse de la cour de cassation? et d'ailleurs, ce qui répond à tout, la cour de cassation ellemême est revenue à une interprétation plus exacte de la loi. Ajoutez à cela les arrêts rendus dans un pays voisin, régi par le même code que nous. Toutes les cours de Belgique ont jugé que le code de 1810 comprenait le duel, et que, dans tous les cas de mort ou blessures survenues par suite d'an duel, il y avait lieu à l'application de ses dispositions. — C'est, en effet, une erreur capitale de la cour de Bourges et de ceux qui partagent son opinion, de dire que, si la loi n'a pas prononcé le mot duel, c'est qu'elle entendait le laisser impuni; il semble que le duel soit quelque chose de tellement particulier, qu'il ne puisse rentrer dans aucune définition générale, et qu'il ne puisse être puni qu'autant qu'il aura été appelé par son nom. C'est comme si on disait que certains crimes qui avaient attiré la colère céleste sur deux villes de l'Ancien Testament et qui se trouvaient punis par l'ancienne législation sous des dénominations que la naïveté gauloise de nos pères ne se faisait pas faute d'employer, ne peuvent plus être réprimés aujourd'hui, parce que le code de 1810 ne rappelle pas leur ancienne qualification, et se contente de punir d'une manière générale les attentats aux mœurs.- L'erreur de la cour de Bourges est de supposer toujours qu'il faut que le législateur punisse le duel en tant que duel. Mais cette erreur est réfutée d'avance par les sentiments des publicistes et des moralistes les plus célèbres.

» Barbeyrac, dans ses notes sur Puffendorf, liv. 1, chap. 5, § 9, dit : ■ Il n'est pas nécessaire, à mon avis, que les lois défendent expressément les duels, pour qu'on puisse les regarder comme des combats illicites, où celui qui tue son homme est toujours un véritable homicide: cela suit de la constitution même des sociétés civiles. »

» Pascal, qui, par la seule puissance de sa logique, se rencontre si souvent avec les jurisconsultes, dit, dans sa quatorzième lettre, sur l'homicide: « Les édits du roi, si sévères sur ce sujet, n'ont pas fait que le duel fût un crime; ils n'ont fait que punir le crime qui est inséparable du duel. » - Le code ne procède pas par catégories d'homicide. Tout homicide vo!ontaire, tout meurtre doit être puni, s'il ne se trouve pas dans les cas d'exception désignés par la loi, et, à cet égard, les deux codes de 1791 et de 1810 procèdent par deux méthodes inverses, mais qui arrivent au même ut. Le code de 1791 consacre toutes les exceptions, et il ajoute: «< Hors les cas déterminés par les précédentes exceptions, l'homicide sera puni des peines portées par la loi. »

» Le de 1810, au contraire, commence par consacrer la disposition générale, et ensuite il pose les exceptions. Mais, comme il ne suffisait pas i e ce principe que les exceptions sont de droit étroit, il contient de plus un article tout à fait spécial, l'art. 65, qui défend au juge d'introduire des distinctions, des excuses en matière pénale, autres que celles que la loi a expressément consacrées. Il est donc bien établi que, loin d'avoir voulu

en faire la matière d'une exception, le code de 1810 a, en pleine connaissance de cause, refoulé le duel sous l'application des règles générales applicables à l'homicide. Sans doute l'application de la lui devra subir des modifications suivant les circonstances accessoires, suivant l'âge et la position des personnes. S'il s'agit d'un duel d'écoliers, d'un duel d'enfants (et l'on en a vu le triste exemple), le coupable pourra être excusé par son défaut de discernement. Mais prenons une autre bypothèse bien autrement puissante. Si un fils appelle son père en duel, s'il a le malheur de le tuer, quel est le tribunal qui, se fondant sur ce que le duel n'est pas explicitement désigné et puni par le code pénal, refusera d'appliquer la peine du parricide? Et cependant telle serait la conséquence forcée de l'arrêt de Bourges, que le parricide, en ce cas, devrait rester impoursuivi, et que le fils, coupable du meurtre de son père, devrait être acquitté, si tout s'était passé, d'ailleurs, sans déloyauté ni perfidie, et à armes égales!!! >> Dans mon opinion, la préméditation peut ne pas résulter toujours uniquement du fait de la provocation; et si elle est restée sans effet, même par des circonstances indépendantes de la volonté des parties, je ne penso pas qu'on doive indistinctement appliquer l'article du code pénal qui veut que l'on poursuive toujours. Mais supposons un de ces duels où l'on convient qu'il n'y aura qu'un pistolet chargé et qu'on tirera à bout portant; il y aura là une volonté de mort bien préméditée : ce sera une circonstance aggravante, mais il pourra aussi y avoir des circonstances atténuantes, celle, par exemple, d'une provocation violente, dans l'espèce de l'art. 321. En un mot, notre législation est combinée de telle manière que le jury et les juges peuvent graduer les déclarations et les peines, depuis la peine de mort jusqu'à un acquittement complet; ou qu'il peut y avoir, selon les cas, peine corporelle ou de simples dommages intérêts. Ces dommagesintérêts eux-mêmes, quoiqu'ils ne soient qu'accessoires, seront, le plus souvent, un mode puissant de répression. Il faut qu'on puisse aller jusqu'à ruiner celui qui prive un père de ses enfants, une femme de son époux, une famille d'un de ses membres chéris. Il faut que nos mœurs, sur co point, imitent celles des Anglais. Il faut qu'on sache demander des dommages-intérêts, sauf ensuite à en faire un emploi de générosité si l'on est riche, et à en profiter si l'on n'est pas fortuné. Il faut qu'on sache en demander; il faut aussi que les tribunaux sachent en accorder: car souvent, par un manque de sévérité, les tribunaux encouragent le mal, et se rendent en quelque sorte responsables de l'emportement avec lequel on demande aux armes une satisfaction qu'on craint de ne pas obtenir d'eux, quand il s'agit de calomnies ou d'injures. En Angleterre, on n'hésite pas, la loi est mieux entendue; la vie privée est murée, et les dommages-intérêts accordés contre les libellistes sont considérables. Le condamné doit garder prison jusqu'à parfait payement et satisfaction donnée à celui qui a été insulté dans son honneur ou attaqué dans sa personne.

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» En résumé, le code n'admet pas d'autres distinctions que celles qu'il a faites lui-même; il défend d'en admettre d'autres. Or que fait l'arrêt? Précisément ce que le code défend. Il retient la qualification de duel, dont le législateur n'a pas voulu se servir. Rappelez-vous en effet, messieurs, le mot de Treilbard, à qui l'on disait : « Mais vous n'avez pas parlé du duel. » Il répondit : « Nous n'avons pas voulu lui faire l'honneur de le - Autrefois, c'était un privilégié; de nos jours, on s'est contenté de le reléguer dans le droit commun. La loi ne s'attache qu'au fait matériel d'homicide volontaire; l'arrêt, au contraire, allègue le préjugé; il a égard, pour excuser le duelliste, à une prétendue moralité d'intention qui ne permet pas, dit-il, de confondre le duelliste avec le meurtrier! Le préjugé, grand Dieu! et c'est dans un arrêt qu'on trouve une pareille excuse! Mais à quelle fin sont donc institués les magistrats? Est-ce pour céder aux préjugés ou pour y résister? Prêtons-nous serment de fidélité au préjugé ou à la loi? Il est évident que c'est là la pire de toutes les allégations. A la vérité, on essaye de flétrir le duel. On dit bien qu'il est contraire « à la religion et à la morale, à l'ordre public et à la sécurité des familles. » Mais, en résultat, on ne flétrit que le législateur, en l'accusant d'avoir, par trois fois, oublié de punir le duel, en remaniant toute la législation criminelle en 1791, en l'an 4 et en 1810. - C'est un préjugé, et on le choie, on le caresse. A entendre dans le monde les ménagements avec lesquels on traite ce préjugé, qu'on a soin de faire remonter à des temps héroïques, on dirait que certaines personnes craignent qu'on ne doute de leur bravoure et de leur bonne disposition à se battre dans l'occasion. C'est dans cette sorte d'illusion qu'on défend le duel, et pourquoi ? C'est que l'honnête homme qui raisonne ainsi suppose qu'il aurait pour so battre une cause grave, celle de venger l'outrage fait à sa fille ou à sa femme, et non une querelle futile, une querelle pareille à celle qui fait l'objet du rapport que vous avez entendu. En effet, on se fait toujours des hypothèses favorables; on suppose constamment que l'offensé sera vainqueur. Mais, le plus souvent, n'est-ce pas le contraire? Ne veut on pas considérér aussi que le fils de famille, espérance, orgueil de son père, sera tué par un spadassin de profession; que le ravisseur de la fille tucra le frère, que le séducteur de la femme tuera le mari? et veut-on que ce dernier succombe, comme dans la gravure anglaise sur le duel, avec cette légende ironique pour épitaphe : Je meurs satisfait?

« C'est à travers le prisme des illusions qu'on se fait que l'on proclame

Jurisprudence, conformément aux réquisitions de son procureur

l'immense distance qu'il y a entre le duelliste et l'assassin vulgaire : l'un, dit-on, veut tuer pour voler ou pour se venger; l'autre ne cherche qu'à défendre son honneur! Ainsi tout dépendra d'un motif supposé et de ce qu'on peut appeler une bonne direction d'intention. Ab! Pascal! illustre ami du sage Domat, si semblable à lui par la hauteur de ta raison et la pureté de ta morale, viens nous dire si ce n'est pas à l'aide de tels sophismes que certains casuistes de ton temps excusaient le vol commis par nécessité dans un pressant besoin, et permettaient même aux domestiques de prendre le bien de leurs maîtres, pourvu que ce ne fût pas avec l'intention de voler, mais seulement d'elever leurs gages à la somme qu'ils estimaient légitimement leur étre due? Et, pour l'homicide, ne raisonnaient-ils pas de la même manière? On peut tuer autrui en défendant sa vie; et comme l'honneur est plus cher que la vie, à plus forte raison peut-on tuer pour défendre son honneur. Par conséquent, dit un de ces docteurs, comme un homme qui a reçu un soufflet est déshonoré tant qu'il n'a pas tué celui qui le lui a donné, il peut donc le tuer (a). A merveille. Mais si l'on est seulement menacé de recevoir un soufflet, pourra-t-on tuer encore? Oui, s'il n'y a pas d'autre moyen de l'éviter. Et s'il s'agit seulement d'un démenti? on pourra tuer encore. Jusqu'à ce qu'enfin Pascal, excédé de celte énumération, finit par dire à son pieux interlocuteur, avec une amère ironie « Mais, mon père, ne serait-il pas permis de tuer pour un peu moins?» Et on lui prouve que oui, avec autant de facilité.

>> On peut mettre en regard de ces sophismes deux arguments proposés en faveur des duels, par un magistrat qui, heureusement pour lui, n'a pas signé, dans deux lettres adressées à la Gazette des tribunaux, qui les a insérées à titre d'impartialité, tout en protestant contre la doctrine qui s'y trouve professée. «L'immoralité de la convention de duel est constante, dit l'écrivain, mais ce n'est pas sur la convention que l'impunissabilité se fonde, c'est sur le danger de mort qui établit le droit de donner la mort. Et ce danger de mort, quelque imprudence, quelque illégalité qu'il y ait eu à s'y exposer, donne, dès qu'il existe, ouverture à la légitime défense. Le voleur qui tuerait celui qui, dans le flagrant délit, voudrait le tuer, invoquerait à bon droit le principe de la légitime défense sur le chef du meurtre. Il dirait : « Punissez-moi comme voleur, mais non comme meurtrier, car je n'ai fait que défendre ma vie. - De même le combattant dans un duel, etc... » — N'est-il pas évident, au contraire, que, si le volé peut tuer le voleur, c'est que la loi l'y autorise dans l'espèce de l'art. 329; mais aucune exception de ce genre n'existe en faveur de celui qui n'est en danger que parce qu'il est venu pour voler.

» La seconde lettre renferme l'argument suivant : « Le duel est une guerre d'homme à homme. On convient de se battre, on se rencontre, on s'attaque, on se tue si l'on peut; on fait ses efforts enfin pour être vainqueur et n'être pas vaincu. Le duel a cet avantage sur la guerre, que toute ruse en est proscrite, tandis qu'à la guerre la ruse peut-être employée. Il a cet avantage de plus, qu'on se bat pour soi, et qu'à la guerre on se bat pour des motifs bien souvent ignorés de ceux qui vont mourir sur les champs de bataille. » — Ainsi la prédilection pour le duel, le désir de le légitimer ou de l'excuser, vont jusqu'à lui donner la préférence sur le plus sublime des dévouements, celui d'exposer sa vie pour son pays en le défendant contre l'ennemi! Voilà où conduisent ces distinctions subtiles ou sophistiques, mises à la place du langage austère et de la logique sévère de la loi.

» Mais, dit-on, cette loi est trop sévère. Cela serait vrai que ce ne serait pas l'office du juge. Le juge doit appliquer la loi si la loi est trop sévère, trop impérieuse, le législateur est là: cela ne regarde pas le juge. Mais cela n'est pas vrai. Notre forme actuelle de législation comporte toutes les appréciations du fait. Je ne conseille ni indulgence excessive ni sévérité outrée pour le duel; je laisse au magistrat le soin de modifier la peine selon les circonstances. Mais il ne faut pas déclarer la loi impuissante, alors qu'au contraire elle arme le pouvoir judiciaire du moyen de maintenir l'ordre dans la société. Il faut que le magistrat poursuive, et que, commo en Angleterre, alors qu'il y a un homme mort par accident ou autrement, on fasse une instruction. Il faut qu'on sache, et qu'on sache bien, si cet homme mort a été assassiné, s'il s'est suicidé, ou si simplement il est mort par accident, auquel cas le magistrat anglais prononce, d'après sa formule, qu'il est mort par la visitation de Dieu. Il faut ample et légale satisfaction donnée à la société et à la morale publique. Il ne faut plus que chez nous le duel reste en quelque sorte en honneur. Il ne faut pas que celui qui tue passe pour un héros, et se présente partout la tête haute, avec la prétention de se faire applaudir.

» La tâche des officiers du ministère public veut être exercée avec intelligence et dextérité. Je puis citer comme un beau modèle de discussion en cette matière le réquisitoire récent de M. Letourneux, premier avocat genéral à la cour de Rennes. J'ai toujours eu une idée sur cette matière ; c'est que dût-il y avoir dix acquittements de suite, ce qui, je l'espère, a'aura pas lieu, la publicité donnée aux poursuites aurait, en peu de temps, .es plus salutaires effets. Si, au lieu de lire dans les journaux, au récit de tels et tels duels: « Les deux adversaires se sont comportés loyalement, l'un des deux a tué l'autre avec honneur; » si, dis-je, on lisait dans la (1) V. les textes dans la seizième des Lettres provinciales.

général, dont la discussion a triomphé des arguments de la cour de

Gazette des tribunaux un exposé de faits comme celui qui vient de vous être présenté avec tant d'émotion par M. le conseiller rapporteur, moins d'intérêt et de sympathie s'élèverait en faveur des duellistes: même en cas d'acquittement, il y aurait eu au moins soumission à justice, jugement du pays, leçon morale pour le public. Au lieu de se prendre uniquement d'intérêt pour les duellistes heureux, on se sentirait aussi ému de pitié pour les malheureux qui succombent, pour la société que ces violences troublent et sapent par sa base. En effet, le but de l'association est de mettre chacun à l'abri de la violence, de faire prévaloir le droit sur la force brutale, et d'assurer le règne de la maxime que nul ne doit se faire justice à soi-même, mais qu'il faut la demander aux tribunaux. — Je sais bien que le duel a ses défenseurs, ses prôneurs, ses amis; il est des hommes qui veulent nous ramener au brutal emploi de la force matérielle contre la force morale qui constitue la société; ils nient que le droit soit fait pour eux; il n'est rien qu'ils ne s'attribuent par les armes : ils portent défi aux personnes, au gouvernement et aux lois. Suivant eux, il est permis de se battre un à un, deux à deux, vingt contre vingt, ou même en plus grand nombre, afin de substituer la puissance de fait à la puissance légale, et pour arriver de la sorte à la destruction du gouvernement établi, en le destituant de co pouvoir moral qui fait sa force, et en fondant à leur profit l'impunité sur la violence: c'est à vous, messieurs, qu'il appartient d'opposer une barrière à ces prétentions. Magistrats, la mission que vous avez à remplir aujourd'hui est sublime! Vous êtes appelés à faire cesser le désordre introduit dans les esprits par les funestes vacillations de la jurisprudence. Hatez-vous donc de les fixer par un arrêt solennel. Qu'une exécution ferme et mesurée s'ensuive; et ce préjugé d'un autre âge, le dernier de ceux que nous a légués la brutalité féodale, aura disparu devant l'ordre légal et constitutionnel! - Dans ces circonstances, et par ces considérations, nous estimons qu'l y a lieu de casser l'arrêt de la cour royale de Bourges.» Arrêt (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Vu les art. 295, 296, 297, 302, 309 et 310 c. pén.; Attendu que, si la législation spéciale sur les duels a été abolie par les lois de l'assemblée constituante, on ne saurait induire de cette abolition une exception tacite en faveur du meurtre commis et des blessures et coups volontaires portés par suite du duel; - Que, sous le code des délits et des peines de 1791, ces meurtres, blessures et coups étaient restés sous l'empire du droit commun; - Que le décret d'ordre du jour du 29 mess. an 2 ne se réfère qu'au code militaire, et n'est relatif qu'à de simples provocations de militaires d'un grade inférieur envers le supérieur ; — Que le code de l'an 4 a été rédigé dans le même esprit que celui de 1791 et ne contient aucune disposition nouvelle sur cette matière;

Attendu que les dispositions des art. 295 et 296 c. pén. sont absolues et ne comportent aucune exception; — Que les prévenus des crimes prévus par ces articles doivent être, dans tous les cas, poursuivis; - Que si, dans les cas prévus par les art. 327, 328 et 329 du même code, les chambres du conseil et les chambres d'accusation peuvent déclarer que l'homicide, les blessures et les coups ne constituent ni crime ni délit, parce qu'ils étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui, on ne saurait admettre que l'homicide commis, les blessures faites et les coups portés dans un combat singulier, résultat funeste d'un concert préalable entre deux individus, aient été commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même, puisqu'en ce cas le danger a été entièrement volontaire, la défense sans nécessité, et que ce danger pouvait être évité sans combat;

Attendu que, si aucune disposition législative n'incrimine le duel proprement dit et les circonstances qui préparent et accompagnentcet homicide. aucune disposition de loi ne range ces circonstances au nombre de celles qui rendent excusables le meurtre, les coups et les blessures; —Que c'est une maxime inviolable de notre droit public, que nul ne peut se faire justice à soi-même; - Que la justice est la dette de la société tout entière, et que toute justice émane du roi, au nom duquel cette dette est payée (art. 48 de la charte); – .. Que c'est une maxime non moins sacrée de notre droit public que toute convention, contraire aux bonnes mœurs et à l'ordre public, est nulle de plein droit (art. 6 c. civ.); - Que ce qui est nul ne saurait produire d'effet, et ne saurait, à plus forte raison, paralyser le cours de la justice, suspendre l'action de la vindicte publique et suppléer au silence de la loi pour excuser une action qualifiée crime par elle es condamnée par la morale et le droit naturel;

Attendu qu'une convention par laquelle deux hommes prétendent transformer, de leur autorité privée, un crime qualifié en action indifférente ou licite, se remettre d'avance la peine portée par la loi contre ce crime, s'attribuer le droit de disposer mutuellement de leur vie et usurper ainsi doublement les droits de la société, rentre évidemment dans la classe des conventions contraires aux bonnes mœurs et à l'ordre public;

Que, si, néanmoins, malgré le vice radical d'une telle convention, on pouvait l'assimiler à un fait d'excuse légale, elle ne saurait être appréciéo qu'en cour d'assises, puisque les faits d'excuse, admis comme tels par la loi, ne doivent point être pris en considération par les chambres du conseil et les chambres d'accusation, et ne peuvent être déclarés que par le jury; - Qu'il suit de là que toutes les fois qu'un meurtre a été commis, que

Nancy (Cass.ch. réun. 2 fév. et 11 déc. 1839(1); Crim. cass. 22 déc.

des blessures ont été faites ou des coups portés, il n'y a pas lieu, par les juges appelés à prononcer sur la prévention ou l'accusation, au cas où ce meurire, ces blessures ou ces coups ont eu lieu dans un combat singulier dont les conditions ont été convenues entre l'auteur du fait et sa victime, ao s'arrêter à cette convention prétendue; - Qu'ils ne peuvent, sans excéder leur compétence, et sans usurper les pouvoirs des jurés, surtout sous l'empire de la loi du 28 avril 1832, statuer sur les circonstances, puisque, lors même qu'elle pourrait constituer une circonstance atténuante, ce serait aux jurés qu'il appartiendrait de la déclarer; Que, si, aux termes de la loi constitutionnelle de l'État (charte, art. 56), aucun changement ne peut être effectué à l'institution des jurés que par une loi, les tribunaux ne sauraient, sans porter atteinte à cette disposition et à celle institution, restreindre, et moins en semblable matière qu'en toute autre, la compétence et la juridiction des jurés;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 29 janvier dernier, Pesson a, dans un combat singulier, donné la mort à Baron; -Que, néanmoins, la chambre d'accusation de la cour royale de Bourges a déclaré n'y avoir lieu à suivre contre ledit Pesson, par le motif que ce fait ne rentre dans l'application d'aucune loi pénale en vigueur, et ne constitue ni crime ni délit; - Qu'en jugeant ainsi, ladite cour a expressément violé les art. 295, 296, 297 et 302 c. pén., et faussement appliqué l'art. 528 du même code; Casse et annule.

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Du 15 déc. 1837.-C. C., ch. réun. -MM. Portalis, pr.-Bérenger, rap. (1)1 Espèce (Min. pub. C. Gilbert et autres.)-Une ordonnance de la chambre du conseil avait mis en prévention de meurtre le sieur Gilbert, pour avoir grièvement blessé en duel le sienr Champeau, et les sieurs Desroy et Robin en prévention de complicité pour avoir assisté au duel comme témoins.-Mais la chambre d'accusation, par arrêt du 13 avril 1838, a déclaré qu'il n'y avait ni délit ni contravention dans le fait imputé à Guilbert.-6 juill. 1838, arrêt de la chambre criminelle qui casse. -La cour de Paris, saisie sur le renvoi, rendit, le 10 août 1838, un arrêt conforme à celui de la cour d'Orléans. Pourvoi du ministère public. -Arrêt.

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LA COUR ; Vu les art. 2, 295, 296, 297, 302, 309, 310 et 328 c. pén. ;-Attendu que le code des délits et des peines de 1791, de l'an 4 et de 1810 en punissant les meurtres, blessures et coups volontaires, n'ont point fait d'exception pour les cas où ces meurtres auraient été commis, ces blessures faites et ces coups portés par suite de duel; -Attendu que l'abolition qui avait antérieurement été faite de la législation spéciale sur les duels a, par cela même replacé sous l'empire du droit commun tous les actes répréhensibles auxquels les duels peuvent donner lieu; Attendu que l'homicide, les blessures et les coups, lorsqu'ils sont occasionnés par ce genre de combat, ne peuvent être considérés comme commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui, aux termes des art. 327, 328 el 329 c. pén., puisque, dans ce cas, le danger n'a existé que par la volonté des parties;-Attendu d'ailleurs que les circonstances qui accompagnent le duel ne peuvent rendre le meurtre, les blessures et les coups excusables; que la convention par suite de laquelle le duel a lieu, étant contraire aux bonnes mœurs et à l'ordre public, est nulle de plein droit, et que, dès lors, aucun fait d'ex-❘ cuse ne peut en résulter;

Attendu, dans tous les cas, et en supposant l'admissibilité de tels faits d'excuse, que ces faits ne pourraient être légalement appréciés que par la cour d'assises et par le jury, et qu'il n'appartient pas aux chambres du conseil et d'accusation de les prendre en considération; que ces chambres ne pourraient pas mieux s'arrêter à des circonstances atténuantes, puisque c'est encore le jury qui a seul le droit de les apprécier; - Attendu qu'il résuite de l'arrêt attaqué, que le 20 mars 1838, dans un combat singulier qui a eu lieu volontairement et avec preméditation, une tentative d'homicide a été commise par Laurent Gilbert fils, sur la personne de Sylvain Champeaux, en lui tirant un coup de pistolet dont la balle lui a fait une blessure grave à la tête, laquelle tentative, manifestée par un commencement d'exécution, n'a manqué son effet que par des circonstances Independantes de la volonté de son auteur; que dudit arrêt il résulte encore que Desroy et Robin ont assisté avec connaissance ledit Gilbert dans les faits qui ont préparé et consommé l'action, et que néanmoins l'arrêt allaqué a déclaré que ces faits ayant eu lieu dans un duel, ne constituaient nicrime ni délit, ni contravention prévus par la loi, et ne pouvaient donner ¡ieu à suivre contre les prévenus;-Qu'en jugeant ainsi, la cour royale de Paris a expressément violé les articles du code pénal suscites; - Casse. Du 2 fev. 1839.-C. C., ch. réun.-MM. Portalis, 1er pr.-Bérenger, rap.Dupin, pr. gén.

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Espèce:(Min. pub. C. Levy, Hippmann et autres.) Dans la ournee du 28 fév. 1838, les nommés Lucien Pingenot et Michel Lévy se baitirent en duel, a la suite d'une altercation qui était survenue entre eux la veille dans un bal. Dans ce combat, Pingenot reçut une blessure qui lui occasionna une incapacité de travail de moins de vingt jours. Levy et trois autres individus qui avaient servi de témoins dans ce duel ayant été traduits en police correctionnelle par le ministère public, le tribunal de Strasbourg, par jugement du 10 mai 1853, les renvoya des poursuites

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1837, MM. Bastard, pr., Vincens, rap., aff. min. pub. C. Breanski,

dirigées contre eux.-Appel. Le 12 juillet, arrêt confirmatif de la cour de Colmar.-Le 18 octobre, arrêt de la cour de cassation qui cas: 0 et annule l'arrêt de la cour de Colmar, et renvoie l'affaire devant la cour de Nancy, qui, par arrêt du 27 fév. 1859, statua en ces termes :

« Considérant que, pour statuer sur le sort des poursuites à l'égard de chacun des prévenus, il est indispensable d'examiner si les actes de violence résultant d'un duel sont incriminés par le code pénal en vigueur; Que cette question doit être résolue, non d'après les préceptes de la morale absolue ou religieuse, mais d'après ceux de la loi pénale; -Que, si on avait à la considérer sous le premier de ces rapports, il serait trop facile de démontrer que le duel est un acte condamnable, dangereux même, puisqu'il constitue un appel à la force au sein de la civilisation; qu'il porte atteinte au respect que commande la vie des hommes, et qu'il viole un de leurs devoirs religieux, le pardon des injures ;-Mais que l'infraction aux préceptes de la religion et à ceux de la morale ne saurait constituer un délit répressible par la justice humaine, sans le concours de la loi positive;- Que cette vérité, qui ne perd rien de son évidence, pour être exprimée en termes simples et précis, impose aux tribunaux l'obligation de renfermer l'examen de la question du duel dans les limites de la stricte légalité; Que, restreinte à ces termes rigoureux, elle consiste à savoir si l'agression connue sous le nom de duel est répressible en vertu des lois pénales actuellement en vigueur, et, particulièrement, si l'homicide et les blessures qu'elle occasionne sont passibles des peines applicables au meurtre, à l'assassinat et aux autres actes de violence qui font le sujet du tit. 2, ch. 1, sect. 1 et 2, du liv. 3 du code pénal; Que la solution n'en pourrait être affirmative qu'autant qu'il serait établi que les faits résultant du duel se confondent, par identité de nature, avec ceux que la loi a textuellement prévus, ou que, malgré leur dissemblance, la volonté expresse du législateur a été de les soumettre indistinctement à une même et commune disposition;-Que, dans l'examen de cette importante question, le juge ne doit être arrêté ni gêné par la crainte de voir ses intentions travesties ou mal interprétées; que, tout en déplorant de funestes atteintes que le duel porte à l'ordre social, et en faisant des vœux pour qu'elles puissent être réprimées par la loi, son devoir, lorsqu'il est appelé à juger la légalité actuelle de cette répression, ne l'oblige pas moins à respecter les règles du droit et à observer l'impartialité qui est de l'essence de son ministère;-Que le sujet du litige étant de savoir, non pas s'il est opportun de proscrire le duel et ses résultats, mais si la législation en vigueur les proscrit réellement, la question se réduit, pour le juge, à savoir si la loi contre le duel est faite ou à faire; >> Considérant que les jurisconsultes qui enseignent que cette loi existe prétendent non-seulement qu'elle est renfermée dans le code pénal promulgué en 1810, mais qu'elle se trouvait aussi dans le code de 1791; qu'ils vont même jusqu'à dire qu'elle existait déjà dans le droit commun de l'ancienne monarchie française, d'où elle aurait passé, naturellement et sans innovation, dans notre législation moderne;- Considérant que, pour ne négliger aucun des éléments de ce grave débat, il est indispensable de les suivre aussi loin qu'ils peuvent remonter, et de les prendre au point de départ qui leur est assigné; - Que, si les développements qu'entraînera cet examen dépassent les bornes ordinaires d'un acte judiciaire, il suffit qu'ils ne puissent pas excéder, quelle que soit leur élendue, l'importance de la question qui en est l'objet; Considérant que, si on consulte l'ancien droit concernant les duels, on trouve que leur condition légale a subi de notables modifications à trois époques différentes de leur histoire;-Que, depuis le commencement de la monarchie jusqu'en 1260, sous saint Louis, ils ont été non-seulement permis entre particuliers pour vider leurs querelles, mais encore ordonnés par justice pour décider les procès, quand les juges n'en trouvaient pas la solution dans la loi; Que, depuis 1260 jusqu'en 1547, sous Henri II, il fut interdit aux tribunaux d'user de cette absurde et sanglante ressource pour le jugement des contestations portées devant eux, mais que les duels extrajudiciaires furent encore permis, à la condition d'être autorisés par le roi; - Qu'enfin, depuis 1547, jusqu'à la promulgation du code pénal du 6 oct. 1791, les duels furent proscrits d'une manière absolue, mis au rang des crimes de lèse-majesté et punis des peines les plus rigoureuses; » Que, durant cette troisième période, les duels ont toujours été l'objet d'une législation spéciale ;-Que, depuis la première ordonnance rendue contre eux, sous le règne de Charles IX, jusqu'à l'édit du 5 fév. 1731, quiclôt la nomenclature des nombreuses mesures législatives dont cette matière a été l'objet, on n'aperçoit aucun intervalle durant lequel le duel ait été régi par le droit commun à l'égard d'aucune des classes de la société d'a'ors; -Qu'au surplus, il est aisé de concevoir que, plus on remonte dans l'histoire du duel, moins il était possible de le confondre, par un mode com. mun d'incrimination, avec les meurtres et les assassinats ordinaires, et que cette assimilation aurait rencontré d'autant plus d'obstacles, qu'on se trouvait plus rapproché de l'instant de la transition du fait légal et permis au fait qualifié crime; Que, toutefois, en regard de cette extrême rigueur déployée contre le duel, à titre de crime de lèse-majesté, le legislateur d'alors, comme par une sorte de compensation équitable, avait eu le soin de déployer unè sévérité relative non moins grande contre les

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