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nos commandans, ils ont non-feulement reçu parmi eux des Cofaques déferteurs de notre fervice; mais ils ont auffi induit par différens artifices des hommes mariés &qui avoient des ménages fixes, à fe retirer chez eux de la Petite-Ruffie uniquement dans la vue de fe les foumetere, & d'introduire ainfi dans leur domination une agriculture propre ; ce qui leur a auffi réuffi au point qu'on trouve aujourd'hui dans les contrées qui ont appartenu ci-devant au domaine de Saporog, 50 mille hommes qui s'occupent des travaux de la campagne.

VI. Enfin les Saporoges ont porté leur audace fi loin, qu'ils ont même commencé de s'approprier des districts qui, de tout tems, ont appartenu aux Cofaques du Don, auxquels nous fommes particulierement affectionnés, & que nous honorons de notre grace spéciale, à caufe de leur fidélité, de leur bravoure, & de leur façon de vivre honnête: ils défendirent aux Cofaques du Don de profiter des terres qui depuis longtems avoient fait partie de leur domaine. Tout homme raifonnable peut aifément concevoir les deffeins artificieux que les Saporoges avoient en tout ceci, anifi que le préjudice, qui en devoit néceffairement réfulter pour tout l'empire, fans qu'il foit même befoin d'ajouter, qu'au commencement de la derniere guerre avec la Porte-Ottomane, plufieurs d'entre les Cofaques de Saporog perdirent toute la piété & la fidélité qu'ils nous devoient ainfi qu'à la patrie, tellement de vue, qu'ils réfolurent de fe ranger du côté de l'ennemi; ils n'avertirent point nos troupes de l'approche du kan de la Crimée & ne s'oppoferent point du tout à fa marche vers les frontieres, quoiqu'ils fuffent affez forts pour le faire avec fuccès.

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Après avoir pris en férieufe confidération toutes ces circonftances nous nous fommes trouvés obligés envers dieu, envers notre empire & envers tout le genre humain, d'anéantir le Setfch de Saporog & les Cofaques qui en portent le nom. En conféquence le Sr. Teheli, notre lieutenant-général, avec les troupes que nous lui avions confées, a enfermé & pris ledit Setfch, dans le meilleur ordre poffible, avec une parfaite tranquillité, & fans aucune réfifiance de la part des Cofaques, vu qu'ils n'apperçurent les troupes qui s'approchoient d'eux, qu'au moment qu'elles les avoient déjà environnés de toutes parts, comme auffi nous avions fpécialement ordonné audit commandant d'exécuter fa commiffion de la maniere la plus paisible, & s'il se pouvoit, fans effusion de fang.

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Ayant donc voulu inftruire nos fideles & bien-amés fujets de toutes ces circonftances, nous leur notiñions en même tems, qu'actuellement le Setfch de Saporog n'exifte plus fuivant fon ancienne inftitution; que, par conféquent, les Cofaques de ce nom font auffi éteints à jamais, & qu'en revanche nous deftinons ces contrées & les avantages dont la nature les a pourvues, à des habitans honnêtes & utiles à la patrie, qui feront cenfés appartenir au gouvernement de la nouvelle-Ruffie, & pour le nouvel établiffement defquels les commandans dans ce pays auront un foin tout paritculier.

Au refle, fuivant les mouvemens de l'humanité, qui tache conftamment de détourner la punition, même de ceux qui l'ont méritée, nous permettons & ordonnons très-gracieufement de renvoyer à leurs villes natales tous ceux d'entre les Cofaques de Saporog, qui ne vou◄ dront point mener, dans les endroits où ils fe trouvent actuellement, une vie fixe & réglée, enjoignons de donner du terrein, pour y établir une demeure permanente, à tous ceux qui fouhaiteront d'y exercer l'agriculture. Voulons de plus, que notre grace impériale foit assurée à tous les chefs & officiers des Cofaques, qui auront rempli leur devoir au fervice, & auront un bon témoignage de la part des commandans de nos armées, ordonnant même qu'il leur foit donné des titres d'honneur à proportion de leurs fervices & de leur caractere.

Donné à Mofcou le 3 (14) Août 1775, & de notre regne le quatorzieme.

Signé, CATHERINE.

C'eft le defordre & le libertinage qui feuls produifent ordinairement les apoftats; les communions proteftantes qui les reçoivent, ne font pas une acquifition dont elles doivent fe louer; & fi l'églife qu'ils quittent les regrette, c'eft qu'elle gémit fur le fort auquel ils s'expofent. Si l'on refufoit de les recevoir, il y en auroit, fans doute, moins. Un chanoine de ceux qui ne font pas réguliers, attiré chez l'étranger par le defir d'abjurer des erreurs qu'il difoit avoir reconnues, car c'est le langage de tous les apoftats, &, furtout, par celui de fe charger d'une femme quelconque & de vivre fans rien

faire, comme fi l'on vivoit ainfi dans les pays proteftans, lorfqu'on n'y apporte que de la pareffe, s'embarqua, il y a quelque tems, d'une contrée catholique à bord d'un vaiffeau qui faifoit voile pour la Jutlande. Il aborde à Aalbourg, où peu de perfonnes parloient fa langue; il cherche quelqu'un qui la fache, & on lui en nomme un. L'étranger le prit pour un miniftre proteftant, & il fe trouva que c'étoit un aumônier catholique, homme grave, d'un caractere doux & tolérant, mais qui déteftoit avec raison les fainéans & les impudiques; l'étranger l'aborda avec le difcours qu'il avoit préparé, & qui, comme on s'y attend bien, étoit rempli d'invectives contre l'églife qu'il quittoit. Je crois tout ce que vous voulez renoncer à croire, répondit l'aumônier; l'églife danoife, de fon côté, célebre la meffe, admet la confeffion, &c. ( ce qui eft vrai pour les églifes qui gardent l'interim); mais il y a des églifes mitigées à Fridericia. Les prêtres y ontils des femmes, interrompit vivement l'étranger, très-aifément, repliqua l'aumônier. Eh bien! recommandez moi, & je pars, réprit l'aventurier. L'aumônier effaya de le ramener; n'y réuffit point; il démêla facilement le carac( tere de fon homme, & les motifs de fa nouvelle vocation; lui tourna le dos, & l'autre prit la route de Fridericia; le pafteur luthérien ne le reçut pas mieux que l'aumônier catholique; il ne fut pas plus heureux auprès du miniftre réformé. C'eft l'envie d'avoir une femme, lui dirent-ils, qui détermine votre changement; le mariage eft bon, fans doute; mais c'eft une trifte chofe quand on eft hors d'état de nourrir fa femme & fes enfans par un travail honnête & affidu. Vous avez compté fur les bienfaits de la communion qui vous admettroit; des vues honteufes vous ont conduit. Croyez-nous; rétour

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nez auprès de ceux que vous avez quittés; méritez de rentrer en grace avec eux, & le pardon du ciel par votre repentir. Si tous les apoftats étoient éconduits ainfi, lon verroit moins de malheureux qui vont fe déshonorer en mentant au ciel, & en trahiffant à la fois le culte qu'ils abandonnent, & celui qu'ils embraffent.

POLOGNE.

Que les puiffances étrangeres auxquelles la ville de Dantzig s'eft adreffée dans fes malheurs, fe foient bornées à la plaindre & qu'elles aient évité de s'engager dans une querelle dont les fuites pouvoient préjudicier à leurs intérêts ; c'est ce qui n'a étonné perfonne. Mais que la république de Pologne, protectrice née des Dantzikois, ait vu ruiner leur commerce & envahir leur territoire fans faire aucune réclamation en leur faveur; & que dans cette crife accablante, quelques membres de la délégation aient fait tous leurs efforts pour priver Dantzig du droit d'étape; voilà ce qui a dû exciter la furprise générale. Cette ville, menacée de toutes parts & touchant à fa ruine totale, fembloit donc être abandonnée à elle-même, lorsqu'enfin le ministere polonois a rompu le filence, en remettant les notes dont nous avous parlé (Iere. Quinz. Décembre p. 11.) En voici la traduction.

Note remife par la république de Pologne au baron de Rewitzki, envoyé extraordinaire & miniftre plénipotentiaire de la cour de Vienne.

La liberté de commerce, dont la ville de Dantzig a été jufqu'ici en poffeffion, intéreffe trop effentiellement les puiffances qui peuvent avoir quelque rapport avec elle, pour qu'elles négli

gent de s'affurer la confervation des avantages, qu'elles ont retirés de leur commerce particulier avec cette ville. C'eft pourquoi le fous-figné, par ordre du roi & de l'avis du confeil permanent, eft chargé de communiquer au baron de Revitzky, envoyé extraordinaire & miniftre plénipotentiaire de la cour de Vienne, l'expofé ci-joint, en le requérant de le faire paffer inceffamment à sa cour, afin qu'elle emploie efficacement fes bons offices auprès de S. M. le roi de Pruffe, pour le porter à fe défifter de fes prétentions fur le port de Dantzig, & à faire ceffer les impofitions nouvelles, mifes fur les vaiffeaux qui abordent dans ce port, impofitions contraires aux privileges les plus authentiques de cette ville, & qui ne tendent à rien moins qu'à la ruine entiere de fon commerce. Le fousfigné eft perfuadé, que S. E. l'envoyé extraordinaire & miniftre plénipotentiaire de la cour de Vienne, connoit trop les vrais intérêts de fa cour, pour ne pas s'empreffer de lui faire fentir les fuites fâcheufes, qu'auroit pour elle la perte abfolue de la liberté du commerce d'une ville avec laquelle elle fe trouve > par les circonftances, avoir plus de rapport, &, par conféquent, dans l'obligation d'interpofer fes bons offices pour remettre la ville de Dantzig dans la jouiflance de fes anciens droits.

Note remife au baron de Stackelberg, ambaffadeur de Ruffie.

La liberté de commerce dont la ville de Dantzig a joui de tout tems, paroit trop intimement liée avec l'intérêt des puiffances qui ont eu jufqu'ici quelque rapport avec la Pologne, foit par les marchandifes qu'elles en ont tirées foit par celles qu'elles y ont importées, pour

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