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la delivrance de tous ces dignes, & fideles Chretiens, dont la plupart ne fouffrent que pour n'avoir jamais adheré, par le moindre confentement, aux erreurs de l'Eglife Romaine; quelques-uns pour avoir don⚫ né des marques publiques de leur repentance, après avoir temoigné quelque foibleffe paffagere, dans la furprise d'une premiere terreur.

Sur quoi leurs Excellences font très humblement fuppliées de remarquer, que les Autheurs de ces injuftices ayant honte de les commettre, les desavoüent, & pour les excufer, pretendent qu'il n'y à personne de condanné à ces peines fimplement pour la Religion: mais, difent ils, pour avoir desobeï aux Edits & Declarations qui affujettiffent à ces peines ceux qui les violent: telles que font les Declarations qui defendent de fortir du Royaume; de faire des affemblées pour exercer la Religion Reformée, &c.

Mais ce n'eft qu'une defaite, parce que ces Edits & Declarations n'ont été données que fous le deffein caché d'opprimer la Confcience des Proteftans; de leur ôter tout fouvenir de leur doctrine, & de les forcer à demeurer chez eux, où ils étoient expofez à toute forte de violences & d'in

dignitez, jufqu'à ce qu'ils euffent la complaifance d'aller à la Meffe.

été un;

On leur faifoit donc exprès par un Edit ou une Declaration un crime de ce qui, fans cela, n'en auroit pas afin de pouvoir les affujettir à une peine dont la frayeur les contraignît de fe livrer à leurs Ennemis, de peur d'être condannez a la mort, s'ils formoient le deffein de leur échapper par la fuite.

Il eft donc évident que ces perfonnes condannées pour avoir contrevenu à des Declarations faites exprès, pour, fous des pretextes mendiez, opprimer leur Confcience, & detruire leur Religion, font en effet condannez pour la Religion, fans laquelle ils n'auroient jamais encouru ces peines.

La troifiéme chofe qui regarde les con ceffions, eft la reftitution des biens à ceux qui font fortis du Royaume, à cause de la Religion; foit qu'ils ayent été envoyez hors de ce Royaume par les ordres de Roi, comme les Confeffeurs, qui, après une longue prifon, ont été conduits jufques fur la frontiere par des Gardes qui leur avoient été donnez exprès: comme auffi ceux qui ont été transportez dans les Co

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lonies, fous le pretexte de leur constance, qu'on appelloit opiniatreté; ou de leur repentance, après avoir eu la foibleffe de figner, qu'on appelloit recheute: & enfin les Miniftres, à qui, par l'Edit même de revocation de l'Edit de Nantes, il étoit ordonné de fe retirer du Royaume.

Soit qu'ils foient fortis contre les defenses portées par les Edits & declarations, afin de pouvoir mettre leur Confcience en liberté; & reparer par une repentance édifi• ante la faute qu'ils avoient faite de promettre d'adherer à la Religion Romaine.

Quoi qu'il y ait de la difference dans les circonftances de ces cas particuliers, il y aune chose commune à tous, c'eft qu'il eft inoüi, avant cette derniere perfecution, qu'on ait ôté à quelqu'un, pour la feule caufe de la Religion, nila liberté de fe retirer ailleurs, nile droit de dipofer de fes biens. On n'a qu'à lire tous les Edits rendus pendant foixante ans en France, après les commencemens de la Reformation ; & on y verra que la liberté de fortir du Royaume y eft accordée à tous ceux qui ne s'accommodoient pas de la Religion Romaine, & on n'y verra point qu'on les depouille de leurs biens, en leur accordant cette liberté.

Cet

Cette nouveauté à été introduite en France par un tour des Jefuites, qui ont fait valoir ainfi le Droit Canonique, fuivant lequel ceux qui font declarez Heretiques font eftimez dechûs de leurs biens, honneurs, dignitez, préeminences, &c. mais Droit qui n'a jamais eu de vertu en France, & contre lequel tous les François fe font foulevez en tout temps, fur tout en faveur de Henri IV. que le Pape & les Espagnols vouloient faire paffer pour decheu de tous fes droits à la Couronne, comme Heretique & comme Relaps.

La chofe étant donc injufte en elle-même, & contre le droit commun, il n'y à rien de plus raisonnable, ni de plus digne des Etats Proteftans, que de demander justice à cet égard, & de faire reftituer leurs biens à tous ceux qui en ont été privez pour caufe de Religion, en quelque maniere qu'ils fe trouvent devolus prefente

ment.

Il s'en trouve de delaissez aux plus proches parens ; & il y en a d'autres dont le Roy s'eft faifi, & qu'il a mis entre les mains de fes Receveurs: & d'autres encore dont il a difpofé, en les donnant à d'autres qui n'y avoient ni droit ni pretention fondée fur aucun pretexte. Tou

Toutes lefquelles difpofitions étant contre la justice, elles doivent être toutes revoquées & annullées, & lefdits biens rendus à leurs legitimes poffeffeurs, avec droit d'en user comme de leur propre, & de telle maniere qu'il leur plaira.

Cela eft d'autant plus digne de l'entremife des Souverains, que tous les Refugiez font devenus leurs fujets, foit par la Naturalité, qui leur a été accordée en plufieurs lieux; foit par le long fejour & les etablissemens fixes qu'ils y ont formez; soit par le commerce, ou les charges & Offi-, ces quils y exercent, même dans les armes & dans les Maisons des Princes, qui leur ont fait l'honneur de les recevoir à leur fervice. De forte qu'en redemandant les biens des Refugiez, ils ne feront que donner à leurs fujets la protection qui leur eft dûe, & repeter les biens de ceux qui leur appartiennent en cette qualité de fujets.

Après les conceffions, il eft naturel de demander des furetez; & cet article eft tout auffi neceffaire que les conceffions mêmes, puis qu'il eft evident qu'il feroit équivalent de n'obtenir rien, ou d'obtenir quelque chofe fans affurance qu'il feroit gardé. Leurs Excell. favent quelle confiance on

peut

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