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M. fit l'ouverture des féances du parlement par le difcours fuivant :

La fituation actuelle de l'Amérique, & mon defir conftant d'avoir votre avis, votre concours & votre affiftance dans toutes les affaires importantes, m'ont déterminé à avancer le tems de votre affemblée. Ceux qui, depuis longtems, travaillent avec trop de fuccès à foulever mes peuples de l'Amérique, par de faux & méchans rapports, & à leur faire adopter des opinions abfolument contraires à la vraie conftitution des colonies, & à la fubordination qui doit les lier à la Gran de Bretagne, s'applaudiffent hautement aujourd'hui de la révolte & des actes d'hoftilité auxquels ils les ont poufiés. Ces peuples ont levé des troupes; ils fe forment une marine; iis fe font emparés des deniers publics, & ils ont ofé s'arroger l'autorité législative, exécutrice & judiciaire que déjà ils exercent de la maniere la plus arbitraire fur les perfonnes & fur les propriétés des autres fujets leurs concitoyens. Quoique plufieurs de ces fujets malheureux tiennent encore à leurs fentimens anciens pour leur roi & pour leur pa- › trie, quoiqu'ils foient trop éclairés pour ne pas voir les fuites funeftes de leur rébellion, & que peut-être même, au fond de leurs cœurs, ils la défavouent ; cependant, entraînés par le torrent, ils ont dû paroitre abandonner leur devoir jufqu'à ce que des forces fuffifantes fe préfentaffent pour les y faire rentrer, & pour, les foutenir.

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Les auteurs & les inftigateurs d'une confpiration fi téméraire l'ont conduite jufqu'ici avec des avantages qu'ils n'ont pu tirer que de la différence remarquable de nos intentions & des leurs. Ils ne cherchoient qu'à nous infpirer une fécurité fauffe par de vagues expreffions d'attachement à la métropole, & de loyauté à notre égard, tandis qu'ils fe préparoient à une révolte générale de notre côté, quoique dans votre derniere feffion it eat été déclaré qu'il exiftoit une rébellion dans la baye de Maffachuffet, cependant nous avons plus fouhaité de ramener cette province, que de la réduire. Les arrêtés du parlement refpiroient la douceur & la modération q les offres de conciliation s'annonçoient en même tems que les moyens calculés pour le maintien de l'autorité, & la rigueur des actes coërcitifs étoit combinée, de votre part, avec le degré d'une défobéiffance qui n'avoit point encore mis les armes à la main des rebelles.

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Le même efprit a réglé ma conduite; mon unique foin, a été d'empêcher, autant qu'il feroit poffible, l'effufion du fang de mes fujets, & de leur éviter les calamités inféparables de l'état de guerre. Je m'étois toujours flatté que mes peuples de l'Amérique démêleroient les vues perfides de leurs confeils, & qu'ils reconnoitroient qu'un fujet de la Grande Bretagne, avec les avantages attachés à ce titre, eft un individu plus libre qu'on ne peut l'être dans quelque fociété civile que ce foit.

La rébellion ouverte a enfin éclaté; elle eft devenue plus générale, & les révoltés ofent afpirer à un état d'indépendance abfolue. Je me difpenferai de m'écendre ici fur les dangereux effets d'une intention fi crimi. nelle. L'objet eft trop important, la.nation angloife a trop de fierté, les reffources qu'elle tient de la providence font trop étendues pour qu'elle puiffe abandonner un grand nombre de colonies, qui lui ont coûté tant de foins à créer, dont elle a favorifé les accroissemens par les plus tendres attentions, qu'elle a encoura gées par toute forte d'avantages de commerce, & qu'elle a protégées & défendues en prodiguant pour elles & fon fang & fes tréfers.

Le moment eft venu où la fageffe doit agir, & vù la clémence même demande qu'on mette une prompte fin à ces défordres, par les efforts les plus décififs. J'ai éten lu à cet effet ma puiffance maritime & j'ai fait de grandes augmentations dans mes forces de terre, de maniere cependant à ne charger mes royaumes que le moins qu'il me feroit poffible.

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J'ai auffi la fatisfaction de pouvoir vous apprendre que j'ai reçu les offres les plus obligeantes de fecours étrangers; & fi je conclus quelques traités en conféquence, ils vous feront communiqués. Pour preuve de l'affection que je porte à mes peuples, pour lesquels il ne peut exifter aucun intérêt que je ne partage avec eux, j'ai fait paffer dans les places de Gibraltar & de PortMahon une partie de mes troupes électorales, afin qu'un nombre plus confidérable des forces de ce royaume puiffe être employé au maintien de fon autorité la milice nationale, inftituée dans la double vue de mainenir les droits & la fûreté de ma couronne & de mes peuples, peut ainfi donner plus d'activité à nos opérations militaires.

Lorfqu'une multitude malheureufe & abufée, contre laquelle ces forces vont marcher, s'appercevra de fon erreur, elle me trouvera difpofé à recevoir avec bonté

fonnes

des fujets qui reviendront de leur égarement; & fin, de remedier aux inconvéniens d'une trop grande diftance, & de faire ceffer plus promptement les calamités qui les affligent, je donnerai pouvoir à certaines perfur les lieux mêmes d'accorder le pardon ou des amn fties générales ou particulieres, & de recevoir la foumiffion de celles des provinces ou colonies qui fe montreront difpofées à rentrer dans le devoir. I pourra ê re néceffaire auffi d'autorifer les perfonnes chargées de ces commiffions, à les établir dans le libre exercice de leur commerce & de leur navigation, & de les faire jouir de la mê ne protection & sûreté que fi elles n'euffent jam is fuivi l'étendard de la révolte.

Meffieurs de la chambre des communes,

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J'ai ordonné qu'on vous préfentât les eftimations des dépenses de l'année où nous allons entrer & relativement, aux fubfides qu'exige l'état actuel de nos affaires je compte fur votre affection pour moi, & fur la réfolution où vous devez être de maintenir les juftes droits de l'Angleterre. Dans le grand nombre des fâcheufes & inévitables fuites de la rébellion actuelle, il n'en eft point qui m'affe&te plus vivement que le fardeau extraordinaire dont il faudra charger mes fideles fujets.

Mylords & Meffieurs,

Je vous ai pleinement inftruits de mes fentimens & des mes intentions. L'objet conftant de mes penfées, & les defirs 1:s plus ardens de mon cœur portent uniquement fur la fareré & le bonheur de tous mes peuples, & fur le rétabliffement de l'ordre & de la tranquillité dans les différentes parties de mes états, entre lefquels doit exifter une liaifon étroite & une dépendance conftitutionnelle Vous voyez ce que peuvent entraîner les dé ordres actuels, & je vous ai développé le plan que je me propose de fuivre pour y mettre fin. Je me repofe fur votre fageffe, relativement à ce qui peut m'être encore néceffaire pour y parvenir ; & je me félicite de pouvoir ajouter que, par les affurances que j'ai reçues, ains que d'après l'afpect général des affaires de l'Europe, je ne vois aucune apparence que les réfolutions que vous pourrez prendre, foient dérangées par des différends avec aucune puiffance étrangere.

Le roi s'étant retiré, & les membres des communes étant rentrés dans leur chambre, le lord.

Thownfend propofa aux pairs de faire une adreffe deremerciment à S. M. Cette piece fut bientôt rédigée; & la lecture en ayant été faite, les partifans de l'oppolition furent d'avis qu'il falloit y faire des changemens confidérables. Pendant les délibérations qui durerent jusqu'à minuit, le duc de Grafton & plufieurs autres lords s'éleverent contrele miniftere, dont ils improuverent la conduite à l'égard des Américains; mais après bien des. débats, l'adreffe fut approuvée telle qu'elle avoit été lue, à la pluralité de 76 voix contre 33.

On lut dans la chambre des communes la même propofition pour une adreffe, & les débats y furent encore plus vifs que dans la chambre des pais; mais le parti du miniftere l'emporta à la pluralité de 278 voix contre 108. La chambre ne fe fépara qu'à 5 heures du matin.

Le parlement d'Irlande s'étoit affemblé dès le 10 de ce mois, conformément à fa prorogation. Le vice-roi de ce royaume s'y étant rendu, il adreffa aux deux chambres un difcours par lequel, après avoir loué leur fidélité & leur zele pour le bien de l'état, il leur dit qu'il ne doutoit point que, pénétrés de reconnoillance pour la profpérité dont la douceur de l'administration les faifoit jouir, elles ne fuflent prêtes à faire éclater leur attachement inviolable pour la perfonne du roi, en contribuant à la défenfe, de fes juftes droits & au fourien de fon autorité légitime, trou- ; blée par une rébellion qui subsiste dans une partie de les états en Amérique. Adreflant enfuite. la parole à la chambre des communes, Meffieurs, leur dit-il, j'ai ordonné qu'on mit fous vos yeux les éta's des comptes & eflimations, pour que vous fuffiez en état de juger des mesures qu'il faudra prendre pour faire face aux depenfes ordinaires des établiffemens de S. M., & pour acquitter les arrerages inévitables de l'année derniere, Puis 2 reprenant

fon difcours général, il a fait obferver aux deux chambres les loix avantageufes au commerce > aux manufactures & à l'agriculture de l'Irlande, que S. M. avoit fait paffer en fon parlement britannique. Il a rappellé le privilege des pêcheries, auquel ce royaume avoit été affocié l'acte qu permet de tirer de fes manufactures les habillemens des troupes qui en font la défense, celui qui autorife l'importation des graines de navette de ce pays dans la Grande - Bretagne; enfin, il a affuré les deux chambres qu'il rendroit à S. M. un compte exact de la continuation de leur fidélité & de leur zele, & qu'il coopéreroit toujours de toutes fes forces à ce qui pourroit tendre à l'avantage & au bonheur du royaume d'Irlande.

Il y eut de longs débats à la chambre des communes fur la réponse qu'elle avoit à faire au difcours dont on vient de parler. Le chevalier Charles Bingham, abfolument favorable à tout ce qu'avoit dit le lord - lieutenant, propofa une adreffe à S. M., dont il fit la lecture, & qui n'étoit qu'une répétition du difcours précédent.

Le fieur Ponfonby fut d'un avis différent fur l'article de l'adreffe qui concernoit les Américains. Il dit qu'il étoit fâché qu'on agitât cette queftion dans la chambre, qui ne pouvoit prendre aucun parti décifif fur cette affaire, puifqu'aucun membre ne pouvoit fe flatter d'avoir les preuves & les pieces qui doivent faire connoitre à fond une matiere fi épineufe, fi délicate, & fi importante pour les communes d'Irlande; que, d'ailleurs, il étoit prudent d'attendre les réfolutions du parlement d'Angleterre, qui alloit s'affembler. Il propofa donc de changer le paragraphe de cette adreffe, relatif à l'Amérique, de la maniere fuivante.

Les communes font extrêmement affligées de voir les différends qui fubfiftent entre le parlement de la

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