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Des mois d'Octobre, Novembre & Décembre 2775.

Pieces & autres objets relatifs à l'hiftoire politique de ce fiecle.

Relation de la caufe & des fuites de la guerre des Perfans contre les Turcs, datée de Basfora, du Juin dernier.

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Érim-kan, régent de Perfe, ayant appris Krim-kan, de que Morad-Ali-ken, fon parent, s'étoit déclaré protecteur d'un petit pacha curde, con

tre Omar, pacha de Bagdad; qu'il avoit été fait pri fonnier, en le voulant défendre, & que toute fa fuite avoit été maffacrée; Kérim-kan, disonsnous, fans aucune déclaration de guerre aux Turcs, & pour punir un procédé atroce par un procédé qui ne l'étoit pas moins, fit partir deux corps d'armée, l'un contre le Curdiftan, & l'autre pour s'emparer de Baffora. Le pacha de Bagdad fe repofant fur l'ancienne foi des traités, faits entre la Perfe & l'empire ottoman, (comme fi les traités étoient chofe moins fragile qu'un rofeau) (I), n'avoit ajouté aucune foi aux avis que Mour-Salem lui avoit donnés de Baffora relativement aux projets de Kérim-kan. Il s'endormit dans une fauffe fécurité, & durant ce fatal affoupiffement Nazar-Ali-kan, à la tête d'environ 35 mille hommes, fe difpofa à entrer dans le Curdistan, du côté du fud, vers lequel eft Bagdad, dont le pacha turc étoit gouverneur. Pour comble de trahifon, que les Alides & les Ofmanlis (c'est-à-dire, les Perfans & les Turcs) regardent comme un acte de religion; Nazar-Ali- Kan ayant rencontré Vely-effendi, ambaffadeur de la Porte près du régent de Perfe, affura ce miniftre que Kérim-kan, ni luimême, ne fe porteroient à aucun acte d'hoftilité, avant que de fçavoir quel feroit le résultat des négociations de la Porte avec la cour d'Ifpahan. Ces promeffes frauduleufes furent crues de bonne foi par le Turc; mais le Perfan fe prévalut de cette aveugle confiance pour s'emparer

(1) M. de Malefieux difoit un jour à M. le duc d'Orléans régent, au fujet d'un traité qu'il venoit de figner, qu'il auroit été à propos d'inférer dans tel article un mot équivoque qui put fournir un prétexte pour renouveller la guerre Bon! répondit le prince, quand on a de quoi faire la guerre, on ne donnercit pas un fol d'un prétexte. Ce prince, fi calomnié de fon vivant & fi refpecté aujourd'hui, connoiffoit le Machiavelifme & fçavoit l'employer & le repouffer.

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Des mois d'Octobre, Novembre & Décembre 2775.

Pieces & autres objets relatifs à l'histoire politique de ce fiecle.

Relation de la caufe & des fuites de la guerre des Perfans contre les Turcs, datée de Bafora, du 5 Juin dernier.

KÉrim-kan, régent de Perfe, ayant appris que Morad-Ali-ken, fon parent, s'étoit déclaré protecteur d'un petit pacha curde, con

tre Omar, pacha de Bagdad; qu'il avoit été fait pri fonnier, en le voulant défendre, & que toute fa fuite avoit été maffacrée; Kérim-kan, difonsnous,fans aucune déclaration de guerre aux Turcs, & pour punir un procédé atroce par un procédé qui ne l'étoit pas moins, fit partir deux corps d'armée, l'un contre le Curdiftan, & l'autre pour s'emparer de Baffora. Le pacha de Bagdad fe repofant fur l'ancienne foi des traités, faits entre la Perfe & l'empire ottoman, (comme fi les traités étoient chofe moins fragile qu'un rofeau) (I), n'avoit ajouté aucune foi aux avis que 'Mour-Salem lui avoit donnés de Baflora relativement aux projets de Kérim-kan. Il s'endormit dans une fauffe fécurité, & durant ce fatal affoupiffement Nazar-Ali-kan, à la tête d'environ 35 mille hommes, se disposa à entrer dans le Curdistan, du côté du fud, vers lequel eft Bagdad, dont le pacha turc étoit gouverneur. Pour comble de trahifon, que les Alides & les Ofmanlis (c'eft-à-dire, les Perfans & les Turcs) regardent comme un acte de religion; Nazar-Ali- Kan ayant rencontré Vely-effendi ambaffadeur de la Porte près du régent de Perfe, affura ce miniftre que Kérim-kan, ni luimême, ne fe porteroient à aucun acte d'hoftilité, avant que de fçavoir quel feroit le résultat des négociations de la Porte avec la cour d'Ifpahan. Ces promeffes frauduleufes furent crues de bonne foi par le Turc; mais le Persan se prévalut de cette aveugle confiance pour s'emparer

(1) M. de Malefieux difoit un jour à M. le duc d'Orléans régent, au fujet d'un traité qu'il venoit de figner,` qu'il auroit été à propos d'inférer dans tel article un mot équivoque qui put fournir un prétexte pour renouveller la guerre Bon! répondit le prince, quand on a de quoi faire la guerre, on ne donnercit pas un fol d'un prétexte, Ce prince, fi calomnié de fon vivant & fi respecté aujourd'hui, connoiffoit le Machiavelifme & fçavoit l'employer & le repouffer.

de toutes les villes qu'il trouva fur fon paffage, & y mettre tout à feu & à fang. Après avoir fait efclaves plus de 18 mille prifonniers, il s'approcha de Bagdad, qu'il n'ofà pourtant point attaquer, & il fe retira fur les frontieres de Perfe, après avoir laiffé des garnifons dans les places dont il s'étoit rendu maitre.

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L'autre armée, forte de 25 mille hommes, fous les ordres de Sadeck-kan, frere de Kérim, étant arrivée à deux journées de Baffora, campa fur les bords du fleuve arabique, au confluent du Tigre & de l'Euphrate. Mour-Salem, Solimanaga, & les autres grands du pays, informés que le pacha de Bagdad n'avoit pris aucunes mefures, ni pour leur défenfe ni pour la fienne même offrirent à l'ennemi 40 mille tomans (12000 louis) pour le rachat de leur ville (fi l'on peut s'exprimer ainfi ); mais l'offre fut rejettée auffi hautement qu'elle avoit été baffement faite. Les Perfans jetterent un pont fur le fleuve, & mirent le fiege devant Baffora le 6 d'Avril. Le tems qu'il fallut à Sadek-kan pour conftruire fon pont donna à Mour-Salem non-feulement celui de fortifier & d'approvifionner la place, mais encore d'y faire entrer les habitans d'alentour, les Arabes du Ziber, 4 mille fufiliers du cheik des Montefiks, & 3 mille Arabes du Neïed, de forte que la garnifon fe trouva prefque auffi forte que l'armée affiégeante.

Tandis que Sadek-kan étoit encore à Soveyb, à deux journées de Baffora, 16 barques pafferent vis-a-vis de cette ville pour aller joindre l'armée perfane; mais dans le tems qu'elles remontoient le fleuve, 4 frégates angloifes les attaquerent, en prirent & en brûlerent une, ils auroient peut-être fait fubir le même fort aux autres, fi un canot d'avis ne leur eût appris qu'environ 40 autres tartanes armées venɔient de Bendémir au

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